Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

28 février 2007

Une campagne nulle


La compétitivité de la France dégringole de la 6ème à la 9ème place des dix plus grandes nations européennes, selon une étude de l'économiste en chef de l'assureur Allianz. L'Allemagne a fait le chemin rigoureusement inverse (de la 9ème à la 6ème place). Seule l'Italie fait moins bien que nous. Avez-vous entendu un seul candidat évoquer ce sujet? Non. Ils ont tous bien trop peur de passer pour "déclinistes". Le manque de compétitivité d'aujourd'hui est directement responsable du chômage de demain, ce qui laisse présager que le futur ou la future élu (e) va passer un sale moment. (dernière minute: Ségolène Royal vient de dire que "les deux premières années seront difficiles". Il y a du mieux...)
Airbus va supprimer 10000 emplois, dont probablement 4000 en France. Ce n'est pas une de ces entreprises dirigées par des financiers obsédés par la rentabilité, mais par des capitalistes à l'ancienne, c'est à dire choisis en raison de leurs connexions avec l'Etat, actionnaire lui aussi. D'ailleurs on les sent de moins en moins motivés par leur présence au tour de table de l'avionneur. Leurs euros rapporteraient en effet beaucoup plus investis ailleurs. Ils ne restent que parce qu'ils n'y a pas d'autres partenaires européens industriels privés d'importance pour les y remplacer. Bref, on leur demande de faire preuve de patriotisme économique, ce qu'ils font jusqu'ici, en ne cessant pourtant de dire que c'est du provisoire. On peut rêver mieux comme actionnaire!
Ces suppressions d'emploi ont leur origine dans les retards du programme A380 et dans le taux de change euro/dollar qui plombe les exportations (et donc les emplois) européens. Si les Allemands s'en sortent mieux que les Français avec le même euro, c'est justement parce qu'ils ont su améliorer leur compétitivité. La boucle est bouclée. La France ne peut prétendre bénéficier des avantages de l'euro avec une gestion des finances publiques aussi catastrophique et en négligeant la productivité du travail.
Normalement, le pays devrait vivre un grand débat sur les moyens de retrouver le chemin de la compétitivité. Un débat avec nos voisins pour s'inspirer des recettes qui ont bien marché ailleurs. Un débat sur le prix à payer, car il est évident qu'il y en aura un. Mieux vaut dire quelles catégories devra le supporter et dans quelles proportions. C'est le rôle de la fiscalité. Le sujet de la TVA sociale, ou de l'impôt de consommation est complètement absent du débat. Aucun candidat n'ose le mettre en avant, de crainte de le payer en impopularité. C'est pourtant un moyen efficace utilisé avec succès par les Allemands et les scandinaves (tiens, vous avez remarqué, personne ne parle plus du "modèle danois"...) pour soulager la production sans taxer le travail et en même temps en pénalisant les importations en provenance des pays à faible coût de main d'oeuvre. Bref un impôt anti-délocalisation et favorable à l'emploi en France, et personne n'en veut! Vous y comprenez quelque chose? Evidement, c'est le consommateur qui va payer, mais comment faire autrement si l'on ne peut plus taxer ni le capital, ni le travail?
De ce débat essentiel, il n'est guère question nulle part. Sarkozy a déserté le thème de la rupture. Ségolène a mis une sourdine à sa petite musique pour se ménager les éléphants. Je doute que cela lui fasse gagner une seule voix. Les candidats, mais tous les candidats, continuent à surenchérir en promettant tout et son contraire. A qui apparaîtra comme le plus compassionnel, le plus sécuritaire, le plus ouvert ...ou un mélange de tout cela. Aucun des principaux candidats ne manque pourtant de qualités et ils valent sûrement mieux que la caricature que leurs adversaires passent beaucoup de temps à peaufiner. Ségolène Royale n'est pas populiste parce qu'elle veut tenir compte du peuple. Pas incompétente parce qu'elle s'affranchit de quelques dogmes en politique étrangère. Sarkozy n' a pas eu tort de parler de la "racaille" des banlieues. Elle existe, hélas, et prétend même lui interdire d'y remettre les pieds. La moquerie dont l'affligent les socialistes à ce sujet est consternante.
Reste Bayrou, qui tente bien de récolter quelques pépites abandonnées par l'adversaire. Mais lui aussi déçoit. C'est dans son camp que l'on trouve les adeptes les plus convaincants de la TVA sociale. Or, il n'en dit mot, préférant flatter la clientèle enseignante. Un clientélisme éhonté auquel même les socialistes n'osent plus se livrer.
A force de reculer le moment de vérité, vous verrez que ce sera tooujours le même qui réussira à passer pour celui qui la dit. Devinez qui?

