Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

27 avril 2005

To be or not to be...a chef d'oeuvre



Comme j'ai beaucoup disserté sur des sujets extrêmement sérieux ces derniers temps et que je crains toujours d'ennuyer, je voudrais seulement vous faire partager ma joie d'avoir redécouvert ce chef d'oeuvre de Lubitsch. J'avais du le voir pour la dernière fois il y a vingt cinq ans. Cela devait être au Ciné-Club de Claude Jean-Philippe. C'est dire...Je dois cette redécouverte au Monde du Week-end. Je n'ai pas regretté mes six euros!
J'ai revu le film dimanche soir et depuis j'y repense tous les jours, avec la "banane". En particulier à ce dialogue brillantissime entre l'acteur polonais Joseph Tura gentiment cabotin et jaloux (Jack Benny) et un officier allemand. A ce moment du film Benny est grimé et a repris les traits du professeur Siletzky, un traître qui espionne au profit des nazis. Il ne résiste pas à profiter de cette situation pour "pêcher des compliments" comme disent les anglais. Donc au détour d'une phrase il demande à l'allemand : "Do you know this great great polish actor, Joseph Tura?" et s'entend répondre : "Yes I saw him once on stage. What we did to Poland, he did to Shakespeare!" (Ce que nous avons fait à la Pologne il l'a fait subir à Shakespeare). Ecrire cela en 1942 était d'une audace incroyable. La phrase faillit d'ailleurs être coupée au montage. Soixante ans plus tard elle rappelle que l'on peut rire de tout, à condition d'avoir du talent. (mais pas avec n'importe qui, ajoutait le regretté Pierre Desproges).
Si vous le pouvez courrez revoir ce film d'une invention folle. Le cinema d'aujourd'hui nous fait-il autant de bien?

25 avril 2005

Les soutiens-gorge chinois, la constitution et les seniors

L'affaire des importations de textiles chinois fournit la meilleure démonstration possible du besoin d'une constitution européenne. Aujourd'hui, la commission qui ne peut dans les faits recevoir d'injonction des Etats qu'à l'unanimité est de facto abandonnée sur sa pente naturelle qui est non pas celle du libéralisme mais de la dérégulation.
Or il est impensable que l'UE ne puisse se défendre et se montrer ferme face aux chinois qui emploient des arguments dilatoires pour s'exonérer leurs responsabilités.
Avec la constitution il n' y a aucune assurance qu'elle y parvienne, mais au moins elle le peut sur le papier. Les 12 pays (Dont la France, l'Espagne, l'Italie et la Pologne) qui sont en faveur d'une procédure de sauvegarde d'urgence formeraient une majorité qualifiée pouvant peser sur une commission trop frileuse. Ce serait la possibilité de sauver une partie au moins des dizaines de milliers d'emplois menacés, selon le Medef. Avec le seul traité de Nice c'est l'assurance de les voir partir en fumée. Ceux qui croient servir l'Europe Sociale en votant non feraient bien d'y réfléchir.

Quand à la campagne du Oui, elle fait appel de façon remarquable aux "seniors", comme on dit en "politiquement correct": Giscard (79 ans), Barre (81 ans), Simone Weil (76 ans). Comme je l'ai déjà dit, trois ans d'absence n'ont pas suffit pour que le PS trouve un remplaçant à Jospin (67 ans). Toutes ces personnalités sont éminentes. Mais comment expliquer l'incapacité dans laquelle se trouvent la France et les français de s'en remettre à des élites rajeunies? Zapatero a 44 ans. Tony Blair brigue un troisième mandat à 53 ans!

Pour vous montrer que je ne fais pas dans le jeunisme, voici quelques morceaux choisis de l'interview que donne Raymond Barre au Figaro ce matin
:
Sur la question de la directive Bolkestein, il est le seul a avoir osé défier la démagogie ambiante en affirmant :

"Je n'ai pas compris le comportement quasi hystérique qu'a provoqué un projet de directive proposé par la Commission et soumis, avant son adoption, à l'avis du Parlement européen et du conseil des ministres. Derrière cette position de refus, il y a le fait qu'en France, certains secteurs corporatistes et protégés refusent la concurrence. Certes, il faut éviter que celle-ci soit destructrice des règles sociales et compromette le fonctionnement d'un marché équilibré. Mais en réalité, nous avons besoin d'une ouverture progressive du marché européen des services : une bonne partie des emplois de demain en dépendra. Nous, Français, n'avons aucun intérêt à nous y opposer
."

Je suis en revanche beaucoup plus circonspect sur son analyse de
la question turque :

"Derrière les protestations des Français envers la Turquie, il y a leur méfiance instinctive à l'égard de l'immigration et de l'islam. La Turquie est un pays islamique qui, depuis de nombreuses années, veut se moderniser en se rapprochant de l'Europe. Elle peut demain, à l'égard d'un islam dont nous ne connaissons pas l'évolution, apparaître au sein de l'Union comme un facteur de dialogue, de modération et d'équilibre."

Je crois que, paradoxalement, les islamistes turcs s'appuient tactiquement sur la perspective européenne pour marginaliser les militaires qui representent une force nationaliste opposée à leur installation durable au pouvoir.
Par ailleurs, tout ne peut être exclusivement résumé à une supposée "islamophobie". Si même les Pays-Bas semblent eux-aussi incliner vers le Non, c'est certes à cause d'une crue du chômage inhabituelle dans ce pays mais aussi en raison du débat qui y fait rage depuis l'assassinat de Théo Van Gogh sur les bienfaits supposés de la société multiculturelle.

Enfin, je trouve, en effet, très actuelle cette invitation de Toqueville au peuple français,
«tellement mobile dans ses pensées journalières et dans ses goûts, (afin qu'il) ne devienne pas un spectacle inattendu à lui-même et ne demeure pas aussi surpris que les étrangers à la vue de ce qu'il vient de faire».

