Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

18 avril 2008

Césaire, un héritage

Je crois que ce qui me frappe le plus chez Césaire, c'est que, comme Senghor, il a illustré qu'un homme pouvait adhérer aux valeurs universelles des lumières sans que cela signifie le renoncement à ses racines et à son identité "nègre". C'est un beau message.
Pour une courte bio du poète martiniquais cliquez sur le tire.

17 avril 2008

Sarko n'a plus rien dans son chapeau

Ayant de temps en temps la dent dure envers la gauche française, je crois juste de dire la consternation qui me traverse de part en part au vu de cette première année de "Sarkozie". Ce n'est pas tant le bling-bling, ni le "pauvre con" symptomatique d'une difficulté, comme l'a bien résumé Fabius à se gouverner soit même. Tout cela, j'aurais pu l'accepter, le mettre sur le compte d'une recherche de "contemporainité". Je ne veux pas non plus m'en prendre à Sarkozy personnellement. Trop facile. Non, ce qui m'inquiète c'est que je pensais que nous avions touché le fond avec Chirac et que je commence à me demander si ce n'est pas pire avec Sarkozy. Là aussi, croyez-moi, je pense que la situation du pays est si grave que j'espère vraiment me tromper.
Car au fond, un an après et alors que la France s'apprête à prendre les rennes de l'UE, je ne sais toujours pas ou Sarko veut nous mener. Il y a, en effet un programme de réformes sans précédent mis sur les rails, mais on ne voit ni la direction, ni surtout la cohérence.
Souvenez-vous: Acte un: Le Président s'avance comme le champion du pouvoir d'achat. Il dillapide 40 milliards et se retrouve à sec. Bien sûr, beaucoup de français ont des problèmes de fins de mois, surtout avec la hausse de l'énergie et de l'agroalimentaire. Mais la consommation continue de se tenir à peu près et surtout peut-on distribuer plus quand on produit moins? Mais surtout, à quoi servait-il de faire une telle campagne si au bout du compte c'était pour ronger un des rares leviers de l'Etat, à savoir les allocations familiales? Comment croire Fillon lorsqu'il affirme qu'il est hors de question de faire une politique de rigueur en période de basse croissance, car cela ne ferait, en effet, qu'aggraver les effets de la crise, lorsque dans le même temps on prend la responsabilité de diminuer les ressources des familles? Comme l'a bien expliqué l'économiste du CNAM Michel Godet (qui avait pourtant il n'y a pas si longtemps encore l'oreille du président), chaque enfant grève de 10 à 20% le revenu d'un ménage. Ce qui veut dire que le revenu des familles nombreuses est davantage consommé et contribue au soutient l'activité économique. Sans compter que la démographie française reste l'un de nos derniers atouts en Europe.
Bien sûr, l'Etat doit faire des économies- c'est même la clé-mais pour reprendre une expression en vogue au gouvernement, n'y a-t-il pas à la fois inélégance et lâcheté à faire payer les familles plutôt que de s'attaquer aux dépenses improductives de l'Etat? Evidement cela peut sembler moins risqué politiquement que de défier les syndicats de la fonction publique...
De surcroit, le festival de couacs auquel a encore donné lieu cette affaire- bien raconté ici- renforce l'impression que cette équipe gouvernementale n'est pas "tenue" et n'a pas de feuille de route précise. Enfin, tous ces sujets ne sont-ils pas discutés en conseil des ministres, en interministeriel? C'est proprement hallucinant.
Sarko a joué les durs devant ses ministres en promettant la porte aux mauvais élèves. Pour ne pas perdre toute crédibilité, peut-être devra-t-il passer à l'acte et si cela ne suffit pas virer Fillon. Le Premier Ministre est là pour servir de fusible. Mais sans doute pourrait-il-avant de sacrifier un Premier Ministre compétent et sérieux- se demander si son équipe dispose d'une idée claire de sa ligne politique. Sur ce sujet, comme sur les OGM (souvenez-vous des engagements du Grenelle), ou même sur la politique étrangère, on y comprend que pouic...Car au bout du compte, si d'ici 4 ans et quelques premiers ministres on en est encore là, c'est Sarko qui en fera les frais!
Prenons l'attitude envers la Chine. Vous avez compris, vous, quelle position voulait adopter la France envers Pékin sur la question des JO? Un jour on veut leur vendre des centrales nucléaires et on fait des grandes déclarations d'amitiés en mettant un mouchoir sur les droits de l'homme au Tibet ou ailleurs, le lendemain on évoque un éventuel boycott de la cérémonie d'ouverture, "si les choses n'évoluent pas favorablement". Total, les Chinois sont furieux, spécialement contre la France arrogante et sournoise et ont l'impression, excusez-moi, qu'elle se fout de leurs gueules, alors qu'ils ont l'habitude que les Anglais ou les Allemands les cherchent sur les libertés démocratiques, mais avec moins de bruit de grosse caisse. A l'arrivée, on perd sur tous les tableaux.
Je crois qu'il ne reste plus qu'une seule chose à faire pour corriger ces débuts calamiteux: Se décider enfin à pratiquer un peu de parler vrai, faire la pédagogie de la réforme et surtout agir plus vite en se souciant un peu moins de l'opinion à court terme et en cessant de penser que l'électeur peut être abusé par des tours de passe-passe aussi grotesques. Bref que Sarkozy arrête de se prendre pour Mandrake, sinon il va finir comme Garcimore.

