Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

30 août 2005

Bayrou, le Tony Blair français?


J'ai, je le confesse, longtemps sous-estimé François Bayrou. Trop longtemps. Je n'aimais non plus ses manières. Un jour avant une interview en direct à la radio il a voulu me dicter la première question (un sujet de société, je ne sais plus lequel, qui lui tenait à coeur et sur lequel il voulait prendre date.) Comme je m'obstinais à respecter mon plan initial, il m'a fait le coup (horripilant) du: "je vais répondre à votre question mais je voudrais d'abord dire quelque chose..." Bon, ça faisait un peu trop ancienne école pour mordre au portrait du gentil Bayrou qui va moderniser la politique.
Et bien j'avais tort d'en rester aux sarcasmes répandus sur son compte (voir les guignols de l'info, grâce auxquels nous devons au moins sept des dix ans de règne Chirac et ce n'est pas fini...).
Voilà, je viens de suivre sans décrocher le discours de clôture de l'université d'été de l'UDF que LCI et i télé ont eu la bonne idée de retransmettre. (Public Sénat est encore en vacances, sinon elle l'aurait fait aussi.)
Et bien, je n'avais pas entendu un aussi bon discours politique depuis des lustres. C'était dense, inspiré, plein de lucidité et d'idées sur la façon de remettre la valeur travail au coeur. Du social sans incantation ni démagogie et en prime il se paye le luxe de reprendre à son compte l'idée d'une taxe Tobin sociale, la meilleure idée qu'ai jamais pondu ATTAC. La seule d'ailleurs.
Et bien je suis séduit. Voilà. Et je pense que, oui, il n'y a plus aucune, je dis bien aucune différence aujourd'hui entre DSK, Kouchner, Rocard et quelqu'un comme Bayrou. Que les premiers devraient bel et bien laisser Fabius, Emmanuelli et l'hystérique Mélenchon à leur combines et leurs rêves d'alliance avec Bové et Besancenot et créer enfin un vrai parti social démocrate dans ce pays. Quand au second il devrait entrer résolument dans l'opposition, opposition dont il est, pour l'heure, le porte parole le plus inspiré et constructif.

23 août 2005

Misère du sionisme



Comment des hommes et des femmes venus en Israël par idéal sioniste, originaires de France ou des Etats-Unis, peuvent-ils quelques années après s'opposer aux opérations de leur armée, celle dans laquelle ils ont combattu, dans laquelle se font encore tuer leurs enfants, leurs voisins? Jusqu'à jeter des produits chimiques sur ces soldats qui obéissent aux ordres de leur gouvernement légitime et démocratiquement élu, même si ces ordres heurtent parfois leurs convictions personnelles ou religieuses. Comment l'un de ces colons extrémistes (tous ne le sont pas heureusement) peut-il qualifier devant les caméras ces mêmes soldats de "
bâtards"? Pire encore, comment certains d'entre osent-ils s'agrafer une étoile jaune "Jude", comparer les colonies de Gaza aux ghettos juifs d'Europe de l'Est avant la Shoah, laissant entendre que l'armée israélienne et le gouvernement auquel elle obéit se conduisent comme le firent les nazis? Certains colons ne se sont pas contentés de le laisser entendre, ils ont dit de cette évacuation forcée qu'elle était une "deuxième shoah". Blasphème! Insulte à la mémoire des morts et des rescapés qui ont trouvé en Israël une nouvelle patrie d'accueil! Quand à l'idéologie des colons jusqu'au-boutistes dont le seul horizon est la guerre et la négation de l'humanité des Palestiniens, il s'agit bien d'une forme de fascisme. Ce fascisme juif, déjà responsable de l'assassinat de Rabin, est tout simplement en train d'entrer en guerre contre l'Etat d'Israël.

19 août 2005

Marianne, l'argent public et moi.

Il fallait bien que cela arrive et que Marianne s'intéresse enfin à la dépense publique. Vous trouverez donc en kiosque, dans le numéro de demain samedi, le dossier réalisé par votre serviteur sur cette brulante question qui m'a valu tant d'ennuis à la télévision. Là encore je persiste. Avec, pour les lecteurs de ce blog, l'exclusivité du passage coupé au "marbre". En effet Marianne et moi avons quelques divergences sur la question des effectifs de la fonction publique. Il est effectivement apparu que les deux premiers feuillets de ce dossier auraient risqué de heurter une partie de la rédaction. Soyons clair, je me suis plié de bonne grâce à ce compromis. Il ne s'agit nullement de censure. Je respecte les points de vue de Marianne, que j'aime bien, étant un des derniers journaux d'idées de la presse française.
Mais pour plus de clarté, j'ai pensé qu'il n'était pas inutile de vous proposer la version "complète", plus exactement ces deux premiers feuillets. Le reste de l'article n'a pas été modifié.

