Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

26 février 2006

Un magazine sur le nimportnawak

Il fallait y penser: La pub devait forcément s'intéresser un jour ou l'autre aux "bétises", blagues oiseuses et autres jeux idiots que nos boîtes mail recoivent (et envoient) chaque jour. L'ère du vide...
Time lance un site pour les hommes qui s'ennuient au bureau -

La gauche sectatrice de la manif

Je respecte beaucoup les manifestants de cet après midi, mais j'éprouve encore des sentiments mélangés à l'égard de ce rituel. Je conviens qu'il vaut mieux une réaction à pas de réaction du tout. Mais j'ai peur qu'elle permette encore et surtout à la classe politique de se donner bonne conscience, comme après le 21 avril et de repousser encore la réflexion de fond sur l'antisémitisme, l'islamisation des banlieues.
Je ressens plusieurs malaises:
Pourquoi De Villiers a-t-il été expulsé du carré de tête? Quel "racisme" imaginaire peut-on lui reprocher? Il y avait davantage sa place qu' Aounit, anti-raciste professionel, qui accusait Jean Paul Huchon d'être "aux mains du lobby juif", parce qu'il ne voulait pas lui donner une vice présidence du conseil régional d'île de France.
Il me semble que De Villiers est plus lucide sur cette question de l'islamisation que, disons Jospin, qui avait empêché ses ministres de défiler en 2002 et qui cette fois n'a pas pu s'empêcher de dire qu'il manifestait contre "l'antisémitisme
et tous les racismes", histoire de bien montrer son équanimité. C'est une façon de plus de gommer la spécificité de cette judéophobie des banlieues, des zones de mixité ou l'on peut se réclamer de n'importe qui, de n'importe quoi, mais où il vaut mieux cacher qu'on est Juif.
Malaise aussi devant les exactions de quelques petits nervis (ils ne méritent pas d'être appelés "sionistes", ce n'est nullement une injure) qui ont cherché à profiter de la situation pour ratonner. Il ne faut pas seulement les condamner. Il faut les punir.
Beaucoup trop d'intolérance, de faux semblants.
Sur le "fassaiement" de la presse pour reprendre la jolie expression de Daniel Schneidermann, j'aime bien la contribution (en anglais) de Mélanie Philips, toujours aux aguets et qui montre que la presse britannique de gauche (Guardian, Independant) n'a guère été brillante non plus, soupçonnant les Juifs d'en faire un peu trop, avant de virer de bord soudainement. Au passage, elle évoque aussi un autre meurtre, celui d'un disc jockey juif, commis par un musulman, sur lequel la presse a été fort discrète.
De Villiers a raison. La gauche, je veux dire tous ceux auxquels elle sert de boussole idéologique, porte une lourde responsabilité dans cette situation. Car elle a la prétention de dire le bien et a laissé se développer une curieuse indulgence envers ce phénomène. Je sais qu'il y a des exceptions, nombreuses. Qu'elle décide aujourd'hui qui a le droit et qui n'a pas le droit de manifester est tout simplement insupportable.
PS: Précisons: Je ne suis pas devenu "villiériste" pour autant. J'en ai simplement marre des procès d'intention et des professeurs de bonne conscience à la petite semaine.
Toujours énervé donc...

24 février 2006

Brèves

Pendant son interrogatoire à Abidjan, Youssouf Fofana pour se défendre de tout antisémitisme, aurait affirmé avoir choisi un Juif "parce qu'ils ont de l'argent" mais pas "à cause de sa religion". C'est tout à fait ça le nouvel antisémitisme.

Entendu, au JT de France 2, une jeune fille, apparement juive, filmée devant la synagogue de la Victoire: "La France devrait avoir honte de ce meurtre." C'est elle qui devrait avoir honte.

