Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

22 juin 2009

Ce que nous enseigne le printemps de Téhéran

Depuis le début des évènements de nombreux journalistes ne savent pas comment réagir face au phénomène Twitter. Cela peut se comprendre car la profession dans son ensemble traverse une crise sans précédent. Crise économique avec les menaces de disparition de la presse écrite, crise morale aussi et surtout. Jusqu'ici on nous a appris qu'un journaliste "digne de ce nom" (j'emploie ici volontairement des guillemets car cette formulation figure dans la charte des journalistes), qu'il devait opérer à visage découvert, maintenir distance et neutralité par rapport aux parties prenantes à un conflit (qu'il s'agisse d'une grève, d'une manifestation ou d'une guerre), et enfin à ne relayer que des informations recoupées, et/ou provenant de "sources indépendantes". Donc, face à twitter, beaucoup de journalistes tordent le nez. La raison principale est existentielle: Comme le prouve la couverture des évènements en Iran, ils (même la télévision) sont battus à plate-couture par les blogueurs. Cela vaut sur la rapidité, et même dans une large mesure sur l'exactitude des faits rapportés. Il est vrai que beaucoup d'informations fantaisistes, beaucoup de "hoax" sont diffusés sur Twitter. Pourtant, depuis le début des manifestations, je m'informe de manière quasi compulsive sur Twitter et je suis de plus en plus navré lorsque je branche une radio ou une télé: formulations vagues, abus de conditionnels, quand ce n'est pas tout simplement aveu d'échec et d'impuissance. A France 24, comme ailleurs, j'en suis sûr, nous faisons de notre mieux pour relayer les infos du net, mais nous sommes encore un peu maladroits et réticents devant ce que certains vivent comme une dépossession. Or nous ne devrions pas avoir peur.
Les envoyés spéciaux sont, on l'a dit, empêchés de faire leur travail, menacés et priés de dégager à l'expiration de leur visa. Mais pour les confrères iraniens, c'est encore pire, beaucoup ont été arrêtés, et ont disparu. Demain qu'apprendront nous sur leur sort? Dans ces conditions, notre travail consiste à collecter le plus de témoignages possibles provenant d'acteurs du soulèvement populaire. N'est-ce pas ce que l'on fait, déjà, lorsque , par exemple, on interroge un manifestant par téléphone? Bien sûr le risque de manipulation ou simplement d'erreur existe, mais ce risque n'est-il pas inhérent à l'exercice de ce métier? Avec le temps on apprend à le déjouer, mais qui peut affirmer qu'il ne commettra pas d'erreur, ne sera jamais abusé? Commettre des erreurs n'est pas grave, ce qui l'est c'est de ne pas le reconnaitre, de ne pas rectifier, corriger quand et si on s'en aperçoit. Ce métier est inconcevable sans prendre ce genre de risque qui n'est pas mortel et sans commune mesure, soit dit en passant, avec ceux que prennent les journalistes qui bravent les interdictions pour se méler aux cortèges. Or, depuis que j'utilise Twitter pour rester informer en temps réel et parce que je ne trouve plus mon compte sur les télés et les radios, je suis frappé de voir à quelle vitesse on apprend à éviter certains pièges, à faire le tri entre les sources dont le serieux (ou le manque de sérieux) apparait rapidement. De plus le système du RT (ou retwitt) permet de donner une information en la sourçant, ce que beaucoup de journalistes des medias traditionnels oublient de faire depuis bien longtemps!