23 avril 2005

Jospin, le retour? (2)



Il n'a même pas attendu le 28 Avril! Vous allez voir ce que vous allez voir!...Je n'exprimais pas un souhait personnel en pronostiquant le retour de Jospin. Mais c'est vrai qu'il y a dans l'esprit de beaucoup de gens de gauche l'idée d'un rendez-vous manqué. En plus les socialistes ont montré qu'on ne pouvait pas les laisser seuls cinq minutes... Ou alors c'est plus grâve : la gauche plurielle avait déjà commencé à craquer son Jospin. Son retour ne changerait rien de ce point de vue. C'est la thèse catastrophiste : Le pôle de gauche radical fait décrocher la gauche social-democrate française du reste de la gauche européenne. Boulevard pour sarko qui devient le Tony Blair français. Pas impossible...

22 avril 2005

Benoît XVI est-il un fondamentaliste?

Depuis l'élection de Benoît XVI, la grosse artillerie est lâchée pour le stigmatiser. D'accord, en France il est assez traditionnel de bouffer du curé. Ça fait partie de notre culture. Tout est cependant dans le choix des arguments. Or, je le dis tout net, ceux qui sont employés me semblent très suspects.
Comme certains d'entre-vous ont estimé que ma précédente note sur la dénonciation de la dictature du relativisme n'était pas assez claire, je vais donc essayer de préciser le fond de ma pensée.
Tous ceux qui attendaient un pape "libéral" (mais qui dénoncent obstinément le supposé "libéralisme" de la constitution européenne, celui du Medef ou de Raffarin etc...), ceux qui auraient tant préféré un pape sud-américain, proche de la théologie de la libération, bref un pape qui épouse le programme politique des "Verts", ceux-là n'ont retenu qu'une seule chose, n'ont qu'un seul os qu'ils rongent à fond : Comment les cardinaux ont-ils pu élire ce réac bavarois qui a fait partie des jeunesses hitleriennes! Depuis mardi soir, j'en ai quelques échos autour de moi , les forums internet, les chats, les standards des émissions interactives à la radio et à la télé ont été submergés de messages sur ce seul point de la biographie du pontife. On sait que les biens-pensants n'aiment rien tant que de faire passer leurs ennemis pour des nazis. Bush, Blair et Sharon en savent quelque chose. Or, il y a ici un retournement on ne peut plus pervers de l'histoire personnelle de Ratzinger, marqué au fer rouge par l'expérience nazie, enrôlé de force, à douze ans, dans les Hitler Jungen (comme Günter Grass ou Jürgen Habermas que nul ne songerait à soupçonner d'avoir eu un penchant nazi), puis, avant l'âge encore, dans la werhmart. C'est précisément ce qui l'a amené à juger, plus tard, très sévèrement l'attitude des catholiques durant cette période, et l'abandon des Juifs. D'où, le pardon demandé aux "frères aînés", initiative de Jean-Paul II mais à laquelle le cardinal Ratzinger n'était pas étranger.
Ce que dit Ratzinger, qui est un témoin de l'Allemagne anti-nazie, c'est que lorsque l'Eglise se soucie plus de suivre le courant de la société que ce qu'elle estime être la vérité, lorsque toutes les idées, les comportements sont mis sur le même plan au nom du relativisme, sans que la morale n'intervienne plus dans le jugement, on ne distingue plus le Bien du Mal, et cela aboutit au nazisme ou au stalinisme. Il n'est pas bien vu de revendiquer cette rhétorique du Bien et du Mal, dénoncée souvent au nom d'un enseignement des Lumières, à mon avis mal compris. Mais si même le pape de la religion catholique ne peut plus se prévaloir de cette prérogative, alors à quoi sert-il? C'est ce que le cardinal voulait dire, à mon avis, par cette phrase : "lorsqu'une religion s'assimile au monde, elle devient superflue." Le monde ne désigne pas ici la vie, la démocratie, le libre-arbitre, mais pour un religieux catholique, l'ensemble des faiblesses humaines qui incarnent la tentation du Mal, laquelle ne peut être vaincue que par la foi.
On est, ou non d'accord avec cela, mais cela ne change rien. J'ai pour ma part une éthique laïque, mais imprégnée de culture judéo-chrétienne. Les musulmans laïcs, lorsqu'ils n'ont pas cédé au fondamentalisme, partagent eux aussi ces repères.
Je lis, ici ou là, que ce pape est en fait un fondamentaliste car il pense détenir la vérité, mais surtout parce qu'il veut l'imposer aux autres, qu'ils soient ou non catholiques. Bref que sa dénonciation du relativisme cache en fait une condamnation du pluralisme, ce qui serait beaucoup plus embêtant. Il est trop tôt pour savoir si cette tendance, décelable dans certains textes de Ratzinger, se vérifiera ou non. Je pense plutôt qu'il dénonce un relativisme absolu qui pousse un certain nombre d'esprits, catholiques notamment, à douter de leurs propres valeurs, parfois jusqu'à la haine de soi. Mais je suis certain d'une chose : dans le mauvais procès en sorcellerie fait à Benoît XVI, il y a un terrible non-dit : Ses inquisiteurs laïcs ne lui pardonnent tout simplement pas d'être l'ami des Juifs et, en effet, d'Israël. D'avoir, avec son ami Wojtila fait cet acte historique de contrition pour le meurtre des Juifs. De ne pas partager cette religion européenne qui fait parfois si naïvement de 1945 le début d'une nouvelle ère. Bref, de croire encore en l'Histoire. Des broutilles, quoi.

21 avril 2005

Jospin, le retour?