Je recommande vivement le point de vue de Guillaume Erner, "L'autre stéréotype", dans le Monde de ce soir. Il tranche avec les fadaises de Wieviorka et les foutaises de Benbassa dans le même journal. Ce n'est pas le communautarisme qui est à l'origine de l'antisémitisme, mais malheureusement la haine des Juifs qui encourage leur repli sur eux.

Je suis en désaccord total avec la conclusion du papier de Schneidermann dans Libé. Pour un journaliste la vérification des faits, le scrupule professionnel, et j'ajouterais un peu d'honnêteté intellectuelle appliqués en toute occasion permet d'éviter de "faseyer". Combien de fois sur ce sujet ai-je été soupçonné de passer les informations au travers de mon propre "tamis". Comme s'il y avait une façon, une seule façon "juive" d'aborder la question. Comme si je ne pouvais plus le faire en bon journaliste, en bon citoyen français républicain, qualité que l'on me reconnait sur tous les autres sujets...mais pas sur celui-ci. A force, j'ai pris l'habitude d'être confronté à ce soupçon parfois non-dit, mais il commence à me faire sérieusement ch...

Je suis un peu énervé ce soir. Bon week end.

22 février 2006

Faut-il sanctionner le Hamas?

La question n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. Sanctionner les palestiniens est une chose que beaucoup de gens ont du mal à envisager, puisqu'aujourd'hui Palestinien=victime absolue. Tout serait bien plus simple si la Palestine était un Etat. On peut espérer que si les Palestiniens ne jouissaient pas de conditions de vie décentes, ils en demanderaient compte à leurs gouvernants, et non pas à Israël qui collecte encore les taxes de leurs exportations. Il y a bien longtemps qu'Israël aurait du déterminer ses frontières et laisser les Palestiniens se débrouiller jusqu'à se qu'ils se décident à accepter Israël comme autre chose qu'un fait, ou qu'une maladie qui mettra du temps à guérir.
La question des sanctions économiques est surtout sensible car on sait que les sanctions contre un gouvernement frappent en réalité rarement les responsables mais le peuple. En même temps celui-ci vient de faire usage de son droit d'expression démocratique pour choisir le Hamas. Mais encore faudrait-il qu'il souhaite par là une reprise de la guerre, ou des attentats suicide. Or rien n'est moins sûr. Pas simple donc.
Reste que ce qu'on appelle "la Palestine" est désormais dirigée par un mouvement de type fasciste qui n'a pas renoncé au terrorisme et qui est plus qu'ambigu sur l'acceptation d'Israël. Lundi soir, sur RTL, en peu de temps, j'ai eu bien du mal a faire valoir mon point de vue qui était simplement le suivant: Peut-on reprocher au gouvernement israélien de geler (et non confisquer) des avoirs qui pourraient être utilisés à des fins terroristes contre sa propre population? L'aspect électoraliste ne m'a pas échappé non plus. Mais souhaite-t-on que le likoud exploite une attitude laxiste du fragile héritier de Sharon? On m'a objecté le risque d'affamer les palestiniens, de les provoquer, l'injustice consistant à les priver de "leur argent". Tout celà n'est pas faux. Mais on a quand même fait moins d'histoire quand l'Union Européenne sanctionnait, au demeurant fort légèrement, l'Autriche de Jorg Haider. C'était dans la série "deux poids, deux mesures".

