Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

29 novembre 2005

L'intox de Villepin sur CNN


"Corriger l'image de la France" est légitime. Encore faut-il se garder de traversir la réalité:

PARIS (AFP) - Alors que les violences dans les banlieues ont rencontré un large écho, notamment aux Etats-Unis où certains médias ont évoqué une France à feu et à sang, Dominique de Villepin a tenté de corriger cette image en livrant mardi son analyse de la situation sur CNN International.
Dans un entretien accordé en anglais dans un salon de l'Hôtel Matignon à la journaliste vedette Christiane Amanpour, le Premier ministre a d'abord déclaré
qu'il préférait parler de "graves troubles sociaux" plutôt que d'"émeutes" pour qualifier cette crise.

"Je ne suis pas sûr que nous puissions parler d'émeutes. C'est très différent de la situation que vous avez connue en 1992 à Los Angeles par exemple. Vous aviez eu à l'époque 54 personnes tuées et 2.000 blessées. En France, pendant ces deux semaines de troubles,
personne n'est mort", a-t-il souligné.

Parmi les causes de ces violences, le Premier ministre a mis en avant "le sentiment de discrimination", soulignant que les personnes impliquées dans les affrontements étaient "très souvent" des jeunes "issus de la deuxième génération d'immigration qui ne connaissent pas leur pays d'origine" et qui souffrent d'une "sorte d'absence d'identité".

Il a réaffirmé, comme il l'avait fait à plusieurs reprises ces derniers temps,
qu'il n'y avait pas de "dimension ethnique ou religieuse" à cette crise "contrairement à ce que nous connaissons dans d'autres parties du monde".

"Ce qui est intéressant, c'est que la plupart de ces jeunes veulent être Français à 100%. Ils réclament une égalité des chances. Notre objectif est donc maintenant de répondre à leurs exigences et de nous fixer comme priorité (des efforts supplémentaires en matière) de logement, d'éducation et d'emploi", a ajouté M. de Villepin.

"Ces jeunes ne veulent pas être reconnus comme musulmans, noirs ou comme des gens issus d'Afrique du Nord, mais comme des Français", a-t-il affirmé.

Rappelant qu'il est opposé au concept de discrimination positive -"l'affirmative action" américaine-, "dont le but est avant tout de prendre en compte la race ou la
religion ", Dominique de Villepin privilégie une aide spécifique aux "territoires qui connaissent des difficultés, en termes d'éducation par exemple".

Plusieurs ministres avaient déjà tenté, auprès de la presse étrangère, de redorer l'image de la France dans les médias internationaux, alors que les professionnels du tourisme commençaient à s'inquiéter d'éventuelles retombées négatives.

Le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé avait ainsi invité les journalistes étrangers à "ramener ces incidents à leur juste proportion" et dénoncé "les caricatures qui n'ont pas lieu d'être". Une initiative parfois mal vécue par les intéressés, qui y avaient vu une forme de pression.

Sur CNN, M. de Villepin -qui s'était fait connaître de la communauté internationale en février 2003 en incarnant, à la tribune de l'ONU, le refus de l'intervention militaire américaine en
Irak - a réaffirmé que la France "savait dès le début qu'il était très facile de partir en guerre mais qu'il serait très difficile de sortir d'Irak".

Se gardant de critiquer Washington, il a recommandé la plus grande prudence dans le déroulement du retrait des forces américaines d'Irak: "je pense que le calendrier doit être un calendrier global. Le vrai calendrier sera dicté par la situation irakienne".

La famille du retraité de Stains, battu à mort, celle du père de famille roué de coup à Epinay sur seine, qui a connu le même sort, apprécieront la sortie de Villepin, qui par ailleurs a déjà oublié que, ce week end s'est constitué un "Conseil Representatif des Associations Noires".
Enfin, on sera rassuré de constater que, malgré ses difficultés domestiques, la France avait tout vu, tout prévu, en Irak

Faut-il pénaliser le rap?