Personnellement, j'éprouve toujours un frisson lorsque revient cette date. Quel cauchemar! Cette année particulièrement alors qu'il est évident que la gauche, loin de tirer la moindre leçon de ce désastre, prépare les conditions de ses futures défaites. La voiture fonce dans le mur et la moitié au moins des passagers rigole!
En revanche ils rigoleront moins lorsque le chauffeur de 2002 reprendra bientôt le volant. En effet, toutes les conditions seront bientôt remplies pour un retour effectif de Lionel Jospin, 3 ans après le "séisme" qui l'avait poussé à annoncer brutalement son retrait de la vie politique.
Jospin, qui s'exprimera le 28 avril sur France 2, en faveur du oui, fera sa première apparition à la télévision depuis cette funeste soirée électorale. C'est déjà un signe fort, car un simple militant de base du XVIIIème arrondissement de Paris a en général du mal à se faire inviter à la télévision.
Surtout, il interviendra alors que le PS est en réel danger d'implosion. Julien Dray, quelques minutes après sa participation, mardi, au face à face de "Public Sénat" face à François Baroin, m'a confié qu'il n'imaginait pas que les partisans du Non iraient aussi loin dans leur campagne, c'est à dire qu'ils "jouerait la scission". Durant le débat il a eu, envers eux, particulièrement Fabius et Mélenchon, des mots extrêmement durs, les plus durs que j'ai jamais entendu prononcer, en public, par un dirigeant socialiste envers un de ses pairs. Le débat est rediffusé demain vendredi sur Public Sénat (TNT, cable, satellite et internet) à 10H35 et 22H45.
Comment, en effet croire aux convictions de Mélenchon? Dray se souvient encore comment, ministre de Jospin, Mélenchon avait alors imploré les députés de la gauche socialiste (dont Dray) de ne pas voter contre le traité de Nice afin de ne pas gêner "Lionel"...Le même prône aujourd'hui le Non à un traité bien meilleur que celui de Nice, comme tout le monde le reconnaît.
Quatre ans après, Jospin n'a pas été remplacé au PS. Au contraire, il faut faire le constat qu'Hollande, malgré ses mérites, ne dispose pas de l'autorité nécessaire pour créer le rassemblement au lendemain du 29 mai, quelque soit le résultat. Dans ces conditions, il y a fort à parier que, au nom de l'union des socialistes, Jospin se laissera bientôt convaincre de revenir sur sa promesse et se consacrera à remettre ses camarades en ordre de bataille pour 2007, faute de quoi, un nouveau 21 avril paraît inévitable. "
Ni avec lui, ni sans lui", telle sera bientôt la donnée de l'équation socialiste.

19 avril 2005

Benoît XVI en mission contre le relativisme occidental


On entendra (on entend déjà) dire que le sacré-collège a choisi avec Ratzinger l'incarnation du conservatisme, voire de la réaction. Et cela n'est sans doute pas faux. Mais, tout comme il était un peu court de discréditer Jean-Paul II en raison de ses recommandations sur l'avortement, la contraception ou l'homosexualité, réduire le nouveau pape à cette doctrine dont il était le gardien et qu'il a grandement contribué à imposer, serait à mon avis passer à côté de la signification profonde de ce choix.
Le défunt pape, parce qu'il était polonais et marqué par le nazisme et le communisme, s'était fixé pour mission de combattre le matérialisme marxiste, particulièrement à l'Est. Avec le succès que l'on sait. Celui-ci, s'attachera sans doute à ramener les catholiques de l'Europe occidentale vers ce qui est à ses yeux "la vérité" de la foi. Si l'on comprend bien sa dernière homélie contre les ravages du relativisme, il ne confondra pas ouverture avec faiblesse, en particulier vis à vis des autres religions. Sont essentiellement visés les protestants (ils l'ont senti assez vite), mais surtout l'Islam. Car tel est bien le message le plus important de ces cardinaux qui ont essuyé un cruel revers en ne parvenant pas à obtenir le rappel des racines chrétiennes de l'Europe dans le traité constitutionnel : ils ne sont pas pour le conflit de civilisation. Mais à la différence de nombreux édiles , ils considèrent que l'islamisation du continent, combiné avec la vogue du relativisme est une très grande menace.

18 avril 2005

Nouveaux éléments dans l'enquête sur la censure à France 2


(dessin de ZAG)
Je n’imaginais pas que mon indiscrétion sur la déprogrammation du reportage de France 2 sur la Turquie ferait autant de bruit dans la blogosphère. Daniel Schneidermann, intéressé par l’affaire, l’a répercutée dans son [Big Bang Blog] , et demandé à son équipe de vérifier l’info. Chose faite, donc. S’agissait-il, de la part de France 2, de censure ou d’autocensure? Ma source ne saurait être infaillible sur ce point. Disons que le contexte annulation Baroso+renouvellement du mandat de Marc Tessier à conforté les intéressés dans leur sentiment que la consigne venait de très haut. C’est aussi le mien.
Je ne saurais donc être catégorique sur l’origine exacte de la pression. Mais au fond, est-ce si important puisque Thierry Thuillier, responsable du magazine “un œil sur la planète” et du service de politique étrangère de la chaîne, reconnaît que la raison invoquée pour reporter le reportage est inavouable...
J’ajoute que, jusqu’ici, j’étais moi aussi un fervent “arletiste”, particulièrement depuis une nuit mémorable passée avec elle (non attendez...) sur un accident d’autocar du côté de Vitry-le-François. Arlette était de perm à TF1 et moi à Europe1. Elle avait grandement facilité le travail du journaliste novice que j’étais, en appelant de Paris un riverain de l’accident qui a donc veillé jusqu’à deux heures du matin pour passer à la télé !...Et, accessoirement, à la radio. Arlette, ce jour-là, tu es un peu devenu ma marraine en journalisme.
Mais revenons à cette vilaine affaire de censure de la Turquie. Bien sûr c'est injurier les électeurs de penser qu'il faille absolument escamoter ce débat pour qu'ils votent Oui. Mais ce qui frappe, encore une fois, c’est que dès que Chirac prend une initiative destinée, dans son esprit, à faire progresser le oui, cela produit l’effet exactement inverse. Comme hier encore en faisant annoncer par Villepin que Raffarin serait sacrifié de toute façon au lendemain du référendum.
Résumons : Chirac dit aux Français: “je vous ai entendu, je couperai la tête de Raffarin quelque soit le résultat. Donc vous pouvez voter oui tranquillement.” Mais que se dit l’électeur en colère, lui :
Si on a obtenu la peau du premier ministre uniquement avec des sondages et un émission de télé défouloir. Qu’est-ce que ça va être quand le non l’aura emporté ! Une augmentation massive des salaires? Une dissolution? Ça vaut le coup d’essayer, non? Au moins, on est sûr que Chirac ne se ravisera pas si le non l'emporte.
C’était pareil avec la “renégociation” de la directive Bolkestein. C’est la même chose avec l’hypocrisie sur la Turquie. Les “nonistes”, comme dit Daniel, se sentent confortés. Leur vote, ou plutôt la seule menace de leur vote paye. Les enjeux européens passent, eux, définitivement au second plan. La France n’est décidément pas mûre pur l’Europe politique. Voilà qui donne furieusement envie d’aller à la pêche le 29 mai.