21 février 2006

Les Juifs ont plus d'argent

Une bande de délinquants de banlieue imagine un moyen de se faire beaucoup d'argent facilement, en s'inspirant du fameux scenario de "l'appât". Rien de politique.
Des jeunes filles bien faites, aguicheuses sont chargées de sélectionner des victimes. Le chef de la bande qui aime être appelé le "chef des barbares" recommande de choisir de préférence des Juifs. les Juifs ont plus d'argent.
Plusieurs tentatives d'enlèvement échouent. Tous les otages potentiels ne sont pas juifs. Le jeune Ilan est enlevé. Il l'est. Pendant sa séquestration des clichés sont pris, qui représentent des simulacres d'enlèvement "à l'irakienne". Rien de politique. Seulement un effet d'imitation.
Pendant la détention, un des "geôliers" écrase sa cicatrice sur le front de "l'otage". Rien de personnel. Il n'aime pas les Juifs. Les Juifs ont de l'argent. Pas lui.
La famille d'Ilan, désemparée, est incapable de réunir la somme astronomique demandée. Les ravisseurs n'en n'ont rien à faire : "Allez dans les synagogues!" Au passage l'un d'eux prononce un verset du Coran. Les Juifs ont de l'argent et sont solidaires.
Pendant les 21 jours de détention, "l'otage" est trimbalé à plusieurs reprises. On imagine dans quel état. Il est vraissemblable que de nombreux habitants de la cité de Bagneux ont été témoins de ces "transferts". Ils n'ont rien dit. Les Juifs ce n'est pas leur affaire. Les Juifs ont de l'argent. Pas eux.
Tous ces faits sont extraits des articles de presse, issus d'indiscrédtions, de fuites. Plus personne, en France, ne respecte le secret de l'instruction. Quand elle sera terminée, tous ne seront peut-être avérés. N'oublions pas qu'il s'agit de "présomptions".
Je ne sais pas ce qui restera de tout celà lorsque viendra le procès. Je sais seulement, pour avoir travaillé sur ce sujet pendant longtemps, qu'il me semblait malheureusement inévitable qu'un jour ou l'autre le poison de la haine antisémite fort répandu dans ces banlieues ne fasse un jour une victime. Même si l'antisémitisme n'est ici qu'une motivation secondaire, elle semble bien présente.
Reste les questions:
Affaire d'antisémitisme ou de violence barbare et ignorante? Est-ce contradictoire?
Pourquoi, comme le révèle Proche-Orient info, le premier ministre a-t-il tenté de garder le secret sur ces présomptions d'antisémitisme? L'apaisement, toujours l'apaisement? Il avait la procédure pénale de son côté. Le garde des sceaux a-t-il bien fait de dévoiler les soupçons des magistrats instructeurs?
La fuite était-elle déjà organisée ailleurs et fort opportunément le jour du dîner du Crif?
Pourquoi autant de gens ont-ils tant de mal à concevoir que l'antisémitisme ne soit pas forcément une motivation politique mais puisse faire bon ménage avec une entreprise criminelle?
Pourquoi admet-on facilement qu'on puisse être assassiné parce qu'Arabe ou Noir mais pas parce que Juif?
Pourquoi ne dit-on nulle part que la mère d'Ilan est employée du Crif? Pourquoi cette pudeur? On comprend la volonté de discrétion. Mais ce fait explique pourtant la présence, à première vue déplacée, de ses representants aux obsèques du jeune homme, alors qu'il ne s'agissait, alors, que d'un crime purement crapuleux?