15 avril 2008

Leçons transalpines

Parlons un peu politique. Dans quelques jours sortira un livre très attendu signé Manuel Valls (avec Claude Askolovitch, copinage), intitulé "Pour en finir avec le vieux socialisme". Le très stimulant et prometteur député-maire d'Evry aurait pu aussi bien supprimer l'adjectif...
Dans le débat de France 24 lundi, j'ai animé un face à face entre Antonio Tajani, co-fondateur de Forza Italia et Franco Bassanini du Parti Démocrate, ancien ministre et membre de la commission Attali. Tous les deux revendiquaient leur proximité intellectuelle avec le programme économique de Sarkozy! On pourrait dire que Bassanini est proche de ce que Sarkozy avait promis de faire et Tajani de ce qu'il fait. Reste qu'aucun des deux ne fait l'apologie des dépenses publiques. Au contraire ils se prononcent l'un comme l'autre pour une politique de l'offre, des baisses d'impôts et un désendettement de l'Etat. Bassanini, comme d'ailleurs Weltroni, refuse de présenter le PD comme "la gauche", mais seulement comme "le centre-gauche". Certes la gauche du PS français ne manquera pas de faire remarquer à l'aile droite (Royal, Delanoë etValls) que la rupture du centre et de la gauche, en Italie, a été synonyme de défaite. Ce qu'Eric Dupin remarque aussi ici.
C'est oublier un autre facteur bien plus important que les programmes: Le "Storytelling", (Voir l'essai passionnant de Christian Salmon à la Découverte), c'est à dire la capacité d'un candidat à créer de l'émotion à partir de ses idées politiques, à mettre en marche l' imaginaire de l'électeur, sa capacité de représentation symbolique, un système de valeurs auquel il aura envie d'adhérer. Bref de faire rêver, comme on disait jadis de ce côté des Alpes. Sur ce plan Berlusconi, avec toutes ses casseroles, l'a emporté haut la main.
Reste que l'idéologie socialiste-la tendance pro-chinoise à la Melenchon- jadis très forte en Italie a été complètement laminée lors de ces législatives.
Nous avons eu en France cette gauche, la deuxième, la rocardienne. Elle a réussi intellectuellement mais échoué politiquement parce qu'elle n'a pas voulu ajouter à son réalisme une dimension subjective, affective y voyant- notamment son chef de file Rocard- une trahison, la manifestation d'une inepte démagogie.
La gauche convertie aux réalités économiques, acceptant de porter elle aussi les valeurs individualistes et refusant la diabolisation du liberalisme, devra bien un jour se rendre à l'évidence: Elle n'a plus le monopole du soucis social. Elle pourra alors poser son encombrant bagage socialiste.