15 avril 2005

Chirac général de l'armée du Oui



Quelques observations sur la rencontre des jeunes avec le Président, sur TF1, fort longue, décousue et le plus souvent à côté de la plaque:
Jacques Chirac n’a, au fond, été réellement convaincant que sur l’affaiblissement de la France en Europe, en cas de victoire du Non. Ça n'est pas rien. Il faut vraiment être de mauvaise foi ou faire preuve de cette fameuse arrogance française pour croire qu’après avoir dit "Non", la France pourrait obtenir une quelconque renégociation de la constitution (que la plupart des autres pays aurait accepté en l'état), ou la prolongation de ses derniers “privilèges”, comme la PAC.
De ce point de vue, Cohn-Bendit a fait mouche en parlant, à propos des “Non” de gauche, de ceux qui, "
après avoir cru au socialisme dans un seul pays voulaient aujourd’hui d'une Europe dans un seul pays."
Pardonnez-moi, mais il arrive aussi que Sarkozy ne dise pas que des bêtises, comme lorsqu'il affirme que le modèle social français peut de moins en moins être donné en exemple. Son rappel: "Personne, dans le monde, n'a jamais été tué au nom du libéralisme" est également bienvenu. La diabolisation du libéralisme (renommé sans autre forme de procès "ultralibéralisme") et de l'économie de marché devient, dans ce pays presque une vérité première. Cette pente que les hommes politiques osent de moins en moins contrarier est horripilante. Elle est franchement inquiétante sur le sens des réalités des Français.
Pour le reste, des slogans comme : "
l’union fait la force!" et "n’ayez pas peur!", martelés ou radotés par le président pouvaient aussi bien tenir dans une brève allocution télévisée. Cela lui aurait, de surcroît, évité quelques contresens. Comme la confusion entre services publics (dont la constitution ne parle pas) et services d’intérêt économique général, dénomination qui exclut précisément les services publics non marchands. Des contrevérités aussi: Où donc a-t-il trouvé que la France avait “le taux de croissance le plus élevé de l’UE”, sinon dans ses rêves?
Si Chirac avait voulu répondre aux vrais questions soulevées par un traité souvent incompréhensible et incohérent, il aurait accepté un débat avec des interlocuteurs mieux informés, sinon “initiés”, terme qui est, en l'espèce, péjoratif.
En fait, comme me l’a expliqué de façon très convaincante, un célèbre “spin doctor” français, en décidant de privilégier une classe d’âge qui est celle qui est le moins tenté par le Non (les 18-30 ans), Claude Chirac n’aide pas réellement la cause du Oui mais réalise une opération d’image au bénéfice de son père. Chirac est-il prêt à prendre davantage de risque pour faire partager sa conviction? C'est la question qui se posera si, comme c'est probable le Non ne baisse pas dans les sondages.
Car il y a un problème essentiel que l'on ne répétera jamais assez: Ce sont avant tout les électeurs de gauche qu'il faut convaincre. Et Chirac est ici à contre-emploi. Or, en lisant la presse ce matin je vois, à côté des comptes-rendus de l'intervention de Chirac, un meeting de Sarkozy à Biarritz, un autre de Bayrou et Perben à Lyon, et la réunion des "Non" de gauche au Zénith. Ce matin enfin, sur RTL, Laurent Fabius, commentait la prestation présidentielle, masquant de moins en moins bien le rôle qu'il espère lui voir revenir au PS dès le 30 mai prochain. Où sont donc Hollande, Aubry, Strauss-Khan et les autres? Pourquoi le "Oui" de gauche est-il inaudible?
Enfin, s’agissant des services publics. A défaut d’avoir su expliquer en quoi ils seraient préservés par une constitution qui restreint le domaine de la libéralisation, Chirac aura, au moins, réussi à privatiser, ne fusse qu’une seule soirée, les principaux animateurs de la télévision publique. Voir deux d’entre eux, parmi les mieux payés, se mettre au service de la suprématie de TF1 (alors que leur contrat le leur interdit), symbolise assez bien l’abaissement de la télévision publique sous la présidence de Marc Tessier, resté, dans son irrépressible désir de plaire, impuissant devant ce scandale.