L'idée de certains députés et sénateurs de poursuivre en justice les rappeurs dont les textes peuvent constituer des appels à la violence anti française n'est même pas une fausse bonne idée, c'est une vraie une mauvaise idée.
Il ne fait pas de doute que les textes de certaines chansons-je ne vais pas les rappeler ici-sont outrancières, sexistes, racistes, antisémites, appellent à la violence parfois de façon extrêmement...prosaïques contre la police. Ont-ils pour autant servi de détonateurs aux émeutes? Et si, au contraire ils avaient servi d' exutoire aux passions des banlieues? Ces chanteurs ont un grand sens du marketing et de la promotion. ils connaissent parfaitement les instincts de leur cible commerciale et, comme d'autres, ils lui font entendre ce que les auditeurs et consommateurs de disques veulent entendre et sont prêts à acheter. Bref dans cette affaire, Besancenot s'est fait le VRP de Sony Music, comme l'explique le rhéteur.
Outre le fait que, comme le rappelle Bertrand Dicale dans le Figaro de vendredi, nombre de grands chanteurs français (Brassens) ont signé des paroles passant pour subversives, il est probable qu'interdire ou exercer la moindre censure sur le rap aurait sans doute l'inverse de l'effet recherché. Il mobiliserait les "jeunes" contre ce qu'ils dénonceraient aussitôt comme une atteinte à la liberté d'expression.
Ce qui compte ce sont les conditions du passage à l'acte et aucune chanson n'a jamais, à elle seule, fait descendre personne dans la rue. Ce sont peut-être des hymnes à un moment donné et elles ont le mérite de nous édifier sur ce qui suscite l'adhésion dans les cités reléguées de la République. Encore faut-il ne pas se voiler la face ou faire la sourde oreille.
PS: Si j'avais un peu plus de temps, je classerais dans le bêtisier républicain l'amendement Léonetti sur "les aspects positifs de la colonisation". On a le droit de le penser, d'en discuter et aussi de combattre cette idée. Mais l'inscrire dans une loi? L'imposer comme évangile pour tous? Une manie française de légiférer sur tout. L'assemblée a là une occasion de réparer cette boulette, et le PS -qui propose l'abrogation du texte voté dans un hémicycle désert en février dernier- a fait preuve d'un bel opportunisme, comme on dit au foot.

24 novembre 2005

L'antiracisme est-il le communisme du 21ème siècle?