16 février 2006

Nous avons besoin de victoires


Cette "abracadabrantesque" affaire du Clemenceau me rappelle la façon dont nous avons perdu les JO de 2012.
Dans les deux cas ces défaites humiliantes illustrent quelques travers français, en particulier le fonctionnement exagérément pyramidal et monarchique de l'administration et de l'Etat. En France, beaucoup d'entreprises ont épousé ces tares de fonctionnement en raison des liens incestueux entre monde des affaires et de la politique, et de l'imbrication étroite entre les réseaux de hauts fonctionnaires et de dirigeants d'entreprises qui ont souvent fait les mêmes écoles (Sciences-po, l'Ena, parfois l'X).
Comme je l'ai constaté lors de ma brève collaboration avec "Paris 2012", comme consultant, les réunions de travail sont purement formelles. Aucune idée originale ou à contre-courant n'y est formulée par les responsables opérationnels parce que l'originalité est perçue comme une menace par et pour les "chefs". Résultat: ces séances de travail collectif sont le plus souvent l'occasion de rivalités de conformisme bon teint. Quand on a quelque chose à dire, qui risque d'aller contre le consensus, il vaut mieux se taire et le dire à la machine à café ou au restaurant, lors du déjeuner. On découvre alors que la "piétaille" a, plus souvent qu'on ne le croit, conscience que les "décisionnaires" coupés du terrain, vont dans le mur, que leurs choix ne sont pas les bons, mais que personne n'ose l'ouvrir de peur de compromettre sa progression de carrière. Les "juniors", les personnalités extérieures sont considérées comme n'ayant pas voie au chapitre. Quand à ceux qui ont gagné quelques galons, ils prennent le moins de risques possible.
Dans le cas de "Paris 2012", le pouvoir était beaucoup trop concentré entre les mains du maire de Paris qui a forcément privilégié une gestion politique et "d"honneur" dans ce dossier. Toute initiative, même la plus insignifiante devait systématiquement remonter à lui ou à ses conseillers. A Londres, Ken Livingstone a su déléguer sans disparaître et quand il a fallu changer de cap cela a été fait rapidement, en confiant le pilotage à Sebastian Coe, ancien athlète ayant parfaitement réussi sa reconversion dans la politique. Lors des présentations devant le CIO, c'est lui et non le maire qui défendait la candidature de Londres. A Paris tout était fait pour que brille l'étoile de Delanoë et que personne ne lui fasse de l'ombre.
J'en viens au Clemenceau. Comme pour la candidature aux JO, nous avons fait preuve d'un excès de révérence monarchique. Protéger le sommet (le ministre, le Président), lui plaire, devient pour les conseillers, les experts et les consultants une obsession plus importante que la solidité de l'argument. En bon monarque, l'élu n'aime pas être contrarié. Il est en général conforté dans ses préjugés par ses courtisans qui ne veulent surtout pas le contrarier. Ainsi nous avons dans ces situations une grande propension à nous raconter des histoires. Ce qui peut aussi, bien souvent être interprété comme de l'arrogance, même si, par ailleurs, on prêche la modestie: Ainsi, n'avions nous pas "le meilleur dossier technique"? N'étions nous pas les plus "éthiques"? Ne défendions nous pas( au contraire des Anglais) la paix universelle, comme l'avait montré notre position lors de la guerre en Irak? Vérités révélées, dont on exagère l'importance, répétées comme des évidences par des équipes, mais dont les membres, individuellement, savaient bien qu'elles relevaient de la méthode Coué. Ici, avec le Clemenceau, comme nous l'a dit hier Michèle Alliot Marie, nous avions l'intention de créer une "filière de désamiantage en partenariat avec une grande puissance industrielle, l'Inde." Tout cela, bien sûr, dans "le respect absolu de la santé des hommes et de l'environnement." Alors que la gauche, elle, "n'avait rien fait pendant 5 ans" et que d'autres pays, à notre place se seraient contentés d'envoyer leur tas de ferraille et d'amiante par le fond, de préférence au large de l'Afrique. Enfin, nous avons été "transparents"...tout en ayant recours à une société écran de droit panaméen... Bref, pour un peu, si c'était à refaire, on ne changerait rien. Et, comme nous l'a dit hier MAM, en pleine débâcle, elle continue de penser que c'était la meilleure décision...
Mais s'est-on assez demandé si telle était, dans le public, la perception de nos louables intentions? Les conseillers juridiques se sont-ils suffisamment interrogés sur les éventuelles failles que pourraient exploiter des associations comme Greenpeace, qui semblent avoir un éternel compte à régler avec la France? Car si le fonctionnement de l'administration (les courbettes des fonctionnaires) n'ont pas changé depuis l'ancien régime, nous vivons quand même- d'autres le savent- dans un Etat de droit (le conseil d'Etat l'a rappelé), avec des réglements internationaux qui finissent par s'appliquer à tous, pour peu qu'en face, ceux qui se plaisent à nous humilier, fassent preuve d'un minimum d'obstination et de savoir faire.
Tout cela porte un nom: amateurisme. Il conduit à la catastrophe. Et lorsque celle-ci arrive immanquablement, les plus responsables (le sommet), ne pensent qu'à se dédouaner en accablant les échelons inférieurs. Ainsi, Chirac est-il, dit-on, furieux contre MAM, laquelle ne manquera pas de faire tomber quelques têtes de lampistes, etc...
La leçon de tout cela, ou au moins l'une des leçons c'est que nous passons trop de temps à contempler notre gloire passée ou présente en évitant le plus possible de regarder le monde tel qu'il est, avec ses chausses-trappes. Nous avons les meilleurs ingénieurs paraît-il, avec les meilleurs intentions du monde, mais les batailles se gagnent davantage aujourd'hui avec de fins juristes et des "spin doctors"chevronnés. Soyons donc un peu moins auto satisfaits et politiquement corrects. Un peu plus iconoclastes et courageux.