14 avril 2005

Florence et Hussein



Demain, donc 100 ème jour de captivité pour Florence Aubenas et Hussein Hanoun. Je suis hanté par le regard de cette femme, sa souffrance si lisible sur les seules images que nous ayons vu d’elle, il y a déjà longtemps. “Vite! M. Julia c’est urgent!” La manipulation évidement. Le gouvernement français a estimé que “M. Julia” n’était d’aucun secours et sans doute avait-il raison. Message des syriens aussi au moment ou la France défie Damas sur son arrière cour libanaise. Rappel de leur influence sur les ravisseurs, quelque soient leurs motivations profondes, sûrement crapuleuses avant tout.
Mais, je l’avoue, je crains que la mobilisation médiatique ne soit d’aucune utilité pour obtenir la libération des deux otages. Est-ce un lâcher de ballons qui va convaincre les ravisseurs que “cent jours ça suffit.”? Croit-on vraiment les émouvoir ainsi? Au contraire, me semble-t-il, chaque jour il doivent être davantage convaincus que la “valeur marchande” de la journaliste s’élève et qu’ils gagneront à faire traîner l’issue. Qu’ils disposent d’un moyen retoutablement efficace de pression sur la France. Il se peut donc que ces actions soient contre-productives. Elles pourraient éventuellement avoir un effet que sur l’ardeur mise par les autorités françaises pour obtenir sa libération, contre l'oubli, mais de ce côté là, je ne crois pas qu’il y ait grand chose à craindre. Le gouvernement est sans doute disposé à payer une rançon, mais cherche un habillage pour pouvoir, contre toute évidence continuer d’affirmer qu’il n’en a rien été. A moins qu’il n’y ait aussi des contreparties politiques plus difficiles à avaler pour la France. Je vois en tout cas dans cette affaire, la France une fois encore entravée dans les noeuds de sa politique arabe, entre mythes et réalités. Pendant ce temps là nos otages se morfondent. Pourquoi ne sont-ils pas libérés aussi vite que les italiens, alors que notre attitude est censée être si vertueuse?

12 avril 2005

Schengen, la statue de Pierre Goldman

A la lecture du “Monde”, deux nouvelles passées inaperçues:
Martine Monteil, directrice centrale de la P.J. d’abord. Elle fait cet aveu terrible: “L’espace Schengen, dit-elle, a facilité les flux criminels”. Voilà qui va certainement encourager le “Oui”! Les souverainistes, eux, en tout cas apprécieront.



Sur la même page, j’apprends, sous la plume de Pascal Ceaux, qu’un livre pourtant sympathique à son égard remet en question l’alibi de Pierre Goldman dans l’assassinat des deux pharmaciennes du boulevard Richard Lenoir. ("Le frère de l’ombre", éd. du Seuil.)
Goldman, abattu mystérieusement en 1979, (j’avais 18 ans) a toujours été une figure marquante de mon adolescence. Sorte de Che Guevara à la française mâtiné de culture yiddish. Je n’avais aucune espèce d’admiration pour lui et je n’ai jamais eu la moindre fascination pour la violence politique. Mais le personnage, si complexe (“L’être et le néant à lui tout seul”, la formule est belle.) m’a poursuivi jusqu’aujourd’hui, si longtemps après sa mort et alors qu’il semble vraiment appartenir à une autre époque.
Les amis de Goldman, la gauche en général ont toujours considéré son innocence comme un dogme. Braqueur invétéré,
Goldman avait toujours hurlé son innocence. L’assassinat semblait une ligne rouge, aux yeux de ses nombreux admirateurs qui avaient su donner de lui cette image romantique et tenace.
Apprendre qu’il avait sans doute bidonné son alibi de toutes pièces ( ce qui ne veut pas dire qu'il fut forcément coupable) a donc été un choc, mais pas une surprise totale.

11 avril 2005

L'Europe et l'antisémitisme

Ce dimanche à Lyon, un déjeuner-débat autour de mon livre sur l'antisémitisme. Une journée sinistre, soit dit en passant, glaciale et venteuse. Je déteste les printemps qui hésitent surtout après de si longs hivers.
Curieusement, la discussion dévie sur le projet de constitution européenne. Enfin, curieusement, si on veut. Assise à côté de moi, se trouve Bat Ye'or, auteur de plusieurs livres sur la dhimmitude, les chrétiens et les juifs en terre d'islam. Elle publie (en anglais) un essai très documenté sur les relations entre le monde arabe et l'Europe. Titre : Eurabia, the Euro-Arab Axis (Madison Teaneck Faileigh Dickinson University Press). Je ne l'ai pas encore lu, mais en résumé il s'agit de démontrer comment l'Europe va devenir un appendice du monde musulman, et comment, elle-même, avec une grande naïveté, se jette dans la gueule du loup. Il y a, bien-sûr, la question très troublante de la Turquie, mais la thèse me paraît quand même un peu outrée, même en tenant pour très sérieuse la question de l'islamisation. Je vous propose d'y revenir lorsque j'aurai lu le livre.
Il se trouve que Bat Yé'or, ce n'est pas surprenant, voue aux gémonies la politique étrangère franco-allemande. Pour cette raison, elle est opposée à une constitution qui “renforcerait le poids et l’ influence (de ces pays) au sein de l’Europe.” Je lui fait observer qu’elle a mieux lu le traité que ne l’ont fait Mélenchon, De Villiers et les autres partisans du "non" qui estiment qu’avec lui, la politique étrangère de l’Europe serait intrinsèquement inféodée à l’OTAN. Pour ce qui me concerne je continue de penser qu’il faut renforcer politiquement l’Europe d’une part, et de l’autre lutter contre ce que Jean-Claude Milner a appelé “Les penchants criminels de l’Europe démocratique”. Sur ce point-là, la constitution ne nous est, c’est vrai, d’aucun secours. Mais nous ne serons pas, non plus, aidés avec une Europe affaiblie, voire paralysée.

J'ajoute une anecdote révélatrice sur la situation du judaïsme dans la République, ce que Shmuel Trigano a appelé "la dénationalisation des Juifs de France". Un de mes hôtes lyonnais me raconte que, pendant les premiers temps de la municipalité de Gérard Collomb (PS), les demandes de subventions culturelles de la communauté juive passaient systématiquement et mystérieusement aux oubliettes. Après enquête, il s'est avéré qu'elles étaient traitées par l'adjointe au maire chargée...de l'intégration, elle-même d'origine maghrébine, qui ne leur donnait aucune suite. Finalement, Collomb s'est décidé à nommer un interlocuteur particulier pour les relations avec la communauté juive et les choses sont rentrées dans l'ordre.