En allant à RTL ce soir, je me doutais bien que je passerai un mauvais moment. Il y a des circonstances dans lesquelles il faut assumer. On allait y parler de l'interview d'Alain Finkielkraut au journal israélien Haaretz. Piqué par les extraits qu'en a sorti Sylvain Cypel dans le Monde, et averti de l'inimitié qu'il éprouve pour Finkielkraut j'avais pris la précaution de lire l'intégralité de l'interview sur le site du journal (en anglais), ce que je recommande à tous ceux qui lisent l'anglais.
Je le dis tout net je n'aime pas le ton de l'interview et je préfère Finkielkraut à l'écrit qu'à l'oral. Entre autres choses je n'aime pas l'utilisation du terme "pogrom antirépublicain" qui me semble excessif, je ne partage pas sa description idéalisée de la colonisation, même si on sait que les colonialistes étaient, parfois, animés des meilleures intentions civilisatrices, le bilan est quand même largement négatif. Surtout, même si je comprends sa colère, je trouve qu'il a tort de sembler abonder dans la concurrence victimaire en faisant un parallèle entre la persécution de ses parents (avec la complicité de la police française) et les souffrances infligées par la France coloniale aux noirs. Il faut sortir de cela.
Mais je ne voulais pas participer au lynchage qui est en marche. Dès ce soir, j'apprends que le Mrap (!) s'est empressé de porter plainte et, plus grave, de demander l'éviction du philosophe de France Culture. Demain ce sera de Polytechnique. Voilà ce qu'ils sentent à portée de main: Finkiekraut paria, "reconduisons le à la frontière!", s'exclame même un dieudonniste sur le site des Ogres, véritable tissu de haine. Un procès en diabolisation est en route comme pour Sarkozy, comme pour Olivier Pétré Grenouilleau, harcelé, et réellement poursuivi pour révisionnisme parce qu'il a commis l'erreur de faire un travail complet sur les traites négrières qui ne se limite pas à l'auto-flagellation de l'homme blanc mais brosse un tableau de tous les esclavagistes, blancs, noirs, arabes et, quelques uns juifs. Aujourd'hui, ce chercheur, que certaines associations "antiracistes" ont réussi à intimider ne peut plus s'exprimer en public. Le colloque prévu au Sénat, sur les traites négrières a été annulé. J'avais cru comprendre que les mêmes reprochaient à la France son amnésie sur ces crimes. En fait ils veulent, à la manière des staliniens en effet, que l'on ne montre que ce qui les arrange de la réalité.
Faire passer Finkielkraut pour un raciste, ou un lepéniste est abject. Ce qu'il dénonce ce n'est pas le combat contre le racisme évidement c'est ce que certains ont fait de l'idéologie antiraciste qui étouffe tout et qui, notamment présuppose qu'un "jeune" noir de banlieue, surtout s'il brûle des voitures pour dénoncer la terrible condition de relégué social qui est la sienne ne peut pas être raciste "anti-blanc". Le racisme c'est seulement pour les riches, les bourgeois, les capitalistes, les blancs, surtout les juifs, enfin excusez moi, on dit les sionistes maintenant pour éviter les procès.
j'irai plus loin: Si certains policiers deviennent racistes parce qu'ils arrêtent systématiquement des Arabes et des Noirs depuis 10 ans, ce n'est guère étonnant. Que la plupart ne le soient pas est admirable. Il ne faut donc pas s'étonner que ces "jeunes" (une petite minorité il faut le marteler) qui se sont persuadés que tous leurs maux venait de la France blanche (et juive) deviennent racistes et antisémites. Le nier est suspect. C'est la bonne conscience qui se substitue à la réflexion, à la recherche de la vérité. J'aime décidément énormément cette phrase de Camus: "Mal nommer les choses c'est contribuer à la misère du monde." On ne s'en sortira pas en fuyant la réalité ou par des procès en sorcellerie.
Dire qu'il y a un facteur ethnico-religieux dans ces événements ? Même cela mes contradicteurs refusaient à me le concéder. Mais quand, dans les années 80, les quartiers pakistanais et Africains de Brixton, en Angleterre, flambaient, ils parlaient bien d'émeutes raciales non? Et la presse étrangère ne s'y est pas trompé qui a justement parlé de quartiers "musulmans" des alentours de Paris, en tout cas dans lesquels les non-musulmans y sont minoritaires, mêê si c'était pour s'étonner d'une telle ségrégation. Oui l'Islam a servi d'étendard, même si c'est un islam politisé, fantasmé, qui n'a rien à voir avec la religion qu'observent pacifiquement des millions de musulmans en France. Ce n'est même pas un jugement de valeur, c'est un fait.
Quand Finkielkraut parle de l'équipe de France "Black black black", qui "attirerait la risée en Europe", on ne peut pas le suivre, et on se demande s'il a bien été compris, surtout le sachant grand amateur de foot, et alors que plus loin il a cette très belle formule en disant qu'il est "color blind", c'est à dire que quand il voit un individu, il ne voit pas sa couleur de peau. Mais si on lit ce qui suit ( et que Cypel n'a pas retranscrit, ce qui est malhonnête), on comprend le sens du propos: Si les "jeunes" noirs et arabes qui ont hué cette équipe de France qui leur ressemble tant "ethniquement" , lors de France Algérie, n'est-ce pas, nous dit-il, qu'au delà de la couleur, ils huaient la France, comme l'injurient en toute impunité du Mrap, certains rappeurs tel que Mr R.
Et c'est bien cela qui doit nous occuper, la haine de la France d'une partie, une petite partie de ces jeunes Français noirs ou arabes qui se sentent des "indigènes de la république". Ce qui est embarrassant, inquiétant pour le fonctionnement de la République, c'est que la majorité s'est sentie défendue, representée, comprise par les émeutiers. Et qu'une fois de plus c'est la violence qui a (un peu) payé. Mais s'agit-il de racisme? Ne voit-on pas ailleurs, dans les conflits sociaux par exemple la même impossibilité de négocier, de prévenir les crises?
Tout mettre sur le compte du racisme de la France est là encore trop facile et abusivement culpabilisant. Il y a des racistes en France, mais la la France n'est pas raciste, comme elle l'a été sous Vichy. C'est bien ce que les dieudonnistes ne comprennent pas lorsqu'il veulent avec obsession mettre sur le même plan la shoah et l'esclavage.
De même la discrimination positive a pu être légitime aux Etats-Unis, parce que les noirs y ont été légalement discriminés. Rien de tel n'a eu lieu en France.
Je ne sais pas si Dieudonné est "le patron de l'antisémitisme", mais sa rhétorique est jumelle de celle de Le Pen et même en moins complexée, car, lui, on ne le traitera jamais de nazi, de raciste puisqu'il est censé être une victime. Le soutien qu'il a reçu de Golnisch sous couvert de défense de la "liberté d'expression" est, à cet égard, éloquent.
Quand Finkielkraut dit que la façon de parler "banlieue" de certains jeunes, leur façon de vouloir tout tout de suite, d'idolâtrer la société de consommation et sa valorisation par les quelques réussites médiatisées, que tout cela représente un handicap dans leur recherche d'emploi (sorti de leurs quartiers, mais justement il n'y a pas de boulot dans les quartiers), c'est une évidence qui montre que l'on ne peut pas mettre tout sur le compte des discriminations.
Sa vraie dénonciation, même s'il a eu tort de se lancer dans des comparaisons avec Israël, c'est bien celle des dégâts d'une certaine modernité avec laquelle il entretient une relation plus que conflictuelle ce qui le conduit à des généralisations déplacées.
Je n'ai pas approuvé tous les propos de Finkielkraut, loin s'en faut, mais ce qui m'a le plus gêné, c'est que pour au moins deux autre chroniqueurs présents ce soir, c'était déjà trop que de ne pas vouloir participer au lynchage.
PS: Je trouve quand même rassurante la critique de l'article par le mouvement des maghrébins laïcs de France.
A aucun moment elle ne tombe dans la haine, l'injure. Les musulmans laïcs sont bien les premières victimes de tout cela. Hélas beaucoup de lecteurs n'y ont rien compris!