19 février 2007

Avec Alain Duhamel


Alain Duhamel, suspendu après avoir révélé- de manière incidente- son intention de vote en faveur de François Bayrou, a dénoncé le "caractère totalitaire d'Internet". Je crois qu'il se trompe. Ce qui est totalitaire, c'est de l'avoir suspendu, et pas d'avoir simplement porté à la connaissance du public son propos. Après tout, Alain Duhamel est un des journalistes politiques les plus influents du pays, il n'est pas anormal que ces déclarations publiques soient portées à la connaissance de ses lecteurs et auditeurs, au delà du petit cercle des étudiants de sciences-po. Ce qui l'est, c'est de suspendre un journaliste pour une raison pareille! Alain Duhamel a parfaitement montré qu'un journaliste digne de ce nom peut très bien conserver son sens critique, même envers un homme politique pour lequel il éprouve de la sympathie. Cette suspension est un lynchage pur et simple. C'est aussi une hypocrisie de plus, car nombre de journalistes ne se privent pas de manifester leur soutien à tel ou tel candidat, de manière évidement subliminale, parfois par une connivence qui s'exerce loin des micros et des cameras. C'est aussi un signe d'archaïsme profond du monde journalistique français. Aux Etats-Unis, pays ou l'on ne plaisante pas avec l'indépendance de la presse, il est de tradition que les journaux fassent part de leur préférence à la veille d'une échéance importante. C'est une forme de respect.
Par ailleurs, on ne peut pas encenser le "journalisme-citoyen" et empêcher les journalistes d'être aussi des citoyens et d'informer, s'ils le souhaitent, leur public de leur préférence. C'est la différence entre choix citoyen et choix partisan. Que croit-on? Que même les admirateurs inconditionnels de Duhamel vont forcément l'imiter, créer un comité de soutien à Bayrou, lui envoyer des chèques? Qu'ils seront influencés? Peut-être, et alors? La presse n'influence-t-elle pas de manière beaucoup plus insidieuse?
Le comprtement d'Alain Duhamel est exemplaire et moderne. Ne sommes-nous pas entrés, justement avec internet, dans une époque de clarté entre les citoyens et les medias?
N'est-ce-pas au contraire en libérant la parole des journalistes, en cessant d'en faire les eunuques du harem politique que le public retrouvera un peu confiance en eux? C'est d'ailleurs ce qui est intéressant dans les propositions de Bayrou, justement, qui veut empêcher les groupes industriels dépendant des marchés d'Etat de contrôler des medias. Car, contrairement à Alain Duhamel, je ne m'offusque pas des critiques du candidat centriste contre le monde médiatique, que je trouve assez fondées dans l'ensemble. Précisément, le contrôle des moyens d'information de masse par des groupes dépendant de commandes publiques est source d'opacité et fait pencher ces medias du côté du manche ou de celui ou celle dont ils estiment qu'il ou elle aura les meilleures chances de l'emporter. Actuellement, Sarkozy. Evidement ils ne le disent jamais.
A côté de cela, la révélation par Alain Duhamel de sa préférence est une manifestation d'honnêteté et d'intégrité professionnelle. Ni plus ni moins.