09 avril 2005

Le dernier miracle de Jean Paul II



Vraiment, il faut se pincer pour y croire ! Je veux parler de ces poignées de main, en marge des obsèques du pape, entre Les présidents israélien et syrien, Moshé Katsav et Bashar Al Assad (deux fois et semble-t-il à l’initiative de ce dernier), puis entre Katsav et Khatami, le président iranien. Il faut dire que les deux délégations étaient côte à côte, en raison de l’ordre alphabétique. Cela arrive aussi, lors du défilé des athlètes aux Jeux Olympiques, et les délégations s’ignorent superbement. Là, à la faveur du “geste de paix”, ce très beau rituel catholique au cours duquel, à la fin d’une messe l’officiant demande à chacun de se tourner vers ses voisins pour leur tendre la main, le “miracle” s’est donc produit. Comme Katzav est d’origine iranienne, les deux hommes ont même, selon le journal israélien “Haaretz”, échangé quelques mots en farsi! Opération du Saint-Esprit? Ultime grâce de l’esprit du défunt pape, au moment ou il s’élevait vers l'au-delà? Voilà qui a en tout cas de quoi vous faire subitement croire à la providence !

Cela signifie-t-il, pour autant, que la paix soit sur le point d’être conclue entre ces ennemis jurés? Bien sûr que non. De retour chez lui, Katzav, confirmant ces contacts rapporté par de nombreux témoins, a indiqué qu’il s’agissait seulement de simple politesse.
Mais un événement important s’est néanmoins produit. Comme on s’en doute, le premier soucis des syriens et des iraniens a été de démentir aussitôt tout contact avec “l’ennemi sioniste”. Khatami, cité par l’agence officielle iranienne IRNA s’en est tenu à la rhétorique habituelle, affirmant qu’il serait immoral de reconnaître Israël. En Syrie, la télévision a d’abord farouchement démenti la poignée de main. Puis, l’agence de presse du régime baasiste, Sana, a fini par l’admettre en assurant qu’elle n’avait aucune signification politique. Comme si, après réflexion, il avait été décidé de lâcher un ballon d’essai. Et c’est peut-être un signe supplémentaire du souffle démocratique qui se lève, même timidement au Proche-Orient. Avec la rapidité des nouveaux moyens d’information (Al Jazeera, internet), les dictateurs (à part peut-être en Corée du Nord et en Chine) peuvent de plus en plus difficilement mentir à leurs peuples sur leurs comportements à l’étranger.
Pour le reste, il va de soi que Assad comme Khatami ont, en ce moment, un besoin urgent de montrer, surtout aux yeux des américains, cet aspect affable et insoupçonné de leur personnalité...

08 avril 2005

La photo arrive enfin sur mon blog!

j'ai décidé de placer ici cette photo, par pur plaisir esthétique, et pour vous annoncer que je ferai en sorte, aussi souvent que possible desormais d'illustrer ce blog.

Encore un acte de censure de Chirac.

Nouveau signe du désarroi de l'Elysée face à la cristallisation des "non" au traité constitutionnel européen : le "palais" a sommé France 2 de renoncer à un magazine sur la Turquie programmé pour l'émission "un oeil sur la planète". France Télévision, dont le président Marc Tessier est en campagne pour le renouvellement de son mandat, a encore obtempéré, comme elle l'avait fait lors du diktat annulant la participation de Baroso à "100 minutes pour convaincre". La consigne? "Rien sur la Turquie avant le 29 mai."
Vous vous demandez dans quel type de République nous vivons, et vous avez raison. Surtout, croyez-vous vraiment qu'un tel comportement soit de nature à favoriser la remontée du oui? Hélas c'est bien le contraire qui se prépare, car les électeurs indécis en déduiront que l'on cherche à leur dissimuler la vérité et concluront que Philippe de Villiers n'a pas tort de considérer la constitution et l'adhésion de la Turquie comme deux questions jumelles. Les arguments en faveur du traité manquent-ils à ce point? J'ai déjà expliqué que je pensais exactement le contraire. Mais si Chirac a si peu confiance dans la sagacité populaire, pourquoi avoir décidé de soumettre le traité à un référendum?

06 avril 2005

Son successeur est appelé à règner.

Rainier est mort. Les drapeaux sont déjà en berne. Ou comment faire de la mort d'un successeur de Pierre, deux coups...

05 avril 2005

Al Gore marie blogosphère et télévision

La nouveauté vient une fois encore d'outre atlantique. L'ancien vice président américain a senti qu'une révolution profonde était en cours dans le domaine de l'élaboration de l'information et plus seulement dans celui de sa circulation. Reste à savoir à quelles conditions ce concept ne sera pas qu'un salmigondi de préoccupations adolescentes mais une véritable novation en matière démocratique.

04 avril 2005

Le degré zéro du débat.

Jacques Chirac s'apprête donc à s'engager dans la campagne en faveur du "oui" au traité constitutionnel européen. Enfin! Il va le faire en s'exprimant face à un parterre de "jeunes", sur TF1. Quelle audace! Fabius a bien raison de dire dire qu'il se servira d'eux comme faire-valoir, et cette réaction montre en effet à quel point, à nouveau en croyant bien faire, Chirac va favoriser le non. Comme il l'a fait avec son zèle contre la "directive" Bolkenstein, comme avec sa scandaleuse intervention pour faire annuler l'invitation du président de la commission européenne Baroso à une émission de télévision. L'une des raisons pour lesquelles le "non" progresse est que les Français ont le sentiment justifié qu'on ne leur dit pas la vérité, que l'on cherche à leur cacher, au moins en partie la direction que prend l'Europe. Si Chirac a, à ce point peur que les Français entendent le très libéral Baroso pendant "100 minutes", il valide les soupçons des partisans du "non", qui estiment que le traité est une nouvelle concession aux ultralibéraux, alors qu'il est le fruit d'un compromis. Pourquoi le Président a-t-il, à ce point peur du débat? Les Français tentés par le "non" auront vite fait de répondre que c'est parce qu'il n'a pas suffisament de bons arguments à faire valoir, sinon devant une assemblée post-pubère, qui plus est soigneusement sélectionnée par les conseillers en com.
En 1992, Mitterrand, pourtant malade, avait accepté de débattre avec le chef de file des opposants au traité de Maastricht, Philippe Séguin. Il montrait l'exemple de ce que signifie avoir des convictions en politique.

