Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

26 février 2008

Des regrets téléphonés (le salon, suite et fin?)

Et bien, les regrets que j'évoquais ici ce matin étaient bien peu spontanés comme l'atteste cette dépêche AFP tombée cet après-midi.

REMOUS AUTOUR D'UNE PHRASE DE REGRET AJOUTéE DANS UN ENTRETIEN DE SARKOZY

Une phrase de regret de Nicolas Sarkozy sur l'algarade qui l'a opposé à un visiteur du salon de l'agriculture a été ajoutée par l'Elysée dans un entretien avec les lecteurs du Parisien, de l'aveu d'un responsable du quotidien, suscitant mardi quelques remous.

La phrase en question, "J'aurais mieux fait de ne pas lui répondre", sert de titre à l'article publié mardi. Elle se trouve également dans une réponse du chef de l'Etat à une lectrice qui l'interroge sur sa réplique ("Casse-toi pauvre con") lancée samedi à un homme l'ayant insulté au salon de l'agriculture.

"Cette phrase n'a pas été prononcée" devant les lecteurs du Parisien, a expliqué mardi sur différents médias Dominique de Montvalon, directeur adjoint de la rédaction du quotidien. Elle a été ajoutée par l'Elysée tardivement lundi soir après relecture de l'entretien original.

Interrogé sur cette modification, l'Elysée a expliqué à l'AFP qu'on "était passé d'un entretien de 2H15 à trois pages" de journal. "Le texte nous est parvenu hier (lundi) soir tard et a été amendé et corrigé comme ça se fait habituellement. On dit la même chose, l'état d'esprit est le même", a assuré Franck Louvrier, responsable de la communication.

"A 23h45, dans les ultimes délais de notre bouclage, on s'est retrouvé avec une phrase qui n'avait pas été prononcée, une phrase qui devient le titre, car elle est très intéressante et très percutante", a raconté pour sa part M. de Montvalon.

Selon lui, le président "n'avait pas exprimé le moindre regret" lors de son entretien lundi matin, et la nouvelle citation "marquait un changement de ton, on était dans le registre cette fois du regret sinon du remords". "J'en déduis qu'au cours de la journée (de lundi), l'Elysée a fini par prendre la mesure de l'ampleur des secousses provoquées par cette affaire", a-t-il estimé.

Mais le fait que les lecteurs du Parisien qui ont rencontré M. Sarkozy "retrouvent dans le journal quelque chose qu'ils n'ont pas entendu" pose "quand même problème, et on s'en expliquera demain (mercredi) à l'intention de nos lecteurs", a observé M. de Montvalon, promettant de publier la version originale.

Les lecteurs ayant participé à l'interview, et interrogés par l'AFP, réagissaient diversement à cette affaire. Nicolas Sarkozy "n'a pas prononcé cette phrase. Cela pose un petit problème: il nous a dit 25 fois au cours de la rencontre qu'il ne mentait pas. Pourquoi cette phrase et en gros titre ? Ce n'est pas terrible franchement", a réagi Michel Augagneur, retraité de Lagny (Seine-et-Marne).

Mais pour Philippe Laratte, entrepreneur à Bus-Saint-Rémy (Eure), "si ce n'est pas les mots exacts, c'est la même chose dans l'esprit. Je retrouve ce qu'il nous a dit et ce que j'ai ressenti. C'est vraiment un détail".

Selon un verbatim de l'entretien original auquel l'AFP a eu accès, le président a notamment dit aux lecteurs du Parisien: "j'aurais pas dû lui dire: casse-toi".

Cette affaire soulève plus largement la question de la relecture des entretiens par les personnes interrogées. "Les journaux français, je pense au Monde, aux Echos, à des titres très respectables ont une politique qui consiste à faire relire les interviews, alors que déjà, je trouve que c'est critiquable", souligne François Malye, secrétaire général du Forum des Sociétés de journalistes.

Un journal, quel qu'il soit, a-t-il les moyens de dire non au président de la République ? Pour M. Malye, "la marge de maneuvre vis-à-vis des politiques ou des +puissants+ en général est de plus en plus faible".

Faut-il dire tout le mal que je pense de cette pratique de la relecture des interviews (même quand ce ne sont pas, comme ici, des interviews), pratique qui n'est plus guère signalée en exergue, même plus par le Monde qui, il fut un temps, faisait précéder celles-ci de la formule: "Cet entretien a été relu et amendé par M. X"
Mais en France, le rapport de force entre politiques et journalistes est tel que, pas de relecture, pas d'interview.
A la télévision ou à la radio, pourtant, les politiques n'ont aucun droit de regard sur le montage...

Sarkozy au salon (suite)

Pas tout à fait des excuses mais des regrets exprimés devant les lecteurs du Parisien, après le "casse-toi pauvre con"du salon de l'agriculture. On a semble-t-il enfin pris conscience, à l'Elysée, des dégats qu'allaient provoqué cette video dans une opinion déjà passablement déconcertée. Une bien meilleure réaction que celle de Brice Hortefeu qui, voulant prendre la défense du chef de l'Etat, avait cru bon d'affirmer: "il est bon que le Président de la République parle comme tous les Français."