18 novembre 2005

Sarkozy a-t-il été traité de "sale juif" par les émeutiers?

Selon cet extrait d'un reportage du vrai Journal de Canal + les "racailles" jouaient bien à l'intifada et ont conspué le ministre de l'intérieur en le traitant de "sale juif". Curieusement la rédaction du magazine a préféré sous titrer les vociférations: "Sarkozy fasciste!"
jugez vous même en regardant la vidéo



17 novembre 2005

Audrey devrait réviser


La sémillante Audrey Pulvar a eu, hier, les honneurs de la une du Herald Tribune. Elle incarne, aux yeux de nos confrères américains, le soucis, récent, des medias audiovisuels français de mettre en avant des personnalités representant la France multicolore. On croit volontiers Audrey lorsqu'elle raconte qu'un responsable de chaine auprès de qui elle cherchait un emploi lui avait répondu qu'il "avait déjà un(e) noire n'en avait pas besoin d'un(e) autre." Plus curieuse est en revanche la remarque finale de l'article, dans laquelle Audrey affirme qu'elle "croira vraiment que les choses ont changé quand les minorités seront representées au gouvernement". On se doit de lui rappeler qu'ils sont, d'ores et déjà, au moins trois: Hamlaoui Mekachera( Anciens combattants), Léon Bertrand (Tourisme), et Azouz Begag (Egalité des chances).
Il y a quelques années, on affichait dans les rédactions la liste des ministres afin que chacun la connaisse. Tout fout le camp...

16 novembre 2005

Le gouvernement traite la presse comme en Algérie

Un confrère allemand de la Frankfurter Runschaü qui venait, avec ses collègues, d'être convoqué par Jean-François Copé pour un rappel à l'ordre sur la réalité de la situation dans les banlieues me confiait l'autre jour à quel point il avait été choqué par la méthode. Les correspondants pensaient obtenir des informations, on leur a fait la leçon. Mais ils ne viennent pas tous de pays où un président peut tenir le crachoir un quart d'heure à la télévision sans avoir à répondre à la moindre question! "Et puis, me dit-il, ce n'est quand même pas nous qui avons décrété l'état d'urgence!"
Encore une manifestation de la fameuse arrogance française. Même les deux pieds dans la glaise, les ministres français qui devraient pourtant en profiter pour prendre une leçon de modestie se permettent de corriger le travail de la presse étrangère. Avec la presse domestique, il est vrai que ce genre de sermons passent très bien et sont même anticipés.

15 novembre 2005

Dormez tranquilles braves gens


Elle n'est pas magnifique cette dépêche AFP sobrement titrée: "Allocution de Jacques Chirac et retour au calme dans les banlieues"? Suffisait d'y penser bon dieu! Seulement 162 voitures brûlées et 42 interpellations, la routine quoi... Juste 3 cocktails molotov lancés contre une mosquée à Saint Chamond (attention aux écoles ce soir...) et 13 incendies de voitures à Paris intra-muros, contre un seul la veille. Soit une augmentation de 1300%! (là, j'exagère, je sais). A part ça tout va pour le mieux dans la France sous Etat d'urgence. On sera pas emmerdés par les touristes à Noël. Chirac nous promet qu'avec l'aide de toutes les bonnes volontés il va réduire la "fracture éthnique" et fissa. Tout le monde se sent beaucoup mieux.

PS: Vous êtes nombreux à me dire que la lettre de l'Elysée au blog de Jacques Chirac est un faux. Dont acte. Chirac a donc de l'humour. Au moins.