Pourtant, lorsque- de plus en plus souvent- ceux-ci reprennent des infos du net, ils prennent de telles précautions que cela en devient presque risible.Pourtant, ces derniers jours ils ont du se résoudre à le faire putôt que de se trouver dans la situation de n'avoir rien à dire, ou de n'annoncer que des infos qui sont sur Twitter depuis 24 heures! Personellement, lors de la première manifestation violente de la semaine dernière, alors que les sources "officielles" parlaient d'un mort, j'ai dit à l'antenne que certaines sources sur twitter avançaient 7 morts. J'ai pris le risque d'être démenti, mais le lendemain matin j'ai constaté avec plaisir que ma radio préférée reprenait ce chiffre sur son antenne! Grâce à Twitter France 24 avait plusieurs heures d'avance! Quand à l'exactitude, je crains malheureusement que nous ayons été encore en dessous de la réalité.
Utiliser Twitter demande un apprentissage (ça va très vite encore une fois!), mais comme on apprend à lire une dépêche d'agence, un article de journal, à hierarchiser la fiabilité des sources d'information. Je ne peux m'empêcher de me demander ce que cache la frilosité d'un certain nombre de confrères (pas tous fort heureusement): paresse? conservatisme? manque de formation aux nouvelles technologies? Il y a sans doute un peu de tout cela. Mais je crois que beaucoup sont en réalité complètement déboussolés. En fait, ils se rendent compte que notre métier est en train de changer rapidement et il ne savent pas si c'est en mieux. Or je pense que l'on a besoin d'eux, de leur formation initiale et leur "professionalisme" pour que cela n'aille pas n'importe où. A condition qu'ils admettent deux principes nouveaux:
1: Informer exige de travailler en réseau. Il n'y a plus de magistère de l'information (la dépèche, le 20 heures, le "grand" journaliste qui sait etc.). Même sur le terrain, au coeur de l'évènement l'envoyé spécial aguerri peut commettre des erreurs voir des fautes. L'histoire récente est pleine d'exemple de ce genre. Publier une info necessite de plus en plus de la soumettre au savoir des autres (et pas simplement à leur jugement). Ce travail de coopération permet justement de corriger certaines erreurs, de confirmer certains choix etc. Croire aux sources "indépendantes" et donc supposées "infaillibles" est une illusion. Ça l'a toujours été. On l'admet pour les sources gouvernementales, mais c'est aussi vrai pour les sources non-gouvernementales. Tout le monde a son prisme, ses préjugés. Il ne s'agit pas toujours de tromper volontairement l'opinion. Le travail en réseau améliore la fiabilité des circuits d'information. Je me souviens d'une époque où l'on croyait encore qu'une information publiée par Le Monde était en béton. Aujourd'hui il n'y a pas moins, mais pas plus d'erreur sur Twitter que dans n'importe quel journal, ou sur n'importe quelle antenne.
2: Plus fondamentale encore: Informer ne peut se faire sans s'autoriser à laisser libre cours à une certaine empathie. Je dis "laisser libre cours", car je sais que le journaliste ressent ce besoin d'empathie. Sinon c'est une brute cynique. Mais au moment de prendre la plume ou de passer à l'antenne, il se croit obligé de le réprimer. Croire que cette empathie obscurcit le jugement est une erreur profonde. Déjà, devant les tentatives de génocide en Bosnie les plus grands reporters se sont rendu compte qu'il était non seulement illusoire mais criminel de maintenir la balance entre les victimes et les bourreaux. L'idée même d'objectivité est une illusion et l'acharnement de certains à maintenir une égale distance émotionelle entre les protagonistes d'un conflit est au moins chimerique, ou pire dangereuse. Je constate que beaucoup de reporters avouent facilement qu'ils ne parviennent pas, ou plus, dans certaines situations à retenir cette empathie spontanée et naturelle qui est intrinsèque sur Twitter. La communauté Twitter soutien les manifestants en Iran, comme 90% des journalistes (au moins!) en leur fort interieur. Il ne s'agit pas de désinformer, de distordre les faits, encore moins de se transformer en agent de propagande, mais seulement d'admettre enfin que le métier de journaliste n'est pas scientifique. Ou alors que c'est une science humaine!