Réduire de 10%(au moins) le nombre de fonctionnaires.

Combien y a-t-il de fonctionnaires en France ? Pendant longtemps, personne n’était en mesure de répondre exactement à la question. Complexité des définitions, juridiques ou économiques, des statuts des personnels (titulaires, contractuels, temps partiels, en détachements, maladie etc..), opacité des admnistrations qui ne savent pas (ou ne veulent pas) évaluer le nombre d’agents à leur service. On devine bien la finalité de cette obstruction systématique à tout demande de transparence : Echappant au contrôle public, en particulier à celui de élus, les effectifs de la fonction publique ont gonflé sans tenir compte du rythme de croissance de l’économie (voir ci-dessus), et sans amélioration notable de la qualité du service rendu.
Pour que les choses commencent à changer, il était donc impératif de compter d’abord les fonctionnaires. Ce qui commence à peine à être fait. Ainsi, selon l’Observatoire de l’Emploi Public, il y avait 5, 7 millions de fonctionnaires en France fin 2001, hors TOM et étranger pour lesquels il est impossible d’avoir le moindre chiffre ! Un salarié sur quatre. Ce chiffre correspond aux «
emplois rémunérés par les prélévements obligatoires et dont la fonction est de fournir des services non marchands ou d’effectuer des opérations de redistribution de revenus. » C’est la définition économique la plus signifiante qui englobe les trois fonctions publiques : d’Etat, hospitalière et locale ainsi que les caisses de Sécurité sociale. Si l’on veut tenir compte des agents d’entreprises publiques jouissant du même statut ( et parfois même meilleur), il convient d’ ajouter 360 000 emplois, dont 340 000 pour la Poste et France Telecom. On arrive alors à un effectif légérement supérieur à 6 millions.
Le rapport de la Cour des Comptes sur l’éxécution des dépenses publiques 2004 montre un décrochage de la France par rapport aux autres pays de la zone euro : Certes, les dépenses publiques ont –faiblement- baissé par rapport à 2003 :- 0,1%. Mais le rythme est, chez nos partenaires de -0,5% ! Les dépenses de personnels representant près de la moitié du budget de l’Etat, il est illusoire d’envisager une baisse des dépenses sans diminution sensible du nombre des fonctionnaires. Ce d’autant plus que l’Etat est particulièrement généreux : le pouvoir d’achat a tendance a augmenter presque une fois et demi plus vite dans le public que dans le privé. En 15 ans, 60% de l’augmentation du budget de l’Etat a été absorbé par les dépenses de personnel. Autant d’argent qui ne peut être affecté aux investissements de modernisation. Résultat : Un Etat obèse et sous-équipé. Il suffit de regarder le matériel mis à la disposition des élèves dans les écoles.
L’idée d’avoir moins de fonctionnaires, mais de mieux les payer, par exemple en récompensant le mérite (disposition prévue dans le statut de la fonction publique de 1946, pourtant jamais appliquée) ou les efforts de productivité, n’est pas nouvelle. C’était, par exemple, celle de Pierre Beregovoy. Elle aurait le mérite de lier les économies à l’amélioration du service rendu.
Aujourd’hui, Pierre Méhaignerie, le très actif président de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, constate que la France est un pays « sur-administré et sous-organisé. »
Comment s’y prendre ? Tout simplement profiter de l’ occasion historique fournie par les importants départs en retraite des fonctionnaires nés dans l’immédiat après-guerre. Pour ne parler que des fonctionnaires d’Etat il seront 75000 à partir en 2005. En 2016, la moitié des fonctionnaires présents en 2003 seront retraités. Le projet de budget 2006 prévoyait un peu plus de 7000 suppressions de postes, soit moins de 10%. George Tron, rapporteur du budget de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, estimait au printemps dernier dans un rapport special que, «
face à la situation actuelle de crise des finances publiques il est devenu impérieux de faire mieux avec moins de fonctionnaires et qui soient plus associés à la mise en œuvre des politiques publiques, mieux rémunérés et plus motivés.” Or, depuis le changement de gouvernement on évoque un chiffre plus proche de 5000 postes supprimés, soit moins de 7% des départs en retraite. En Allemagne, par exemple, le programme de réduction entrepris en 1989 a consisté à ne pas renouveler les deux tiers des départs. Encore faudrait-il se doter d’un outil de gestion previsionnel des outils et des compétences qui peine à se mettre en place. En faisant aussi bien, la France pourrait attendre en 10 ans l’objectif d’une baisse de 10% des effectifs, soit une économie d’au moins 15 Mds d’€.