14 novembre 2005

A l'Elysée, on n'a pas le sens de l'humour

Je découvre avec retard et consternation que l'auteur du blog de jacques Chirac a cessé de publier (au mois d'avril) suite à une lettre comminatoire de la présidence.
J'aime bien le ton de la lettre qui commence par "Jacques Chirac a été amusé" (le gentil chi) pour se terminer par: "il va vous arriver des bricoles si vous continuez". (le mechant chi).Brrr...Décidement cette fin de quinquennat est glaciale.

13 novembre 2005

Nos medias sont-ils devenus fous?

Voici 17 jours que la France s'est embrasée et ce dimanche, je lis, éberlué, dans une dépêche d'agence, que la "situation revient progressivement (!) à la normale" (Reuters), car il n'y a eu que 374 voitures brûlées lors de cette 17ème nuit de violence. Et par une autre (AFP) que "le retour au calme est perceptible, malgré "quelques incidents".
Quelques incidents?
Pour la première fois, ce samedi des affrontements ont eu lieu, place Belcourt, sur les Champs Elysées de Lyon, entre casseurs et policiers.
Par ailleurs, se manifestent, ça et là, pour la première fois, des opérations de représailles, aussitôt suivies d'ailleurs de contre-représailles: Vendredi, un engin incendiaire a été lancé contre une mosquée de Carpentras, au moment de la prière. Le lendemain c'est celle de Lyon qui était visée. Samedi toujours, une voiture bélier était lancée contre une école maternelle de la Carpentras. Cela aurait pu être une église.Ça s'est vu ailleurs. Inquiétant. Des signes avant-coureurs d' une guerre civile ethnico-religieuse?
En tout cas, pour moi cela a tout de l'aggravation.
J'avais en effet fini par admettre, avec France3, que la litanie du nombre des voitures brûlées ne constituait pas un indicateur intelligent de la réalité dans les banlieues. Je ne comprenais pas pour autant la décision de la chaîne qui avait, pour cette raison, renoncé à donner ces chiffres. Mais il faut aussi admettre que quand les chiffres baissent, ils ne veulent pas dire grand chose non plus.
On le voit la tactique des émeutiers a changé. Ils veulent chercher le contact dans les grands centres-villes. Comment vont réagir France 2 et TF1 qui ont décidé, elles, de ne plus donner le nom des cités qui brûlent (F2) ou de ne plus montrer des images de voitures en flammes (TF1)?
Je ne comprends rien à cette vague d'autocensure, sinon qu'elle ajoute aux malheurs de la France. Nous sommes dans un pays où les élites ne veulent décidément pas voir la tragédie, et ont dramatiquement intériorisé la culpabilisation bien-pensante qui ferait des medias les responsables de ce soulèvement des banlieues, de la France entière la grande fautive pour ne pas avoir suffisament fait de place à ces enfants d'immigrés ramenés à leurs seuls déterminants ethniques.
Autre chose: Ces scènes de défoulement collectif étaient par exemple décrites dans les paroles du chanteur rap Monsieur R (adulé par Besancenot). Mais quand les rappeurs parlaient de la France comme "d'une garce", ou de "niquer la police", on n'a pas voulu les prendre au pied de la lettre, de peur de ne pas sembler assez "moderne".
Pour une réflexion approfondie, pessimiste et lucide de ces événements comme affolement de la modernité, écoutez la denière émission d'Alain Finkielkraut sur RCJ
Pour une vision encore plus noire, celle de Maurice G Dantec, interviewé sur radio Canada

blog surréaliste

J'ai bien aimé ce blog créé par un ancien du CFJ (comme moi). Il ridiculise joyeusement la logique people, avec des notes insignifiantes du genre: J'ai croisé Catherine Frot au marché Port Royal. Elle a acheté ses poireaux chez Marco et est repartie dans la direction de Montparnasse.

11 novembre 2005

In memoriam, Ahmed Ismaïl Khatib

La photo de cet ange, je tiens à ce qu'elle figure ici.
Cette histoire a ému beaucoup de monde et rend optimiste.
Hélàs, dans la relation qu'en fait Le Monde, pourtant assez courte, il est regrettable que la correspondante du journal, Stéphanie Le Bars n'ait pas pu faire autrement que de faire allusion à la ténébreuse affaire Mohamed Al Durah, dans la mesure où il existe aujourd'hui une incertitude sur l'origine du tir fatal au jeune palestinien.