PS: Le maire (socialiste) de Brest vient de dire qu'il ne voulait pas que le "Clem" pourisse dans sa rade. Misère!

12 février 2006

Je tombe de haut


Revenant de ma montagne, je tombe de haut. Je savais que le groupe Carrefour avait décidé de retirer de ses rayons les produits danois dans les pays musulmans. Mais jusqu'à ce point...Je n'aime pas l'idée du boycott, mais je crois que je m'abstiendrai, désormais de faire mes courses chez Carrefour.
Cette photo a été publiée sur le site de Proche-Orient Info comme les caricatures arabes sur l'holocauste. Charlie Hebdo a raison de vouloir faire de même. Elles en disent beaucoup plus long, hélas, que tous les livres sur le "nouvel antisémitisme"!

05 février 2006

La société avant la politique

"Voltaire répétant Mahomet avec Lekain en costume de voyage."
Gravure d'après gouache par Fesch et Whirsker

La victoire du Hamas en Palestine et l'effrayant engrenage provoqué par quelques dessins de presse soulignent que l'évolution des sociétés musulmanes vers l'islamisme est plus rapide que leur évolution politique vers la démocratie qui ne peut se résumer aux seules élections libres. Quand la démocratie pointe son nez, l'Islam ne se dissout pas, il l'avale.
Et on peut bien prendre cette affaire des caricatures dans tous les sens, comme je le fais depuis plusieurs jours, remuant ma plume (ou plutôt mes doigts) dans tous les sens avant de commencer à écrire, elle se résume à ceci:
Les musulmans encaissent moins bien la satire que les non musulmans. Les caricatures, la presse arabe en est remplie. Elles sont parfois d'une violence antisémite sans commune mesure avec l'offense dont il s'agit ici. La satire, ce n'est ni l'information, ni l'analyse, mais depuis Voltaire nous l'estimons indispensable. Parenthèse: Berlusconi cherche à la discréditer en Italie mais c'est lui qui se cassera les dents.
Ces dessins (de médiocre facture et peut-être portées par des arrières pensées douteuses) sont ressentis par la majorité des musulmans comme une charge les assimilant tous, à commencer par leur prophète, à des terroristes. Pourtant, elle ne sont qu'une critique satirique d'une évolution inquiétante des sociétés musulmanes au sein desquelles se recrutent le plus souvent les "Shahids". Mis à part ce courageux (inconscient) journaliste jordanien, qui a depuis été viré, y- a-t-il donc si peu d'esprits libres dans le monde arabe pour trouver que cette dénonciation peut avoir du bon? Sont-ils déjà à ce point terrorisés? Cette situation est malheureusement révélatrice d'un conflit de civilisation entre l'Islam et le monde occidental. Ce conflit nous ne le voulons pas, mais il s'impose à nous. Il faut le regarder en face et cesser notre attitude d'évitement quelque peu décadente. A Bagdad, à Karachi ou à Gaza, aujourd'hui, Voltaire serait pendu.
Soyons clair: les religieux catholiques ou juifs peuvent eux aussi se montrer assez tatillons face à la satire religieuse. D'où, d'ailleurs, cette belle solidarité des religions du livre dans cette affaire. Mais on n'a jamais vu des juifs ou des chrétiens réagir au blasphème (car il s'agit bien de cela) en brûlant des drapeaux, en incendiant des ambassades, en menaçant de mort des innocents au nom de leur nationalité ou de leur religion, et même-ce n'est pas à mettre sur le même plan- en lançant des campagnes de boycott? Peut-être est-ce parce que mieux, beaucoup mieux que les musulmans, ils admettent la séparation entre Dieu et César.