17 août 2005

Le retour du vacancier impénitent

J'ai beaucoup de retard à rattraper après cette (trop) longue interruption due à l'absence d'ADSL sur mon lieu de vacances. Je me fais épingler parce que je serais parti trop longtemps. En Corse, pour moi, le temps n'est jamais trop long et je quitte toujours cette île le coeur gros.
Par ailleurs, si le blog est une passion, il ne faudrait pas qu'il devienne une addiction!
Quoi de neuf?

-Proche-Orient Info lance une souscription en vue de reprendre (éventuellement) son activité. Si vous êtes intéressés, cliquez ici.

-Vu, hier, la conférence de presse de Villepin et de quelques-uns de ses ministres. Depuis qu'il a été nommé, Villepin surprend et commence même à inquiéter certains sarkozystes. Ils me l'ont confié. A défaut d'avoir une politique, M. Gallouzeau a au moins un style qui donne un coup de jeune à la communication entre le gouvernement et les Français. Villepin, qui a commencé sa carrière de diplomate au service de presse de l'ambassade de France à Washington, met en application les recettes américaines. Une conférence de presse par mois ce n'est pas encore aussi bien que Bush qui rencontre les journalistes au moins une fois par semaine mais c'est beaucoup mieux que Chirac (14 juillet et 31 décembre et encore jamais de questions génantes). Je me demande la leçon qu'en tireront mes amis et confrères triés sur le volet pour les scéances de faire-valoir élyséennes.

-Cette "une" du Daily Telegraph, lu pendant mes vacances. On y voyait un des terroristes du 7 juillet en costume de "college boy" et cette manchette:
GRATITUDE
Nous avons accueilli leurs parents, offert la citoyenneté aux enfants, nous les avons nourris, éduqués dans nos écoles et ils nous remercient en faisant exploser des bombes!
Dur non? Et avec ça, le Daily Telegraph, ce n'est pas le Sun. Les Anglais, apôtres de la tolérance et du libéralisme, sont obligés de poser la question de la place de l'islam dans leur société. Chez nous ce débat est toujours interdit, politiquement correct oblige. Jusqu'à quand?
Encore une fois, en tout cas, le profil des terroristes kamikazes (jeunes sans histoire issus de la classe moyenne) prouve aux plus récalcitrants que ce n'est pas l'injustice sociale ou la pauvreté, encore moins le désespoir qui crée le terrorisme. C'est l'idéologie totalitaire qui se cache derrière les "islamistes". Elle instrumente la religion à son profit mais les musulmans paisibles (l'écrasante majorité heureusement) ne s'en désolidarisent pas assez nettement. En Angleterre, il n'auront bientôt plus le choix. Blair leur demande de coopérer avec leur gouvernement dans la traque aux djihadistes. Ils devront choisir entre la "oumma" et l'union jack.

-Je connaissais le journaliste, j'ai découvert un grand écrivain, ce qui n'est pas si fréquent. Korsakov, d'Eric Fotorino (Gallimard) est un grand roman. On songe à Julien Gracq, parfois à Albert Cohen. Rien que ça? Rien que ça.
En attendant le dernier Houellebecq, "La possibilité d'une île", annoncé par Fayard pour la fin du mois.