10 novembre 2005

PS: Un vote arrangé

Il ne fait aucun doute, comme l'a dénoncé Jean-Luc Mélanchon, que le vote interne au PS a été "arrangé". 24 heures avant le début des opérations de vote des membres de la direction hollandiste appelaient des journalistes pour les assurer de leur victoire et du résultat: 55%! Ce n'est plus de la transparence, c'est de la télépathie! Hier, un dirigeant du NPS m'affirmait lui aussi que le résultat avait été négocié: "Fabius ne sera pas humilié et nous ferons 25%". Mais le sort de François Hollande n'est pas réglé pour autant. La modération d'Arnaud Montebourg, ce matin, alors qu'il est lui aussi convaincu qu'il y a eu magouille indique que NPS entend se rapprocher de ceux qui, au sein de la majorité (et ils sont nombreux), veulent changer de premier secrétaire. L'argument est le suivant: On ne peux pas diriger le parti avec 55% face à un opposant qui s'appelle Laurent Fabius. Ce qui veut dire de nouvelles alliances et, forcément, un changement de leader. Les jeux sont ouvert pour le congrès.

Petrole/Nourriture: Nouvelle inculpation d'un responsable politique français

Le juge du pôle financier de Paris Philippe Courroye a mis en examen mercredi soir Michel Grimard dans l'enquête sur des malversations présumées liées au programme "pétrole contre nourriture" dans l'Irak de Saddam Hussein, a-t-on appris jeudi de source judiciaire.
Placé en garde à vue lundi après-midi dans les locaux de la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDE) à Paris, cet ancien membre du conseil national du RPR est poursuivi pour "trafic d'influence" et "corruption de fonctionnaire étranger".
Michel Grimard est l'une des onze personnalités susceptibles, dans l'enquête française, d'avoir bénéficié de largesses du régime de Saddam Hussein sous forme de bons d'achat de pétrole en échange de leur soutien, selon des documents découverts à Bagdad et remis au juge Courroye aux Etats-Unis.
Selon une source judiciaire, il aurait été allocataire
de 12,5 millions de barils de pétrole sous forme de bons, dont il aurait tiré une commission de 410.000 dollars.
source: AFP

09 novembre 2005

Intifada des banlieues? (suite)

En écho à la note précédente, cette opinion publiée par le Monde, de Marco Diani, sociologue du CNRS qui ne pense pas comme les autres sociologues. Très nouvelle formule

Sur quelques simplifications trompeuses

Entretien hier, à Public Sénat, avec la philosophe Blandine Kriegel, présidente du HCI, haut conseil à l'intégration, La situation française résulte non pas d'un échec du modèle républicain mais de son blocage." Autrement dit, si les banlieues s'embrasent c'est parce que nous ne sommes pas suffisamment républicains. Parce que notre République et nos élites sont corrompues ou coupées du réel, nos institutions essoufflées. Les déboires du système néerlandais, très communautariste, montre bien que le mal frappe tous les modèles européens d'intégration des minorités dites "musulmanes", et pas seulement le modèle français reposant sur la laïcité.
Sous la plume de Roger Cohen, dans le Herald Tribune, je trouve aussi une autre piste intéressante (Cette "colonne" n'est malheureusement pas disponible gratuitement sur le web). Et si, nous dit-il, ces éruptions, étaient des manifestations de la crise du modèle social européen. On en voit les symptômes particulièrement sévères dans la zone euro et singulièrement en France: Faible croissance, rejet de la mondialisation, chômage de masse particulièrement chez les jeunes, mais aussi effondrement de la valeur travail et abus des systèmes d'assistance qui rendent l'activité insuffisamment attractive à des niveaux de salaires modestes « le travail c'est pour les bouffons!") Crise de système qui explique la spectaculaire perte de confiance dans les vertus du capitalisme (voir le sondage Libé-Louis Harris selon lequel 61% des français disent avoir une mauvaise opinion du capitalisme, et 51% une bonne opinion du socialisme !)
Cohen s'appuie sur une comparaison avec la réussite du modèle Singapourien, basé sur la liberté individuelle, le travail, la guerre aux discriminations (prévue dans nos textes mais que n'appliquons que mollement) et une croissance à 8% par an! Plus près de nous, on pourrait dire que si le communautarisme anglo-saxon paraît à certains si séduisant c'est peut-être tout simplement parce que la croissance y est deux fois supérieure à la notre, que le marché du travail est plus fluide et rend la recherche de l'assistance moins attrayante, en résumé que l'intégration économique, par le travail, fonctionne mieux que chez nous. Dans ces conditions les employeurs sont moins tentés de discriminer les populations d'origine étrangère! de surcroît, il est étrange que les thuriféraires du communautarisme oublient que dans le passé les anglais et les américains ont eu leur lot d'émeutes urbaines, d'une violence comparable aux "nôtres".
On parle beaucoup en ce moment de l'insuffisante visibilité médiatique des minorités "visibles", certains y voyant une explication à la crise actuelle. Je ne crois pas, pour ma part, que les casseurs soient des interprètes de cette revendication (légitime) de visibilité. J'y vois davantage un comportement nihiliste débouchant- à partir d'un prétexte- sur une tentative insurrectionnelle, peut-être récupéré par les islamistes.
Je ne nie pas les discriminations, notamment à l'embauche. Mais si l'on fouille un peu, on trouve beaucoup d'exemples d'intégrations réussies dans le monde économique. Si les secteurs des medias et de la politique paraissent plus fermées (mais c'est en train de changer) c'est que ces milieux sont particulièrement coupés du monde réel, et peu aptes à la remise en question. D'ailleurs ils font de moins en moins recette.