24 février 2008

Sarkozy au salon de l'agriculture: une victoire du net sur la télé

Dans les heures et les jours qui viennent tout le monde va, si ce n'est déjà fait, donner son avis sur l'écart de langage de Nicolas Sarkozy au salon de l'agriculture. Pour ceux qui n'ont pas vu et entendu le Président traiter de "pauvre con" un visiteur qui refuse de lui serrer la main, la video se trouve sur le site du Parisien.fr. Elle a surtout été reprise par tous les grands journaux (Dès hier soir par France 3 et ce soir par France 2 et même (et oui!) par TF1. Claire Chazal-un peu pincée tout de même-a quand même fait le boulot. J'ai voulu en effet vérifier mon intuition, le sujet figurait bien dans les journaux, même si ce n'était pas l'ouverture ni sur la une si sur la 2, chose à mo avis hautement contestable. Il ne faut pas trp en demander! Demain ce sera l'ouverture des radios. Et bien sûr le sujet de conversation numero un au bistro, à l'usine ou au bureau.
Néanmoins, la question n'est pas de savoir-comme je le lis ici ou là- comment les hommes politiques, les stars ou les "pipoles" vont s'y prendre désormais pour contrôler ou essayer de bloquer la diffusion de telles séquences aussi dévastatrices pour leur image. Pour la simple raison que c'est devenu absolument impossible tant il y a d'émetteurs , qu'il s'agisse de blogueurs indépendants ou maintenant de sites de la presse traditionnelle comme celui du Parisien. Ce soir, à 20 Heures, la vidéo avait été déjà vue par plus de 700000 internautes sur le seul site du parisien, sans compter l'effet boule de neige. Il y a quelques années, si ces images avaient été enregistrées par une équipe d'une télévision nationale, le pouvoir politique aurait pu exercer des pressions pour qu'elles soient coupées au montage, ou au moins rapidement retirées de la diffusion. Ce type de censure ou d'autocensure n'est heureusement plus possible, grâce à internet. Non, M. Raffarin, il ne s'agit pas d'images "volées" comme vous l'avez affirmé sur Europe 1! Comment pouvez-vous employer ce terme s'agissant d'un échange enregistré dans un lieu public? En ajoutant que vous regrettez que la presse s'intéresse trop à la vie privée des hommes politique. Alors la visite présidentielle au salon de l'agriculture cela relève donc aussi de la vie privée de Sarkozy?
Pour faire allusion à une autre affaire de vidéo, abordée ici même récemment, j'ajouterai que ce qui est important ce n'est pas le nombre de video mises sur le net, mais leur valeur informative. Et dans ce cas présent, pas de doute que c'est "de la bombe"! Nicolas Sarkozy est à nouveau pris en défaut de sang froid. Il n'est pas piégé, il sait qu'il est filmé et pourtant, comme avec les pêcheurs du Guilvinec, ça sort quand même. Il a décidement un énorme problème de self contrôle. Qui osera lui dire que même s'il est normal d'avoir envie de répondre de la sorte à quelqu'un qui refuse votre main et vous dit "tu me salis", un Président de la République, qui dispose de tous les moyens coercitifs de l'Etat, ne peut tout simplement pas se permettre de s'adresser de la sorte à un Français. Sur le sujet du langage aussi il se doit d'être exemplaire s'il veut pouvoir en remontrer à "la racaille". Plus il s'exprimera de cette façon et moins il sera respecté de ses opposants ou détracteurs, dont les rangs ne feront que grossir. Car on est là au coeur de ce que les Français lui reprochent: Comme le montre la popularité de Fillon qui a cessé de faire pitié, ce n'est pas la politique qu'il mène qui est en cause. Ils l'ont élu en connaissance de cause. Il s'agit de la manière dont il incarne la fonction, le rôle dans lequel l'ont mis les Français, ou du moins l'idée qu'ils s'en font généralement. A la réunion de 8H30 demain à l'Elysée, on serait bien inspiré de lui conseiller de s'excuser.

20 février 2008

Cavada complice d'antisémitisme?