16 août 2005

Dépasser Gaza

Je rentre de mes vacances corses le jour même ou commence le désengagement israélien de Gaza et de quelques colonies isolées de Cisjordanie.
Quelques observations s'imposent à ce sujet:
Tout d'abord, il faut espérer que cette démonstration de courage politique aidera les dénonciateurs maniaques d'Israël à remettre quelque peu en cause leurs jugements diffamatoires d' Ariel Sharon. Voilà un homme qu'ils décrivaient comme une brute sanguinaire, un nationaliste inflexible qui, au nom des intérêts supérieurs de son pays ou à l'idée qu'il s'en fait, n'hésite pas à prendre de front la frange messianique, national-religieuse, pionnière du sionisme, à utiliser contre elle la force s'il le faut pour faire exécuter sa décision souveraine. Avouez qu'il y a la matière à revoir quelques portraits expéditifs, pour ne pas dire des caricatures inlassablement servies, au détriment de la vérité pendant des années. A cette égard la visite qu'il a effectuée le mois dernier à Paris est un tournant, compte tenu du rôle néfaste joué pendant trop longtemps par la diplomatie française.
En second lieu, ne nous y trompons pas, ce retrait ne signifie nullement la paix. Il est au contraire, comme le fut jadis le processus d'Oslo, lourd de nouvelles menaces de guerre entre israéliens et palestiniens. Pour les déjouer les ennemis devront passer avec succès un double test:
-Pour les Israéliens éviter, d'abord, la tentation, bien perceptible chez Sharon, d'en rester là. Après le retrait de Gaza le déséquilibre démographique entre Juifs et Arabes ne sera plus aussi mauvais qu'annoncé et permettra même d'envisager le maintien d' une majorité juive dans l'espace compris entre la Méditerranée et le Jourdain. Mais il serait absurde de se leurrer: le maintien de l'occupation conduirait à de nouvelles déceptions et frustrations chez les Palestiniens, lesquelles auront vite fait de balayer les modérés de l'Autorité palestinienne et, comme cela fut le cas après les désillusions d'Oslo, de porter une nouvelle avant-garde palestinienne qui voudra lancer un troisième soulèvement contre l'occupation, avec peut-être encore plus de détermination qu'elle n'en a montré jusqu'ici.
-Les Palestiniens, quand à eux, devront absolument faire la preuve que leur volonté de bâtir une nation est réelle, qu'elle peut se satisfaire d'un compromis, et de la capacité de se doter d'un pourvoir central fort et respecté, d'éradiquer la corruption qui est pourtant une donnée cardinale des sociétés politiques arabes. Les israéliens et le monde attendent d'eux une preuve que leur cause ne sert pas seulement depuis des décennies de simple alibi aux partisans de la disparition d'Israël.
Gaza peut devenir soit l'embryon de ce nouvel Etat, soit un émirat islamiste et terroriste. Dans cette dernière hypothèse la cause palestinienne et l'énorme potentiel de sympathie dont elle jouit encore dans le monde ne s'en relèverait pas. Mais Israël quand à lui, n'aurait rien à y gagner et serait condamné à une guerre permanente avec un ennemi qui ne pourrait l'emporter mais dont il ne pourrait jamais se débarrasser. Il serait donc judicieux de la part de Sharon d'accepter que les Palestiniens se renforcent militairement. Le risque n'est pas si élevé que cela, même si cette force peut être utilisée un jour contre Israël. A charge pour les Palestiniens de faire la preuve qu'il peuvent résolument affronter leurs propres extrémistes, comme le font en ce moment l'armée et la police israéliennes, en acceptant d'en payer le prix douloureux.
De même, le discours israélien consistant à refuser aux palestiniens ce qu'ils estiment être une victoire me semble contreproductif...et avant tout une contre-vérité. De quoi d'autre peut-il s'agir alors que le Likoud avait toujours juré qu'il ne céderait pas un pouce de colonie à Gaza? Toutefois, il vaut mieux que ce soit la victoire d'Abbas que celle du Hamas...
On peut mesurer la difficulté de la tâche restant à accomplir, au vu des difficultés que représentent l'évacuation de seulement deux à trois mille colons irréductibles, quand il seraient plusieurs dizaines voire centaines de milliers en Cisjordanie! Sans compter que si l'élimination de toute présence juive peut encore se concevoir à Gaza, elle serait extrêmement choquante dans des lieux aussi marqués par l'histoire juive que Hébron ou même Naplouse où se trouvent, faut-il le rappeler, les tombeaux des prophètes les plus importants de la tradition hébraïque. Il faudra qu'un présence internationale se porte garante du libre accès des Juifs à ces lieux saints, et de leur garde. Israël, souvent mis au banc des nations, a, là encore, montré l'exemple, en accordant à une très importante minorité arabe (20%) de très larges droits politiques, même s'ils demandent à être améliorés. N'est-ce pas au traitement réservé aux minorités (qui plus est aux minorités conflictuelles) que l'on doit juger vraiment une démocratie?
Enfin, il faut encore le souligner, ce début de "désoccupation", même mené à son terme, ne constitue en aucun cas à lui seul une assurance de paix. Car Israël est au coeur d'un conflit territorial qui se double d'un conflit de civilisation. Le même que celui qui vient de frapper à Londres.
PS:
Je signale, avec beaucoup de retard, le numéro 58 de la revue internationale et stratégique (de l'IRIS), sous la direction de Pascal Boniface, consacré aux répercussions françaises du conflit Israélo-palestinien, et auquel j'ai modestement contribué.