22 mai 2009

De la race en Israël (et aussi de la démocratie)

Déjeuner sur l'herbe, et sous les palmiers, à l'université de Tel Aviv, en marge du colloque "Géopolitique d'Israël". Le directeur du département des études moyen-orientales, Uzi Rabi, parfaitement arabophone (ses parents sont des juifs irakiens), s'inquiète de l'indifférence des jeunes israéliens envers la langue et la culture arabes. Il estime qu'un enseignement de base de ces matières devrait être obligatoire dès l'école primaire. Israël est bien un pays du Moyen-Orient et qui se pense et vit ainsi. Il est étrange, en effet, qu'il n'y ait pas davantage de curiosité pour la culture et la façon de penser de "l'autre". Ne serait-ce que, pour ceux qui détestent les Arabes, afin de mieux comprendre "l'ennemi". Notre ami Uzi s'en navre, mais sa propre fille lui a récement témoigné son dégoût- très trivialement, c'est une ado- lorsqu'il a tenté de la convaincre qu'elle tirerait profit à apprendre la langue de ses grands-parents: "ihhh..."(en hébreu dans le texte).  A l'image de nombreux juifs ayant dû fuir les pays arabes, Israël fait un blocage sur une question pourtant essentielle pour son avenir. Il est permis d'y voir un signe de son manque de confiance dans la paix. Autrement, le pays préparerait les futures générations à vendre le high tech et l'agriculture israélienne dans les pays de la région. Je constate moi-même-et je le regrette- que mes parents, nés en Egypte, ne se sont jamais soucié de nous apprendre l'Arabe. C'était "leur" langue, quand ils ne voulaient pas que les enfants comprennent. Et puis à quoi bon? Puisque les Arabes ne voulaient plus des Juifs, fallait-il vraiment ennuyer les enfants avec ça? A l'inverse, un autre participant à ce même même déjeuner, note que les Palestiniens connaissent, eux, parfaitement les israéliens, leur culture et bien sûr leur langue. Incomparable avantage qui pourrait bien se transformer, un jour, en supériorité.

En ce moment les Israéliens, comme toujours, ont plusieurs sources d'inquiétudes. La principale, c'est bien sûr la bombe iranienne. Netanyahou a évoqué la menace d'un "nouvel holocauste", alimentant la psychose déclenchée par Ahmadinejad. Même ceux qui n'y croient pas vraiment, comme Uzi-spécialiste des mondes arabe et perse-, se disent qu'il ne faut peut-être pas prendre le moindre risque. Il espère qu'une guerre peut encore être évitée, qu'on en restera à un affrontement rhétorique. Juste après- et bien avant le conflit avec les palestiniens- l'inquiétude des juifs israéliens porte sur la loyauté de leurs "concitoyens" arabes( 20% environ de la population). Durant la campagne électorale, Lieberman a soufflé sur les braises en incriminant leur manque de loyauté. Il faut dire qu'il pouvait s'appuyer sur des déclarations indendiaires et irresponsables de certains députés arabes, ouvertement pro-Hezbollah. La situation des Arabes israéliens a toujours été très difficile, même si leur niveau de vie est incomparablement plus élevé que dans n'importe quel autre pays de la région, s'il y a des programmes de bourses pour favoriser l' accès de leurs enfants à l'université. Incontestablement, la nouvelle génération se sent de plus en plus "palestinienne". Concitoyens, mais nullement compatriotes: Le drapeau, l'armée, les fêtes, ils ne se sentent concernés par rien de celà. Un jour ou l'autre la question de leur loyauté devait bien finir par être posée. Le fallait-il pour autant? Fallait-il, comme l'a fait Lieberman entailler dans le politiquement correct? Je crois que c'était une grave erreur, car celà ne fait qu'alimenter le racisme.