Peut-on utiliser dans une même phrase « juif » et « 4X4 » en faisant allusion au caractère polluant, ou réputé tel, de ces engins sans risquer l’infamie d’une accusation d’antisémitisme ? Nous devons au talent d’agitateur de Guy Birenbaum, à sa "vigilance" et surtout à son sens de l’auto-publicité de nous poser cette question, on l’imagine, cruciale.
Sans rire, elle ne vaudrait pas que j’y consacre plus de deux minutes si elle n’avait pas donné lieu à un début de chasse à l’homme contre Jean-Marie Cavada, candidat ump aux municipales dans le XIIème arrondissement de Paris. Mettons tout de suite les choses au point. Je connais à peine Jean-Marie Cavada et mon objectif n’est pas d’intervenir en faveur de tel ou tel dans cette campagne. Pour être encore plus clair, je considère que, même si on peut discuter de tel ou tel aspect de son action, Bertrand Delanoë est un bon maire de Paris qui mérite sa réélection, d’ailleurs largement prévisible.
D’où vient alors que, grâce à Birenbaum, une partie de la « blogosphère », à laquelle l’équipe de campagne du maire de Paris emboite étrangement le pas, soupçonne Jean-Marie Cavada, sinon d’antisémitisme au moins d’indifférence coupable face à ce qui est présenté comme des propos antisémites ?
Il suffit de prendre la peine de regarder cette video jusqu’au bout avec un tout petit peu d’honnêteté intellectuelle pour se convaincre du caractère scandaleux du procès et même du procédé.
De quoi s’agit-il ? D’un journaliste, M. Stefanovitch qui, devant une assistance au premier rang de laquelle est installé le candidat Cavada, tient des propos de comptoir au lieu d’arguments digne du journaliste qu’il prétend être. Tout y est confondu, à commencer par les camps nazis de déportés politiques (Dachau), avec les camps d’extermination (Auschwitz). L’orateur évoque ensuite un prétendu vote juif, alors que l’on ne peut tout au plus parler que d’un vote communautaire, parmi les Juifs pratiquants dans certains arrondissements de l’Est parisien ( qui peut néanmoins avoir un certain impact local sur le résultat). Le reproche sur côté arbitraire des subventions aux associations est vieux comme la mandature parisienne de Jacques Chirac. Delanöe y a plutôt mis un peu d’ordre mais c’est vrai que la liste des bénéficiaires est digne d’un inventaire à la Prévert. Les montants cités sont au demeurant assez ridicules. Peut-on vraiment prétendre qu’on achète des associations de déportés avec quelques milliers d’euros par an, tout juste suffisants pour payer un coup à boire de temps en temps ? Pas de quoi fouetter un chat.
Il est vrai que les écoles juives bénéficient de subventions publiques et n’accueillent que des élèves juifs, ce qui est contraire à la loi. Cela s’explique par le caractère non prosélyte du judaïsme, mais c’est surtout un débat de sophiste : Je ne connais aucune famille non juive qui souhaite inscrire son enfant dans ce genre d’école.
Venons-en à l’argument massue : Dire que les parents juifs polluent avec leurs 4X4 serait une expression caractérisée d’antisémitisme. Bien sûr, prétendre que les Juifs naitraient avec les clés d’un SUV serait un stéréotype antisémite. Mais on peut aussi affirmer qu’il ne s’agit que de stigmatiser les habitants des banlieues (il est fait référence au 93 et au 94), qui possèdent et conduisent plus volontiers qu’à Paris des voitures encombrantes…et polluantes. Il me semble que Stefanovitch critique là le principe des subventions municipales pour des écoles fréquentées par des enfants de banlieue, alors que les petits parisiens non-juifs n’y sont pas acceptés. En tout cas il est outrageant d’affirmer qu’il s’agit là d’une remarque antisémite voilée.
J’admets qu’affirmer que le maire de Paris privilégie les Juifs et les homosexuels dans un but politique a quelque chose d’un peu de scabreux, et de certainement pas innocent. C’est surtout stupide, et peut-être Stefanovitch a-t-il là du mal à réprimer des préjugés. Je n’en sais rien, et là n’est pas le problème.

A travers Stefanovitch, c’est évidemment Cavada qui est visé. Or, j’affirme qu’il n’y avait rien qui justifiait ou plutôt qui obligeait Cavada à se lever, cramoisi de colère ou d’indignation et à sommer l’intervenant de s’excuser en menaçant de claquer la porte, comme l’aurait jugé correct l’expert autoproclamé des bonnes mœurs politiques Guy Birenbaum.
Cavada ne débat pas directement avec Stefanovitch. Il n’a pas de micro en main et on seulement lui reprocher d’écouter trop distraitement.
Je comprends que l’entourage de Delanöe soit agacé qu’un personnage aussi peu rigoureux que Stefanovitch parade dans des meeting de l’ump, avec un argumentaire aussi faible et partial, et le dénonce. Mais au fond ça fait partie du côté trash des campagnes électorales. Ce qui n’est pas acceptable c’est, sous prétexte de campagne électorale, de chercher à disqualifier un adversaire en laissant entendre qu’il aurait « un fond » antisémite, simplement à cause de ce qu’il n’a pas dit ou pas fait. On n’est pas loin d’un procédé totalitaire, et en tout cas (évitons de devenir outrancier) il s’agit d’ une instrumentalisation scandaleuse de l’antisémitisme. Pour avoir consacré un livre au danger bien réel du « nouvel antisémitisme » (édité, ironie de l’histoire chez Denoël, par le même Guy Birenbaum), je me sens autorisé à le dire : Si tout le monde est antisémite, alors personne ne l’est plus.
C’est ce genre de campagne, de plus en plus répandue sur le net par des polémistes en mal d’existence qui risque de rendre irrespirable si l’on y prend garde le climat du débat démocratique.