03 avril 2005

Un pape populaire

J'ai passé ma soirée-et même une bonne partie de la nuit- devant les éditions spéciales des chaines d'info, dès l'annonce de la mort du pape. Comme d'habitude j'étais envieux devant le professionalisme et les moyens de CNN, consterné devant l'indigence des chaines françaises. Mais passons...
A ma grande surprise, j'étais ému par la fin de ce très grand homme. L'un des derniers, sinon le dernier géant du XXème siècle qui s'était dréssé contre les deux totalitarismes, avec dans le cas du second, le communiste-dont on sent bien qu'il sucite encore de la nostalgie ici même-le rôle que l'on sait dans son effondrement. J'ai noté, à ce propos, l'hommage de Gorbatchev rendu à un "humaniste". Cet homme était en effet universel, ce qui pour certains chrétiens est synonyme de catholique. Je ne partage ni la religion, ni même la foi de cet homme, mais je ressens à quel point le monde perd avec lui un personnage exceptionnel.
Bien sûr comment oublier son rôle dans la réconciliation judéo-chrétienne? En 27 ans de pontificat il a réussi a triompher de 2000 ans de bétise. C'est dire...Les prières dans les synagogues, au moins à Paris, étaient d'ailleurs un hommage réconfortant.
Ce qui m'agace, ce sont les sarcasmes de certains, en général d'ailleurs de catholiques de naissance envers un pape jugé "réactionnaire" (voyez libé). Ah! le bel épithète! Quand il est lâché tout est dit aux yeux d'une certaine gauche bien pensante. La même qui voudrait aujourd'hui nous faire voter "non" à la constitution européenne, pour, comme l'a dit Mélenchon, ne plus se "coucher devant la deuxième gauche". Celle, précisément qui ne renie pas son inspiration chrétienne, tiens, tiens... On se rendra compte un jour que les prises de positions de Jean-Paul II contre les excès du libéralisme auront eu cent fois plus d'impact que leurs cris d'orfraie contre "la tyrannie des marchés", ou "la concurrence non faussée". Karol Wojtyla venait, lui, d'un pays ou ne règnait ni marché ni concurrence, on a vu ce que ça donnait: Le matérialisme absolu, dont cette gauche ne pardonnera jamais au pape de nous en avoir débarrassé, en tout cas dans sa version soviétique.
Dans mon quartier "bobo" on n'aime pas beaucoup les cathos. Chose vue l'autre jour, place de la Contrescarpe. C'était vendredi saint. La place ensoleillée est livrée aux indolents. Tout à coup surgit une procession. Le chemin de croix, des chants etc... Autour de moi je n'entend que propos méprisants voire indignés. Comment osent-t-il, enfin, nous imposer ce spectacle? Les mêmes qui ne trouvaient rien à redire, je suppose, devant les filles voilées à l'école ou dans les administrations et se sont affichés avec les barbus dans les manifs. Tellement exotique! Quelle occasion de montrer son ouverture d'esprit, sa tolérance! Tolérance à laquelle tout le monde à droit sauf les catholiques, et me semble-t-il aussi les Juifs un peu trop proches d'Israël.
On connait, bien sûr, les reproches fait au pape au sujet de ses positions étriquées sur l'avortement, le mariage des prêtres, l'homosexualité ou la place des femmes dans l'église. Ce n'est pas, de loin, ce qu'il a fait de mieux. Je ne partage absolument pas les idées du pape sur ces questions, mais après tout il n'obligeait personne à le suivre.
Même une partie des catholiques a, jusqu'au bout, dénigré l'oeuvre de cet homme jugé "conservateur". Hier, un representant de Golias disait sur itélé (ils adorent Golias sur Itélé) qu'il ne fallait pas oublié que le pape était dans la main (noire!) de l'Opus Deï et que même son action en direction des Juifs cachait un désir secret de les convertir! Une opinion partagée par certains Juifs, je le sais, qui manquent de confiance dans les capacités du Judaïsme à surmonter cette tentation. mais sans doute faut-il y voir un hommage involontaire au pape, à sa capacité à parler au coeur de tous.
Mais la dernière chose, enfin, que cette gauche-là ne pardonnera pas à ce pape c'est d'avoir été populaire, comme en témoigne l'hommage du monde entier, à commencer bien sûr par celui de la place Saint-Pierre. Son successeur aura bien du mal à perpetuer ce lien émotionnel avec les fidèles du monde entier.

02 avril 2005

Le petit prince et le grand pape

Ils n'ont décidément pas de chance dans cette famille Grimaldi "de" Monaco. Chaque fois que l'on pourrait leur témoigner un tant soit peu de réelle empathie, c'est à dire lorsque l'un ou l'une d'entre eux disparaît de ce bas monde, la dramaturgie, on n'ose dire la grandeur qui entoure obligatoirement ce genre d'événement est systématiquement brisée par une mort bien plus importante. On se souvient de la malheureuse Grace (une des plus grandes beautés jamais révélées par Hollywood), dont la fin tragique fut occultée par l'assassinat de Béchir Gémayel au Liban, fait d'une toute autre portée. Je me souviens de Bernard Langlois (comme dirait Georges Perec). D' avoir ironisé sur ce téléscopage entre l'actualité internationale et "people", comme on ne disait pas encore à l'époque, lui coûta sa place de présentateur du JT.
Aujourd'hui personne ne se permettrait de rééditer ce genre d'insolence car la sanction serait évidement la même.
Et pourtant...Cette fois la mort de Rainier menace d'être éclipsée-excusez du peu- par celle de Karol Wojtyla, pape, et l'un des hommes les plus importants du vingtième siècle.
De Monaco, me revient d'ailleurs une rumeur-ce n'est peut-être qu'une rumeur mais le fait qu'elle circule avec insistance est révélateur: Le prince serait déjà mort depuis presque une semaine et l'annonce du décès aurait été différée en raison d'une guerre de succession entre Albert et Caroline. Caroline c'est vrai est à la fois plus sexy et plus intelligente ce qui lui donne un capital "people" plus important.
A moins qu'il ne s'agisse d'attendre que soit passée l'émotion planétaire qui commence à envelopper le monde, avant même que le géant Jean-Paul II n'ait poussé son dernier souffle? Ce serait évidement un calcul fou.