Oui, bien sûr, il y a du racisme en Israël, de plus en plus même. Il y en a encore entre ashkenazes et sépharades, mais surtout, évidement, entre Juifs et Arabes. Dans les deux sens d'ailleurs, mais les Arabes étant minoritaires, ce sont eux qui en souffrent le plus. Exemple? Ma cousine Smadar qui a créé une société d'évènements a du se battre pour employer Bassam, son électricien arabe de Yafo (Jaffa). Quand elle prononce son nom, ses clients tordent le nez, s'étonnent ouvertement même. Elle s'en fout, elle impose. Il n'y a pas d'autre chose à faire. Dans Haaretz, un sondage inquiétant montre que près d'un Arabe citoyen israélien sur deux nie la Shoah. L'article explique que cette position ne doit toutefois pas être prise au pied de la lettre. Pour beaucoup de personnes interrogées, admettre cet évènement, c'est légitimer l'existence même de l'Etat Juif qui, à leurs yeux n'a été créé que pour réparer la faute et racheter la mauvaise conscience des Européens qui ont laissé les Juifs se faire massacrer. Les Arabes ne veulent pas vivre dans un "Etat Juif", même démocratique. Car pour eux, il ne sera jamais assez démocratique et toujours trop "Juif", c'est l'évidence. C'est pourquoi cette question de la loyauté n'aurait jamais du devenir un enjeu politique, et pourquoi Lieberman est un dangereux apprenti sorcier.

Mais attention, ne déduisez pas de ce qui précède  qu'Israël est, comme le clame le président iranien, un  "pays raciste". Israël est une véritable société multiraciale, ou paradoxalement le poids des Juifs diminue, au profit d'une nouvelle catégorie d'Israéliens dont la religion n'est plus qu'un élément secondaire de l'identité. Je m'explique: On croise maintenant les premiers Israéliens "sabra" d'origine philippine ou thaïlandaise. Parfois issus de mariages mixtes, ils sont en âge de servir dans l'armée. Ils ajoutent une note orientale dans cet extraordinaire melting pot. Mais les guerres, les intifadas et le terrorisme ont bien sûr alimenté les préjugés à l'encontre des Arabes. C'est pourquoi les Russes,  ou les asiatiques que les Israéliens ont fait venir pour remplacer la main d'oeuvre palestinienne sont beaucoup mieux acceptés et insérés, alors que bien souvent ils ne sont pas même Juifs. En revanche, les Ethiopiens, bien que souvent des Juifs très pieux, font toujours l'objet de discriminations révoltantes. En plus, ils ne se plaignent même pas. L'élection d'Obama fera peut-être qu'on commencera à les voir autrement que comme des noirs, mais je n'y crois pas. C'est le paradoxe: Israël, Etat Juif commence à ressembler pour le meilleur et pour le pire à un Etat comme un autre, "post-sioniste", d'une certaine façon. Certains Juifs y sont davantage victimes de racisme et de discriminations que d'autres citoyens "blancs", mais dont la judéité peut-être discutée.

Revenons aux Arabes. Il y a des choses dont on ne parle pas. Par exemple du fait que des familles de la classe moyenne commencent à acheter des appartements dans des quartiers de Jérusalem Ouest. Parce qu'ils en ont les moyens et qu'ils sont plus confortables. Un haut responsable au sein du gouvernement m'a aussi assuré que certains Arabes de Jérusalem Est s'étaient installés récement à Maale Adoumim, cette "colonie" située de l'autre côté de la ligne verte, mais du "bon" coté du mur, dans laquelle l'Etat continue de construire à grande vitesse des logements dans le but de créer une situation irreversible rendant impossible un partage de Jérusalem. Il y a quelques années, il ne serait même pas venu à l'idée d'un père de famille arabe de venir habiter dans un quartier juif. Faut-il y voir un bon signe, celui d'une coexistence enfin assumée, recherchée même? Ou bien, au contraire, la mise en oeuvre d'une stratégie subreptice d'étouffement par utilisation de la "bombe D" (Démographie).