14 février 2007

Débat atomique (suite)

Ce soir, sur France 24, nous avons mis sur la sellette Dominique Lorentz ("Affaires Atomiques", "Secrets atomiques" Ed.les Arènes, dont j'ai déjà parlé ici, en la confrontant à deux contradicteurs: François Géré de l'Institut Français d'Analyse Stratégique ("Les tourments perses", Ed.lignes de repères) et quelqu'un que je connaissais moins, Nader Barzin ("L'Iran nucléaire", l'Harmattan). Je n'ai pas eu le temps de redonner les références bibliographiques tant le débat était animé! Lorentz a été interpelée sur sa méthode de travail avant de rétablir la situation, à mon sens, dans la deuxième partie lorsqu'elle obligea François Géré à révéler ses sources (services de renseignement, AIEA). Sont-elles nécessairement plus fiables que les documents ouverts et la méthode analytique de Lorentz? A vous de juger en visionnant ce débat animé et passionnant.

12 février 2007

La martingale Royal


La candidate socialiste peut-elle refaire son retard sur Nicolas Sarkozy avec ses 100 propositions?..Avec quelques symboles aussi, Une candidate qui est aussi une mère et qui affirme vouloir la même réussite pour chaque jeune Français que pour ses propres enfants...Les candidats pères n'avaient jamais osé...Chirac s'était contenté de souhaiter faire avec la France la même chose qu'à Paris.

La veste rouge, ensuite, en accord avec la tonalité du discours qui, de l'avis général, a déplacé son centre de gravité sur la gauche, alors que Sarkozy affichait à la Mutualité ses ralliements centristes...

Pourtant, à y regarder de près, les choses pourraient bien être plus compliquées que cela...La mise en garde sollenelle sur la gravité de l'endettement de la France d'abord, le coup de boutoir contre l'Etat jacobin ont surpris dans les premiers rangs de l'assistance où se trouvaient les élephants....Heureusement vint aussitôt la déclinaison de "l'ordre juste"...

Mais comment augmenter le SMIC (si l'Etat le prend en charge), les petites retraites, l'allocation logement, handicapés, financer le revenu jeunesse, la carte santé des 16/25 ans, doubler le budget de la justice, limiter à 17 elèves les classes de Zep, depenser autant par étudiant que la moyenne de l'OCDE etc...etc...sans aggraver l'endettement, ni augmenter les impôts...(ce qu'on suppose depuis la controverse avec François Hollande, puisque Ségolène Royal n'en a pas pipé mot hier.)
C'est la martingale Royale...
Il est vrai que les électeurs ne sont pas des comptables et que les chiffrages ne font pas de grands discours...Nicolas Sarkozy ne déroge pas à cette règle, lui qui a son lot de promesses ("tout devient possible") et veut en même temps baisser de 4% le taux de prelèvement obligatoire...4%, rien que cela, alors que Margaret Thatcher, au plus fort de sa "rupture", les fit baisser de 2%...seulement...
Alors, les promesses "n'engagent-ils que ceux à qui elles sont faites"?....Et la fonction des campagnes électorales ne serait-elle que de préparer les frustrations et les désillusions de demain?...

07 février 2007

Dominique Lorentz, c'est de la bombe!