01 avril 2005

Mes débuts de chroniqueur sportif

On vient de me faire une proposition assez baroque dont je me demande encore si je n'aurais pas du la refuser. Mais il est vrai que les propositions sont rares en ce moment et j'ai donc accepté de faire des billets d'humeur pour la chaine de télé Infosport. Et oui! Comme je confiais à Jacques Vendroux (France Inter), autre chroniqueur de cette chaine mais beaucoup plus qualifié que moi, combien je me sentais un imposteur, il m'a retorqué simplement: "Tu aimes le sport? Bon alors pour quoi t'en fais-tu?" Muni de l' onction d'un des plus vénérables journalistes sportifs de France, j'ai considéré que j'étais donc en droit de tenter l'experience. Il faut seulement que mes billets soient en phase avec un évènement de la journée. Quand il n'y aura que du basket féminin et du golf ça va être coton!
Bon, depuis que j'ai accepté cette proposition incongrue (mais tout n'est-il pas incongru à la télé?) Je me mets dans la peau d'un commentateur sportif.
Et je lance mon premier cri du coeur: Zidane revient!
Oui, bien sûr, comme le suggèrent l'Equipe et le Parisien, il faut d'urgence rappeler le général Zidane de sa ridicule retraite espagnole. Et je propose d'ailleurs la date du 13 mai prochain pour officialiser ce retour, histoire de rappeler quelques souvenirs à certains. Car enfin quoi? Chirac menace de se representer à 75 ans (en 2007) et toi tu voudrais prendre ta retraite à à peine 33 ans alors que la patrie est en danger? L'Espagne n'a plus rien à proposer à un homme de ta stature. Regardes, on y déboulonne même les statues de caudillos! Alors qu'ici, même avec des cheveux blancs tu seras encore au pouvoir. Enfin c'est ce que j'aurais dit si tu avais encore des cheveux... J'ai noté que Domenech, qui n'a pas su te parler l'été dernier pendant ta petite déprime, était décidé à t'appeler. Ne coupe donc pas ton portable ce week-end.
Cela m'amène naturellement au dernier Israël-France. J'ai lu avec interêt ce qu'à écrit dans son blog mon ami J. Et je ne suis pas du tout d'accord avec lui. Moi qui, pourtant, pourrais être soupçonné de "double allégeance", je n'ai pas une seconde molli dans mon soutien aux bleus. Même l'ombre d'elle même, je reste fidèle à cette équipe. Je serais triste (et mon fils aussi il est né en 98) qu'elle ne soit pas en Allemagne en 2006. Pourtant je reconnais que Barthez a perdu une occasion de se taire en disant qu'il ne voulait pas jouer en Israël (deux en fait, il y a aussi ses explications viriles sur son "exploit" de Casablanca). Mais je mets ça, sans trop de mal, sur le compte de la bétise. (Quand je regarde un match de foot je n'écoute ni Derrida ni Bourdieu.) Barthez a été "sanctionné" par ces bronca à répétition dès qu'il touchait un ballon. En grand pro il ne s'est d'ailleurs pas déconcentré. Au fait, lui a-t-on fait remarquer que l'auteur du but égalisateur, Walid Badr, est un arabe israélien? C'était aussi le cas lors du match contre l'Eire ou un autre arabe avait sauvé l'équipe. Du coup, comme le raconte Pierre Klochendler dans Proche-Orient.info, les arabes israéliens qui ne soutenaient auparavant jamais l'équipe d'Israël (ils préféraient Zidane et la France!) se prennent au jeu et le foot est en train de réussir là ou la politique a échoué. Les extrémistes du Betar Jérusalem (un club de foot ultranationaliste et chauvin) qui sont aussi des inconditionnels de l'équipe nationale ne peuvent plus, comme ils le faisaient avant, afficher leur mépris pour des joueurs arabes qui par deux fois viennent de sauver leur patrie. Je préfère cet exemple là, même si il ne faut pas le sur-interpreter, à celui des mabouls qui menacent d'assassiner Sharon parce qu'il veut évacuer Gaza.
Quand à la Marseillaise, je n'ai pas supporté qu'elle soit sifflée. Au match aller, j'étais au Stade de France et j'ai été soulagé de constater que le public n'avait pas sifflé l'hymne israélien (Hatikva).
Dans ce pays en guerre, caricaturé ( Barthez n'est pas le seul à véhiculer ces idées reçues), encore discriminé sportivement (il ne participe pas aux Jeux mediterranéens pour ne pas irriter les pays arabes), le foot est un exutoire. Il paraît que le public israélien a l'habitude de siffler tous les hymnes des équipes qu'il reçoit. Ce n'est pas une excuse, mais enfin...
Sinon, je rejoins aussi l'équipe de Public Sénat (canal 13 de la TNT), présidée par Jean-Pierre Elkabbach. Je vais animer sur cette chaine civique des débats politiques (où l'on pourra à l'occasion parler de sport). Le premier sera mardi 5 avril avec un "match" Guigou-De Villiers (Studio Ouvert, 18H30). J'aurais peut-être du commencer par là. Mais c'est comme l'histoire de l'homme qui mort un chien, elle vaut plus la "une", coco, que celle de l'homme mordu par un chien.