Les vrais sionistes (paradoxalement de gauche, le plus souvent ) n'utilisent plus le terme de "coexistence". C'était leur rêve. Désormais ils laissent ce terme à la droite (qui ne se rend pas compte à quel point le retardement de la création d'Etat palestinien menace l'Etat Juif et prépare le futur d'un Etat "bi-national"). La gauche préfère parler de "divorce". Seul un divorce permettra en effet de préserver le rêve sioniste de l'autodetermination des Juifs dans une Nation ou ils sont majoritaires et souverains. Cela n'a rien à voir avec du racisme. Car seul ce divorce permettra aussi que la minorité arabe israélienne soit respectée dans ses droits, et le soit encore mieux. Sa situation n'est pas idéale, mais au moins est-il resté des Arabes dans l'Etat Juif, alors que les Juifs, eux, ont disparu dans les pays Arabes. Différence de taille,'est-ce-pas? Non seulement ils sont demeurés, mais, malgré les discriminations, ils jouissent de tous les droits politiques et disposent de députés à la Knesseth, ces fameux boutefeux qui fricotent avec l'ennemi. Mais il y a mieux encore: le président du tribunal devant lequel comparait en ce moment l'ancien chef de l'Etat Moshé Katsav pour harcèlement sexuel et viol, George Kara, est un Arabe chrétien. Un homme très réputé pour sa droiture et son courage: il a dejà affronté les principaux responsables de la mafia israélienne. Vous connaissez beaucoup d'autres pays, supposés "racistes", qui auraient laissé juger un de leurs anciens Président par un magistrat arabe? Les défenseurs de Katsav eux même ne s'en sont pas ému, ni alarmé: ils ont seulement protesté et cherché à récuser le tribunal parce que les deux assesseurs de Kara sont... des femmes! Toujours des préjugés...


21 avril 2009

Naufrage de l'anti-racisme

La presse, les diplomates et responsables politiques, ceux qui sont censés "faire" l'opinion  sont tombés les deux pieds devant dans un piège subtil tendu hier par Mahmoud Ahmadinejad. Leur indignation a l'air d'avoir été écrite d'avance, tant ils s'attendaient à un dérapage annoncé et d'ailleurs fort prévisible de la part d'un homme qui a déjà eu maintes occasions de dire que l'extermination des juifs d'Europe était à ses yeux "un mythe" et qu'Israël devait être rayé de la carte. L'outrance du propos permet aujourd'hui à nombre d'Israéliens de comparer le président iranien à "un nouvel Hitler", ce qui est à peu près aussi aberrant, et a surtout le regrettable effet collateral de banaliser la barbarie nazie. Or hier, à la tribune de l'ONU, le président iranien a démontré qu'il était le digne héritier d'une diplomatie persane réputée pour sa sophistication et, surtout qu'il ne fallait pas le sous-estimer.

Il a bien sûr tenu des propos choquants et déplacés, mais de façon plutôt moins virulente qu'en d'autres occasions, comme s'il cherchait, sans rien abandonner de ses positions sur Israël, à ne pas se caricaturer à quelques semaines des élections et alors qu'Obama lui propose de reprendre le dialogue.