07 novembre 2005

La France en berne

L'UOIF (Union des organisations islamiques de France), faux nez des frères musulmans, édicte une fatwa interdisant aux musulmans de France de participer aux violences urbaines. Mme Pecresse, porte parole de l'UMP, trouve cela "normal(...)car toutes les interventions pour faire respecter les lois de la république, d'où qu'elles viennent sont bonnes." Qu'est-il arrivé à mon pays? Devant l'impuissance gouvernementale, un Président qui anonne quelques banalités, sur un ton patelin sur les marches de l'Elysée, on en vient à espérer des intégristes qu'ils parviennent à ramèner les "jeunes" à la raison.
La fédération nationale des collectifs de defense et de développement des services publics appelle à une manifestation le 19 novembre et précise qu'il y a "incontestablement un lien avec la situation dans les banlieues." On avait plutôt le sentiment que les émeutiers détruisaient les services publics (autobus, écoles, pompiers etc...), au lieu d'en réclamer davantage.
La Ligue des Droits de l'Homme demande, elle, un "changement radical de politique" et "une mobilisation civique qui permette aux victimes de l'injustice de s'unir pour qu'il y soit mis fin." De quelles victimes s'agit-il, au juste? Du père de famille battu à mort devant sa femme pour un appareil photo à Epinay sur seine? Du retraité de Stains (M. Le Chenadec) tué pour avoir osé demandé (avec respect) aux voyous de cesser de dégrader son immeuble? Des centaines de salariés mis au chomage technique? Des milliers d'autres qui n'ont plus de voiture pour aller bosser? Les droits de l'Homme sont-ils menacés en banlieue? A part le droit à la sécurité à la tranquilité de tout citoyen je ne vois pas. Pauvre Ligue des Droits de l'Homme!

03 novembre 2005

Intifada des banlieues?