Hier soir, je recevais Dominique Lorentz, auteur de "Sujets Interdits" édité par les Arènes. Il y a dix ans, j'avais été impressionné, étourdi même, par son permier livre "Une guerre" qui, à contre-courant de l'ensemble de la presse, faisait le lien entre les enlèvements de Français par le Hezbollah au Liban, l'attentat contre la Fnac, rue de Rennes, l'assassinat signé Action Direct, de George Besse alors patron de Renault, la disparition de Michel Baroin et, déjà, la bombe iranienne. Dominique Lorentz est une analyste. Elle ne travaille que sur des sources "ouvertes", ignorant volontairement les sources confidentielles et les dossiers opportunément déposés dans les boites aux lettres. Au fil des ans, elle est devenue une spécialiste des questions nucléaires et de la prolifération.
Dans "Secret atomique", elle raconte dans le détail l'histoire cahotique de la coopération nucléaire franco-iranienne. Elle fut la seule a relever la facétie de l'ancien président Khatami. En visite à Paris, où il vient exiger le respect par la France des engagements pris à l'époque du Shah, il dépose une gerbe sur la tombe de...Pierre et Marie Curie.
Dans "Affaires atomiques" elle révélait, rien moins, que la bombe française était le fruit de la volonté des Etats-Unis, avec le concours de chercheurs juifs du nouvel Etat d'Israël. Autrement dit, selon elle, et contrairement à l'histoire officielle, c'est Israël qui a permis à la France de monter sa bombe atomique et non l'inverse!
Dans "Des sujets interdits", l'auteur raconte comment elle a été recrutée par la Defense nationale pour travailler à la définition d'une doctrine française de contre-prolifération, avant d'être bloquée sur intervention de la DGSE. Aujourd'hui Dominique Lorentz végète, de petits boulots en petits boulots. Elle est traitée en paria pour excès de curiosité.
Hier, sur France 24, elle affirmait ceci: La supposée "gaffe" de Chirac sur l'Iran n'en est pas une. En effet, il n'est plus question, dit-elle, d'empêcher les iraniens d'avoir la bombe, ils l'ont déjà. La bombe pakistanaise est en fait une bombe irano-pakistanaise. Les puissances nucléaires occidentales ont organisé la prolifération pour créer un système d'équilibre de la terreur. Le meilleur exemple est le conflit indo-pakistanais. S'il ne dégénère pas c'est que New Dehli et Islamabad savent qu'ils ont les moyens de se détruire mutuellement. L'évolution du regime des mollahs est venu bouleverser la donne. Et si la République islamiste se montrait moins rationnelle que les autres détenteurs de l'arme nucléaire? Et si Khatami, et aujourd'hui Ahmadinedjad mettaient à exécution leur menace de destrution d'Israël? Conclusion de Lorentz: Il s'agit maintenant non plus de dissuader l'Iran d'obtenir la bombe, mais de s'en servir. D'où la menace explicite de "raser Téhéran" en cas d'utilisation de l'arme nucléaire. C'était le message très peu diplomatique que souhaitait faire passer Chirac et reçu 5 sur 5 par son destinataire. Seul bémol: Israël ou ses alliés sont-ils en mesure d'intercepter en vol un missile nucléaire avant que celui-ci n'ait quitté l'espace iranien? Mais l'essentiel est que les fanatiques iraniens pensent que cette éventualité est suffisament sérieuse pour réfléchir à deux fois avant d'appuyer sur bouton nucléaire.

PS: Le verbatim des deux entretiens accordés par Jacques Chirac au nouvel obs et au New York Times sont très instructifs. Il est impensable que Jacques Chirac se soit cru "off the record"

01 février 2007

Le candidat retro


Regardez bien cette photo. Rien ne vous choque? Rien ne vous interpelle? Reflechissez bien...
Mais oui, évidement, c'est elle tout simplement: la pipe.
Nous sommes le 1er Fevrier et la loi qui interdit de fumer dans tout lieu public fermé entre en vigueur. Surtout, cela fait bien longtemps que vous n'avez pas vu un homme politique, encore moins un candidat présidentiable, s'exhiber en public une clope au bec, encore moins avec un Havane...Et c'est ce même joour que choisit Bové pour lancer sa candidature. Et José, lui ne cache pas sa pipe. Car José est différent. La pipe est différente. La pipe rassure. Elle ne fait ni pollueur, ni empoisonneur. La pipe est un accessoire apaisant et retro.
Y a-t-il plus qu'une coincidence? Est-il possible que cette pipe fétiche soit là pour nous rappeler le souvenir d'une époque ou on s'enfumait joyeusement dans les arrières salles de bistros entre camarades, en refaisant le monde? La pipe, comme image subliminale d'un temps révolu, celui des R16 et des pattes d'éph. en velours côtelé.