10 avril 2008

Retour à Olympie


Confronté aux manifestations de Londres et Paris qui ont donné au parcours de la flamme olympique (transportée dans un bus!) un air de farce, le CIO s'est enfin décidé à réagir, quoique sur un mode très modéré, pour rappeler la Chine à ses engagements. C'était déjà trop pour Pékin qui a répliqué de manière cinglante en rappelant aux gardiens du temple les principes édictés par eux même, à savoir le pseudo "apolitisme" de la charte olympique. Un comble.
L'Olympisme moderne est dans une impasse totale, coincé entre nécessités économiques et contraintes politiques, dont il ne sortira que par un retour aux sources.
On peut d'ailleurs se demander si trouver une ville prête et surtout capable de remplir les multiples critères pour pouvoir organiser les prochains jeux à attribuer- ceux de 2016- ne s'avérera pas une tâche quasi-impossible.
Durant de mon expérience comme consultant éphémère pour "Paris 2012" j'ai analysé les expériences des 30 dernières années. Elles illustrent parfaitement la situation actuelle. Pardonnez l'énumération:
-Munich 1972: La tragédie que l'on sait, et les Jeux n'ont pas été interrompus un seul jour!
-Montréal 1976: Derniers jeux financés exclusivement sur fonds publics. Un désastre économique dont la ville a mis 25 ans à se sortir.
-Moscou 1980: Année du boycott d'athlètes de nombreux pays, dont les Etats-Unis en raison de l'intervention des chars russes en Afghanistan. De ce fait bilan sportif insignifiant. Des jeux pour rien, ou presque.
-Los Angeles 1984: Premier Jeux entièrement privatisés, de ce fait bénéficiaires. Mais dès lors plus rien ne peut plus se concevoir sans les sponsors.
Séoul 1988: On peut admirer pour la première fois le sens de l'organisation asiatique. La Corée du Sud montre qu'elle accède au rang de pays développé.
-Barcelone 1992: Les jeux marquent le retour de l'Espagne dans la modernité. Tout a été pensé pour que la ville soit transfigurée. Triomphe de J.A Samaranch, alors président du CIO. Aujourd'hui, en partie grâce aux Jeux, Barcelone est une des capitales européennes les plus attractives. Ces Jeux sont encore régulièrement cités en exemple d'héritage positif.
-Atlanta 1996: Les JO "Coca-Cola", Ce ne sont pas les Etats Unis qui ont été choisis mais la capitale d'un des principaux sponsors du CIO, et accessoirement de CNN. Choix uniquement dicté par les contraintes du business. Atlanta s'avère être une ville trop petite, ses infrastructures sont ridicules. Il y a des ratés dans l'informatisation des résultats. Modèle de mauvaise organisation, comme le montre en particulier l'attentat devant le parc olympique qui fait 2 morts et 112 bléssés.
Sydney 2000: L'exemple de jeux parfaitement organisés et réussis, portés par une nation qui porte aux nues les valeurs et la pratique du sport. L'Australie a de l'espace, est à l'écart des troubles géopolitiques et...c'est une démocratie. Elle profite de l'évènement pour compenser son éloignement du reste du monde. Une référence, mais difficile de reproduire ces Jeux ailleurs.
Athènes 2004: La Grèce obtient enfin, après plusieurs échecs, le retour des Jeux dans leur mère-patrie. Mais le CIO (et tous les observateurs) sont un peu nerveux. La Grèce moderne n'est-elle pas un trop petit pays? Ses moeurs "méditerranéennes" ne seront-elles pas un handicap insurmontable? Néanmoins impossible de bloquer plus longtemps la demande des Grecs. A l'arrivée, on passe tout près de la catastrophe. Athènes faillit ne pas être prête à l'heure. Les retards dus aux impayés ont pu être rattrapés grâce à la solidarité européenne qui a joué à plein. Du coup, Athènes s'est offert, en quelques années, au prix d'un endettement important et grâce au contribuable européen une modernisation de ses infrastructures qui aurait demandé 20 ans sans les Jeux.