Il faut croire que l'éloignement aide certains hommes politique à ouvrir les yeux. Ainsi, il faut saluer la lucidité d'Alain Juppé, qui a compris que l'essentiel de ce qui est en cause en banlieue était la question du "vivre ensemble". L'inquiétude vient, nous dit-il, des divisions entre "français et étrangers, français d'origine et immigrés de la 2ème ou de la 3ème génération, chrétiens (souvent ô combien déchristianisés!) et musulmans... " Autrement dit, nous avons sous les yeux les résultats de 30 ans de politiquement correct et de débat interdit sur la question de l'immigration.
Villepin, qui a-décision exceptionnelle- annulé sa visite officielle au Canada (où il devait d'ailleurs rencontrer son ancien mentor) a compris le caractère quasi insurrectionnel de la situation. Personne ne détient la solution pour ramener le calme. Notons simplement que les appels à "un grand débat" (Bayrou, Ayrault) semblent bien timides, quand, sur le terrain, un syndicat de policiers (CFTC) demande "un couvre feu pour ramener l'ordre républicain, faute de quoi ce sont 700 cités qui entreront à leur tour en guerre civile." Vous avez bien lu, "guerre civile." On pourrait aussi employer le terme "intifada" qui nourrit l'imaginaire des musulmans dans les banlieues, depuis des décennies.
La dimension religieuse de ces évènements s'impose chaque jour davantage. Le Monde semble, par exemple, s'impatienter de voir les "frères musulmans ramener le calme". Si Le Monde a raison de pointer le rôle des barbus, il a tort de paraître s'en réjouir. On sait que la stratégie des islamistes est de s'imposer comme interlocuteur incontournable de l'Etat. Ils pensent y arriver, (et vont peut-être y arriver), en ramenant les banlieues à la raison, après avoir, pendant un temps, soufflé sur les braises. Ce serait conforme à leur attitude constante.
La dimension culturelle, les carences éducatives, sont aujourd'hui les premières responsables des dangers qui menacent environ 100 000 enfants, comme vient de le montrer un rapport de l'Odas, l'observatoire décentralisé de l'action sociale, à partir des rapports effectués sur le terrain par les travailleurs sociaux. Cela veut dire que les déterminants sociaux ne sont pas cruciaux, comme on a trop rapidement tendance à le penser. Ainsi, dans une cité "difficile" donnée, entre deux familles disposant du même revenu et se trouvant dans la même situation sociale, le climat envers les enfants sera beaucoup plus favorable si les parents sont unis, plutôt que s'ils sont divorcés, si les tuteurs exercent réellement leur autorité, plutôt que lorqu'ils l'ont abandonné, quand les enfants font leurs devoirs et se couchent tôt, plutôt que lorsqu'ils sont livrés à eux-mêmes, regardent la télé pendant des heures, ou pis, trainent seuls dans les rues la nuit.
Transposé à la situation des ghettos musulmans de nos banlieues, cela veut dire qu'il ne faut pas céder à la tentation d'essentialiser ce qui s'y passe, mais en même temps se rendre compte que l'éternelle tentation de l'excuse sociale est infailliblement interprétée comme un encouragement à poursuivre les mises à sac, les incendies, les tirs à balles réelles contre les representants de la République. En effet pourquoi s'arrêter si ces actes de vandalisme sont interprétés par les "sociologues" (comme, hier encore, par Michel Wieviorka), comme l'expression d'un "désespoir"? Il y a lieu de penser que les gosses qui entendent, chez eux, un discours positif envers la France seront davantage préservés que ceux qui baignent dans un climat de rancune.
Ces messages ont des effets dévastateurs, comme de celui de provoquer l'extention des émeutes à des banlieues beaucoup plus "calmes" que Clichy-sous-bois, Aulnay ou Sevran, mais ou existent néanmoins des quartiers sensibles, par exemple à Suresnes ou Antony où des voitures ont été brûlées la nuit dernière.
Il est particulièrement inadmissible que la gauche et une partie de l'UMP, proche de Villepin, donne l'impression que les jeunes ne font que répondre aux "provocations" de la Police ou de Sarkozy. Malgré ses balourdises, le ministre de l'intérieur ne fait que dire des vérités d'évidence. Comment, par exemple, peut-on lui reprocher de dénoncer la "racaille" et les "voyous", termes qui s'appliquent en effet aux délinquants et a l'avantage de les distinguer des autres habitants qui entendent mener une vie paisible et honorable? Comment lui reprocher de pratiquer des amalgames et en même temps préférer le terme lénifiant "jeunes" pour désigner les casseurs? Ceux-là n'incitent-ils pas à penser que tous les "jeunes" sont en fait des voyous?
Le résultats c'est que les "jeunes" et leur "grand frères" (terme hallucinant qui désigne à la fois les éducateurs municipaux et les barbus de la mosquée) ont cru pouvoir disqualifier Sarkozy en lui préferant Villepin ou son homme lige, Azouz Begag, dont la mission essentielle paraît non pas de favoriser l'égalité des chances mais de discréditer le rival du premier ministre dans la perspective de 2007.
Au lieu de ces gesticulations pourries d'arrières-pensées politicardes, le ministre de la justice aurait mieux fait de conseiller au procureur de la République de désigner un juge d'instruction pour garantir l'indépendance de l'enquête sur le déclenchement des troubles à Clichy, ou sur l'affaire de la grenade tirée contre la mosquée. C'est ce qu'on attendrait d'une démocratie moderne, mais en somme nous une? Tout le monde a droit à l'expression de la vérité, plutôt qu'à une version officielle qui a force de se refermer sur elle-même finit par en paraître biaisée. Ainsi pourquoi la police a-t-elle d'abord évoqué un cambriolage avant de reconnaître qu'il ne s'agissait que d'un vol sur un chantier? La République ne se divise pas. C'est peut-être ça, finalement, le sens de la "générosité".

PS: 14H31. Une dépêche AFP annonce l'ouverture d'une information judiciaire pour "non assistance à personne en danger" dans la mort de Zyad et Banou. Il était temps.