Qu'a-t-il dit, en effet? Rien de bien nouveau chez lui, à savoir qu'Israël est un Etat illégitime et raciste, créé par l'occident en prenant prétexte de la "souffrance juive" durant la seconde guerre mondiale et qui a dépossédé les palestiniens de leur terre. Bref, il a repris à son compte une opinion fort répandue dans le monde arabe, celle du refus d'Israël, Etat Juif, "cancer" dans la région. On peut noter qu'il s'est abstenu de tout propos negationniste, s'en tenant à un vague concept de "souffrance juive". Pour le reste, il a repris à son compte les conclusions de Durban I qui faisaient d'Israël le pays raciste par excellence. On ne voit pas ou est la "rare violence" qu'a cru déceler Libération, ou le "discours de haine" qu'a cru entendre un Nicolas Sarkozy dont l'indignation parait très affectée. Par la suite, lors de sa conférence de presse, le président iranien a eu beau jeu de reprocher aux occidentaux-et davantage encore aux manifestants hostiles- de ne pas respecter sa liberté d'expression, et de ne pas vouloir écouter des opinions différentes des leurs. Il s'est ensuite livré à une critique assez démagogique de l'ONU, dénonçant le privilège du véto que s'arrogent 5  puissances depuis 1945 et en défendant le principe "démocratique intégral" de coexistence entre les nations, que l'on peut résumer ainsi: un pays, une voix. Ahmadinejad, avocat de la liberté d'expression et de la démocratie, avouez qu'il y a là une extraordinaire pirouette: les vraies démocraties, qu'elles aient boycotté la conférence ou aient quitté la salle, étaient désignées au reste du monde comme intolérantes, irrespectueuses, hypocrites, soucieuses de sauvegarder leurs privilèges et incapables de supporter la critique d'Israël. Tout cela devant toutes les télévisions par satellites, occidentales, russes, chinoises et bien sûr arabes. Un coup médiatique planétaire, un Hold up complet sur la conférence anti-raciste. Voici ce dont révait Ahmadinedjad.

Ceci pouvait-il être évité? Peut-être pas. Nous avons, nous les démocraties (qui ne sont pas toutes occidentales) un réel problème face à ce rapt des valeurs des droits de l'homme par des pays qui passent leur temps à les piétiner. Comme le rappelle le rapport d'information que vient de remettre Robert Badinter à la commission des affaires européennes du Sénat,les démocraties sont systématiquement mises en minorité sur ces questions dans tous les forum internationaux. Nous sommes pris à notre propre jeu: débattre et accepter ce principe "un pays, une voix", c'est irrémédiablement nous condamner à renoncer à nos principes: par exemple, accepter la non-diffamation des religions comme un droit de l'homme, en exclure le respect des homosexuels et de toutes les préferences sexuelles, admettre que les femmes n'ont pas toujours les mêmes droits que les hommes, que, s'agissant de l'esclavage, seule la traite atlantique fut un crime contre l'humanité, et, last but not least qu'Israël est un Etat illégitime et raciste. Mais la politique de la chaise vide a aussi des inconvénients, car elle laisse des tribunes à des histrions du type Ahmadinedjad, et l'on peut comprendre que des pays comme la France ou la Grande Bretagne aient voulu malgré tout occuper le terrain. Mais alors, pourquoi laisser cette tribune au seul president iranien (avec-excusez du peu- les présidents togolais ou macédoniens?) Tant qu'à participer, n'aurait-il pas mieux valu qu'un Barack Obama, ou un Nicolas Sarkozy lui répondent et profitent de cette exposition médiatique pour plaider en faveur de leurs propres conceptions des droits de l'homme et de l'anti-racisme? Peut-être ont-il voulu éviter un affrontement alors que l'un comme l'autre ont besoin de se ménager Téhéran. Sans doute aussi n'ont-ils pas voulu donner trop d'importance à DurbanII. C'est ignorer qu'aujourd'hui ces considérations diplomatiques ne pèsent pas lourd à côté de la médiatisation. L'adoption, à la sauvette,et avec trois jours d'avance du communiqué final-long catalogue de bonnes intentions sans couleur et sans saveur que personne ne lira- ne fait que renforcer l'impression première: l'évènement Durban II a tourné à la seule promotion des thèses iraniennes.

Il est peut-être temps que les démocraties fassent enfin ce qu'elles ont été incapables de faire jusqu'ici: Adopter une attitude commune de boycott de toutes les initiatives futures d'un conseil des droits de l'homme devenu le jouet des dictatures.

