Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

11 juillet 2005

Reflexions d'avant-vacances

Pas tout à fait les vacances, mais déjà un peu de relâchement sur la régularité des "post".
Samedi, j'ai eu le plaisir d'animer les "rencontres citoyennes" de Venasque (Vaucluse) organisées par Marianne, journal pour lequel je prépare par ailleurs un dossier, une "cover", sur les gaspillages d'argent public. Retour à d'anciennes amours! J'avais oublié à quel point ces sujets s'abordaient comme la face nord de l'Everest. Je suis donc plongé, en ce moment, dans les rapports de la Cour des comptes et j'enquête sur les gisements d'économie les plus significatifs. Vous lirez donc ça, si vous le voulez, en Août dans Marianne, sur la plage ou ailleurs.
Je commence à réfléchir à un projet d'émission s'inspirant de la démarche de feu "Argent Public", mais qui serait plus large, quelque chose d'économique et de politique à la fois qui essaierait d'explorer des pistes pour remettre la France dans le bon sens. J'en discutais avec Bernard Marris, à Venasque justement, un type que j'aime bien et qui m'a tendu une perche. En tout cas le départ de Marc Tessier de France Télévisions est une circonstance favorable. Et pour cause, puisqu' il m'avait viré! Son mandat ne s'est pas caractérisé par une grande exigence en matière de programmes. Les engagements pris par son successeur, Patrick de Carolis, sont encourageants. Surtout, on annonce déjà le retour à ses côtés de Patrice Duhamel qui avait installé et fortement soutenu "Argent Public". Alors...
A part ça, Venasque, où il était question de la pertinence du clivage Droite/Gauche, est un bien bel endroit où l'on se sent déjà en vacances. Je retiens que l'on y a dit énormément de bien de Tony Blair, mais aussi que Philippe Manière, directeur de l'Institut Montaigne, a fait applaudir Margaret Thatcher! Nicolas Baverez, très brillant, a noté que l'échec de la France devant le CIO semblait avoir davantage marqué les esprits que la victoire du non au réferendum. Tout le monde semblait d'accord pour dire que nous allions devoir perdre deux ans, faute d'une démission de Chirac. Marc Ferro a, lui, dressé la (longue) liste des occasions où la gauche au pouvoir avait déçu ses électeurs. En tête, la décolonisation et la promotion sociale des immigrés, sujets sur lesquels la droite a davantage osé. Reste les congés payés, la retraite à 60 ans et les 35 heures. La gauche contre le travail. N'oublions pas, quand même, l'abolition de la peine de mort.
Je m'aperçois que je n'ai pas dit un mot des attentats de Londres. Est-ce parce que je savais, nous savions qu'une telle horreur était inéluctable? Cette retenue, c'est au fond un bon signe, car elle montre que nous avons peut-être intégré la menace et, qu'à l'image des Anglais dont le sang froid est le même que celui de leurs aînés du "blitzkrieg", nous refusons de changer en quoi-que ce soit nos habitudes. Ces attentats ont instantanément gommé le ressentiment français envers les vainqueurs de Singapour. A part, malheureusement, celui de Delanoë, indécent sur ce coup là (voir plus bas).
Je retiens surtout, les propos du maire de Londres Ken Livingstone, personnage pourtant assez souvent "border line". Son discours sur la supériorité de la liberté sur le fanatisme que les londoniens de toutes origines fuient était un petit chef d'oeuvre. Davantage encore que les accents, il est vrai churchilliens, de Blair. J'attendais cela depuis le 11 septembre 2001. Le vent qui vient de Londres est décidément réconfortant. Peut-être son élection par le CIO n'est pas, au fond, si imméritée que cela.

JO: Les raisons d'un échec

Je me sens libre à présent de dire, comme je l'ai fait à Venasque, que la politisation,dont j'ai été le témoin, des moindres décisions de cette candidature est une des raisons de son échec. Il a manqué, dans cette aventure, du professionnalisme et du réalisme. Car comment interpréter autrement les réactions sur le mode "
on ne comprend pas". Si "on ne comprend pas", c'est qu'on n'a pas voulu comprendre les règles du jeu. A savoir, que celles qu'édictaient le CIO n'étaient pas à prendre " at face value", qu'elles n'étaient peut-être pas à observer à la lettre. Qu'on ne feigne pas de découvrir maintenant la corruption et l'hypocrisie. Et si cela révulse, on n'était pas obligé de se présenter. Evidément avec un CIO à la botte de Chirac, ou élu par les français, cela aurait été plus facile. Comment ne pas y voir un ènième rejet de la mondialisation par les élites françaises?
Bien sûr, Daniel Schneidermann a raison de dire que les journalistes français se laissent intoxiquer comme des bleus et manquent de sens critique dès qu'il s'agit de montrer leur patriotisme. Mais que n'a-t-il écrit lui-même cette chronique avant le 6 juillet!
Plus grave, le manque d'esprit critique des journalistes confortait celui des équipes de la candidature qui faisaient souvent assaut de remarques acerbes à la pause café mais n'osaient pas l'ouvrir en réunion, là où leur scepticisme aurait pu être rapporté en haut- lieu et nuire à leur carrière. Pourtant, qui sait, s'ils l'avaient davantage ouvert, sur le film de Besson par exemple, on n'en serait peut-être pas là. Cela ne marche-t-il pas souvent comme ça en France?