Pékin 2008: C'est le tour de Pékin. Les sponsors et le CIO sont alléchés par les records de croissance. La Chine est un grand pays qui ne lésine pas sur les moyens, y compris les plus discutables pour arriver à ses fins. On a fermé les yeux sur les quasi esclaves venus des campagnes et les expropriations. Une telle "réussite" qu'il a fallu interrompre les chantiers pour ne pas être prêts trop tôt. La Chine prend des engagements sur les droits de l'homme qui resteront lettre morte.
Londres 2012: Paris échoue pour la troisième fois, pour 4 voix seulement (sur 104). Un camouflet pour les héritiers de Coubertin, à qui il est cyniquement rappelé que l'essentiel est de participer! Les raisons de l'échec sont multiples mais on ne dira jamais assez à quel point la grève des transports parisiens, le jour de la visite de la commission d'évaluation du CIO aura été un coup de poignard dans le dos. Finalement le CIO a davantage confiance dans le dynamisme et le cosmopolitisme londonien qu'en ces imprévisibles et quelque peu arrogants Français.
Conclusion: Mis à part Barcelone, Sydney et dans une moindre mesure Séoul le bilan est largement négatif. L'idée de l'apolitisme des JO est une fiction. Tout montre au contraire que l'histoire des Jeux s'inscrit dans l'Histoire tout court. En choisissant Pékin, le CIO a pensé au business tandis que les Chinois, comme tous ceux qui les ont précédé ont pensé réaliser une opération de relations publiques à l'échelle mondiale. Cela ne saurait être neutre ni se limiter à un événement purement sportif. Du reste on peut s'attendre à un festival de performances d'athlètes chinois plus ou moins suspectes, ce qui ne manquera pas de relancer la polémique sur le dopage.
Enfin, réflexion faite, si des Jeux correctement pensés (Barcelone) peuvent durablement façonner une ville, il est exagéré de dire que celle-ci en retire un supplément de croissance. En général celle-ci précède les Jeux qui constituent une lourde charge pour un pays et ses habitants, à peine compensée-pas toujours!- par des retombées d'image positives.
Pour 2016, le CIO cherchera un candidat en dehors de l'Europe en vertu d'une règle non écrite d'alternance entre les continents. Remis de l'expérience chinoise, il souhaitera privilégier une démocratie et en tout cas un pays à économie forte et fiable car les Jeux sont de plus en plus compliqués à organiser. L'Afrique étant de fait hors concours, on regardera vers l'Amérique. Il y aura le Brésil mais apparemment Rio préfère concourir pour la coupe du monde de foot 2014, choix indiscutable et quasi assuré. Les Etats-Unis ayant organisé deux fois des Jeux en 30 ans, cela ne laisse guère que le Canada (Toronto est un éternel candidat malchanceux). Le Mexique étant exclu car il a remplacé la Colombie comme pays le plus dangereux de la région. En Asie, il n'y aurait guère que le Japon mais rien n'indique qu'il souhaite être candidat. On pourra être tenté de retourner en Australie, à Melbourne, cette fois, qui a eu des velléités..Le choix, en tout cas, est restreint. Reste une autre solution, une vieille idée qui pourrait être un remède à tous ces tourments: Décider de revenir à l'esprit des Jeux de l'Antiquité, c'est à dire qu'ils se déroulent tous les quatre ans à Olympie, ou plutôt à Athènes dont les installations viennent d'être modernisées. Les investissements rendus nécessaires seraient bien sûr mutualisés, les installations sportives enfin amorties car contrairement à ce que l'on dit cela n'est jamais le cas. En effet, on ne peut plus y organiser par la suite d'événements comparables aux JO. Et contrairement aux infrastructures touristiques ou logistiques elles sont à fonds perdus, ne profitent qu'aux athlètes de haut niveau et ne laissent aucun héritage. On aurait enfin des JO durables! Mais les sponsors seront-ils d'accord? Le mouvement olympique va devoir faire un choix qui déterminera l'avenir des Jeux au XXIème siècle.