17 mars 2009

Colonna toujours






Je n'aime pas les comparaisons, et pourtant, un peu malgré moi, certaines images désagréables défilent en boucle: Les "sections spéciales" de Vichy administrant une justice politique...Ses verdicts au mètre. Le président de la cour d'assises jugeant Alfred Dreyfus hurlant à son avocat que "la question ne sera pas posée!", puisqu'elle n'offrait aucune réponse qui convenait à l'accusation et soulignait , au contraire, la légèreté de celle-ci. Ce procès Colonna m'obsède de plus en plus. Pas de reconstitution, pas de supplément d'enquête. La cour d'assises spéciale s'obstine. On sent en effet que le prévenu est condamné d'avance. J'ai même lu dans un compte rendu d'audience (je ne sais si ce détail ahurissant est vrai, ou s'il s'agit d'une coquille) que le président de la cour se serait laissé aller en lançant à Colonna que rien dans le dossier ne prouvait qu'il était innocent...
Je n'ai pas à me prononcer sur le fond de cette affaire, ni à faire part d'une "intime conviction". Je me souviens seulement avoir été bouleversé et révolté par l'assassinat du préfet Erignac, ému par la détresse de sa famille. Mais je sais seulement qu'au dessus de celà, il y a l'idée que je me fais de la justice et qui se résume simplement à ceci: je préfère un coupable en liberté qu'un innocent enfermé à vie.
Surtout, ce que j'ai le plus de mal à comprendre c'est que nous soyons si peu nombreux à nous alarmer de cette parodie de justice qui se déroule, là, sous nos yeux, non pas dans la Russie de Poutine mais dans la France de Sarkozy, et qui va -sauf coup de théatre- se solder par la condamnation d'un homme à la réclusion perpetuelle. Il y a bien Apathie qui raconte ici , pour s'en indigner, le dernier épisode- hallucinant- de cette mascarade: la réapparition d'un témoin "clé" de l'accusation, subitement guéri d'une dépression, immédiatement après que la défense a annoncé son retrait du procès et ne peut donc plus l'interroger! Et que dire de la chancellerie et, encore plus étonnant de l'opposition, totalement muette et qui préfère concentrer ses tirs sur la réintégration du commandement de l'Otan qui alimente ses fantasmes d'alignement sur les Etats-Unis. Colonna sera donc vraissemblablement condamné, en vertu de la plus sombre raison d'Etat. Reste à espérer qu'il reste encore, à la cour de cassation, quelques magistrats qui disposent encore d'une conscience pour dénoncer ce déni de justice.