Je vais devoir interrompre ces notes pendant quelques semaines, ou en tout cas les espacer considérablement. Je vous souhaite donc de bonnes vacances

06 juillet 2005

La France Hors Jeux


La nouvelle vient de tomber et c'est naturellement une grande tristesse pour la France et spécialement pour tous ceux qui ont joué un rôle dans la candidature.
L'anglophobie est une vieille maladie française. Beaucoup y succomberont.
J'avais un mauvais préssentiment depuis quelques heures.
Pourtant, il est clair que l'on peut mesurer les tares françaises à la tonalité des premières réactions: les Anglais auraient trahi l'esprit olympique "par un lobbying agressif". Que n'en avons-nous pas fait autant! Mais voilà, chez nous ce mot "lobbying" a une conotation péjorative, en déclage avec le fonctionement des relations internationales.
Il faut, je crois, regarder du côté des explications géopolitiques. Et économiques. car si l'on regarde la situation économique catastrophique de la France, et surtout l'absence de réalisme de ceux qui devraient y remédier, le déphasage de Chirac, le vieil homme de l'Europe, il faut se demander si la France avait réellement les moyens de s'offrir, d'offrir au monde des JO. Nous sommes à tous les sens du terme une nation hors-jeu(x).

05 juillet 2005

L'Humour gras de Chirac, le finish anglais

Il a fallu que je tombe sur Cette dépêche pour comprendre le sens de l'accueil à Singapour de Jacques Chirac par les journalistes anglais au cri de: "Do you like roastbeef?"
Aucun media français n'avait auparavant songé à m'informer de la colère de la presse anglaise, pas seulement tabloïd, contre Chirac, qui, lui, parle comme l'aurait fait un journaliste du "Sun" éméché.
Je ne sais pas combien Chirac avait bu de Corona avant de faire cette fine sortie sur la cuisine anglaise, mais il a sans doute manqué une occasion de se taire, alors que l'équipe de Paris 2012 déploie depuis deux ans des efforts permanents sur elle-même pour éviter toute démonstration d'arrogance. Espérons que cette maladresse indigne ne coûte pas à Paris la victoire dans cette lutte plus indécise que prévue.
Londres a, en effet, réussi un superbe finish, très habile, très pro dans le lobbying. Ajoutez à cela le fair play de Tony Blair s'exprimant en français (langue olympique comme l'anglais) et vous aurez à nouveau la preuve que le principal obstacle au redressement français s'appelle bien Jacques Chirac. Cette plaisanterie, en effet xénophobe, est du même ordre que sa fameuse saillie sur les "odeurs" des immigrés. Les beaux esprits qui, à l'époque, s'étaient montrés impitoyables, se sont montrés bien sourd cette fois-ci. Peut-on être tranquillement anglophobe, même si l'on est Président?
Après le 29 mai et la victoire du Non j'avais pronostiqué, ici même, une réaction anglophobe du couple Chirac-Villepin, mais je ne m'attendais pas à être entendu aussi vite et aussi fort...

04 juillet 2005

Deuil d'un journal indépendant



Le journal Proche-orient.Info, auquel j'ai si souvent collaboré depuis deux ans, ferme. De nombreux lecteurs de ce blog l'ont découvert grâce à ce (bref) compagnonnage. Je ne cacherai ni ma tristesse ni mon inquiétude.
POI, c'est (c'était?) un journal en ligne, une chose encore assez unique il y a 48 heures. Pas seulement un site, mais une équipe de journaliste mettant son talent à disposition sur le web. C'est à dire, pas de propagande, de rumeurs, de professions de foi militantes, seulement de l'information, des éditoriaux, des analyses, une réputation déjà excellentes due à quelques scoop comme récemment les déclarations antisémites de Dieudonné en Algérie.
POI n'était pas un organe "communautaire", il n'y a qu'à voir pour s'en convaincre ses exécrables relations avec les représentants officiels de la communauté juive qui pourtant adorait lire ses articles. Les pamphlets contre Elisabeth Schemla, la directrice de POI, précisément sur les sites internet communautaires. Englués dans leurs raisonnements binaires, il aura fallu du temps à tout ces gens pour comprendre cela, si toutefois ils l'ont compris.
Bien sûr les ennemis conscient ou inconscients de la ligne rédactionelle intransigeante et courageuse de POI avaient compris l'intérêt que pouvait avoir l'utilisation de cette épithète infamante: "communautaire". Celle que l'on utilise aujourd'hui pour discréditer un adversaire face auquel on est légèrement à court d'argument.
En réalité, POI était tout simplement un media indépendant, donc fragile. Ses actionnaires ne pouvaient éternellement le soutenir à bout de bras. Or, les lecteurs, eux, n'ont pas compris que pour vivre n'importe quel journal, même sur internet, a besoin du soutien financier de ses lecteurs. N'en déplaise à Bové, l'information
est une marchandise. C'est un bien précieux. Son prix, c'est sa valeur.
Il faut dire que la télévision et la radio, les blogs, fournissent de l'information gratuitement et que la presse gratuite se développe si vite qu'elle met en danger de mort de nombreux titres. Certains sont même déjà morts mais ne le savent pas encore.
Cela rend assez pessimiste sur l'avenir du journalisme. Il pèse sur lui de très nombreuses menaces, dont la moindre n'est pas la nouvelle vague de concentration, incarnée par l'offensive de Dassault à l'Express ou au Figaro. Et quand ce ne sont pas des "marchands de canons", ce sont des vendeurs de "temps de cerveau humain".
Méfions nous de devoir nous lever un matin sans information crédible et réellement indépendante. Les lieux qui correspondent à ces critères, sont déjà des îlots. Ce jour-là me paraît malheureusement assez proche.