Je dis tout de suite que l'argument très répandu dans le monde arabe, et chez certains imams européens, du "deux poids, deux mesures" est totalement scandaleux: "Le principe de la liberté de pensée est bien sélectif lorsqu'il punit la remise en cause de l'existence de la Shoah et permet les injures contre le prophète Mahomet." Toujours cette fâcheuse obsession de la Shoah! D'un côté un fait historique incontestable, de l'autre une opinion sur une religion qui ne saurait se penser au dessus des critiques. Or peut--on nier que, à la différence de Jesus-Christ, Mahomet fut un conquérant, un chef de guerre? Peut-on faire comme si des terroristes ne se faisaient pas sauter au nom de leur prophète? Et qui a dit:
Ceux qui affirment que Mahomet était pacifiste sont des incultes. Il a usé de la violence et l'a prêchée", sinon l'assassin de Théo Van Gogh?
Les musulmans, les arabes qui se battent contre l'islamisme doivent être soutenus et aidés, préservés de la tentation de l'amalgame. Mais la réaction de l'immense majorité d'entre eux est très inquiétante. J'ai entendu un intellectuel laïque, en tout cas réputé tel, Tahar Ben Jelloun, dire que les journaux qui avaient publié les dessins incriminés devaient "
reconnaître leur erreur." Des voix "modérées" s'élèvent pour demander que "France Soir" soit "puni". Que faut-il? Que son rédacteur en chef soit fouetté en public? Ou bien tout simplement ne va-t-on pas, bientôt avoir droit à un débat sur la nécessité d'une loi punissant le blasphème? Ce débat a eu lieu aux Pays-Bas après l'assassinat de Van Gogh, au nom du "respect". L'affaire de la colonisation montre que les esprits sont mûrs. On reçoit les "outragés" à l'Elysée. On crée une commission et on bricole un texte "d'apaisement". Apaiser, toujours apaiser. Se dissimuler la tragédie ou la simple réalité du monde. Déjà, comme lors de l'affaire Rushdie, on nous explique qu'il ne faut pas réveiller la bête, alors qu'elle rugit déjà un peu partout. A Gaza, les millions d'Euros de subsides de l'union européenne aux palestiniens n'ont pas retenu la violence contre la représentation de l'union, et le centre culturel français. L'ambassade de France à Alger s'est déshonorée en affirmant que "ces caricatures sont choquantes."
Si nous ne sommes pas en guerre contre le monde musulman nous sommes avec lui dans ce que Frédéric Gros appellerait "
un état de violence."( "Etats de Violence, essai sur la fin de la guerre"-Gallimard). Des erreurs ont été commises dans le passé et les fondamentalistes ont été malheureusement aidés par les démocraties contre les nationalistes et les marxistes. Mais aujourd'hui ce sont les islamistes qui prennent le pouvoir sans aide de personne. Leurs adversaires, incapables de se décrotter de leur manie de la corruption, ont avoué leur défaite mettant un soin particulier à éviter de les "provoquer". Leur ascension est désormais irrésistible. L'Iran a l'intention de se doter de missiles nucléaires à portée de l'Europe. Il est urgent d'ouvrir les yeux et de réagir en assumant les risques d'un affrontement au nom des valeurs républicaines, laïques et même démocratiques.