11 mars 2009

Valse avec Béchir











Le journaliste vedette du New York Times Thomas Friedman, pense que, dans le monde arabe, si vous n'expliquez pas un évènement par la théorie du complot, inutile d'insister, personne ne vous croira! Cela se vérifie encore après le mandat d'arrêt lancé par la Cour Pénale Internationale contre le président Soudanais Al Béchir. Et les Arabes ne sont pas seuls à penser que l'occident néocolonialiste se cache derrière le faux nez de la justice internationale. L'Union Africaine-même le sénégalais Wade- s'inquiète, demande la suspension de la mesure, pense qu'on s'en prend toujours aux mêmes, c'est à dire aux Africains. Un comble, alors que les victimes des crimes du Darfour sont bien des Africains (noirs)! En résumé, tout se qui se veut islamiste, anticolonialiste ou marxiste (ou les trois en même temps, ça existe) sur le continent africain pense que la décision des juges est un coup des Américains, rappelle que cela fait des années que Bush veut la peau du leader soudanais, qu'il veut (comme en Irak) mettre la main sur le pétrole soudanais etc...Même un pays modéré comme l'Egypte que menace tous les jours le radicalisme musulman s'est dit "surpris et inquiet", simplement par solidarité arabe.
Que Bush ait quitté la Maison Blanche en janvier, que Washington ne soit pas même partie à la CPI (elle n'a jamais signé le traité de Rome qui l'a créée) ne change rien aux yeux de ces "conspirationnistes". Et même, se demandent-ils, Pourquoi ne pas envoyer l'Otan renverser et arrêter Al Béchir, comme avec Saddam en Irak?
La palme revient au président de l'assemble générale des nations unies, le Nicaraguyen Miguel D'Escoto Brockmann qui s'est déclaré "désolé" par la décision de la cour qui, selon lui, ferait mieux en s'attaquant aux vrais "puissants" qui se rendent coupables des "pires" atrocités commises en ce moment dans le monde. C'est à dire bie sûr aux Américains en Irak. Aux Arabes, aux Africains, il faut donc ajouter dans ce rejet des actes de la CPI les chavezistes sud-américains, qui pensent eux-aussi que l'empire du mal, c'est les Etats-Unis.
Il faut bien sûr leur rappeler quelques faits: D'abord, si Al Béchir est bien le premier chef d'Etat en exercice visé par la cour permanente, avant lui, Milosevic, un européen, l'avait été par le TPY. Ensuite, que c'est le conseil de sécurité qui a saisi le tribunal de la Haye, donc avec l'accord de la Russie et de la Chine qui sont des clients et des protecteurs du régime soudanais. Que Pékin et Moscou s'inquiètent aujourd'hui de ce mandat et demandent sa suspension relève de la pure hypocrisie.
La seule nouveauté dans ce mandat d'arrêt c'est qu'il entreprend un processus de Justice alors que les massacres continuent et que certains craignent que cela menace les efforts de paix. Mais la communauté a laissé à Béchir de nombreuses occasions d'y échapper, mais il a refusé toutes les concessions politiques, incrédule sans doute dans la determination de la CPI, ou pensant sans doute qu'elle n'était pas vraiment indépendante politiquement.
La Cour pénale internationale est une grande avancée pour l'humanité, mais elle vient de se fracasser sur la froide réalité qui gouverne aujourd'hui les relations internationales: le choc des civilisations. Le dénoncer ne sert à rien, on ne peut que le constater: L'idéal d'universalisme qui est à l'origine d'une institution comme la CPI, l'idée qu'au dessus de la realpolitik et de la raison d'Etat il puisse y avoir tout simplement une justice indépendante, laisse froid les trois quart de la planète, persuadée qu'il ne s'agit que d'une justice de puissants, d'une justice occidentale. On peut bien se dire pour se rassurer, qu'il ne s'agit que du sentiment des trois quarts des dirigeants, le plus souvent des dictateurs ou des populistes qui ont bien des choses à se reprocher, mais que, si vous demandez ce qu'en pense la femme qui vient d'être violée par un soldat, ou celle qui vient de voir son fils massacré sous ses yeux, il est fort probable que quelquesoit la couleur de sa peau, la langue qu'elle parle, elle vous dira que dans ce monde barbare, la seule chose qui puisse un tant soit peu la réconforter est de se dire qu'il n'y a plus d'impunité pour les auteurs de crimes de masse, fussent-ils des chefs d'Etats.
Il faut aussi reconnaitre que ce qui entretient ce procès à la mode de "deux poids, deux mesures", c'est que le conseil de sécurité de l'ONU, et en particulier ses membres permanents qui jouissent d'un droit de veto, ne traduit plus la diversité du monde. On peut espérer que, le jour ou un grand Etat musulman ou arabe (l'Indonésie ou l'Egypte), un pays d'Amérique latine (le Brésil ou le Mexique) et une grande démocratie d'Asie comme l'Inde se verront enfin ouvrir les porte de ce club fermé depuis 1945, son bras judicaire s'en trouvera légitimé.
 


16 février 2009

Procès Colonna: Le malaise











Il est temps de confier le malaise de plus en plus grand que me procure le procès Colonna, maintenant en appel devant la cour d'appel spéciale de Paris.
Le meurtre du préfet Erignac est un des plus odieux que l'on puisse imaginer dans une démocratie. L'Etat défié est sommé de réagir. Au point de condamner à perpétuité un "coupable idéal"? Lors du procès en appel, l'accusation  est mise en capilotade, et la réaction de la cour d'assise spéciale permet de douter de son indépendance. L'actuelle Garde des sceaux elle-même ne vient-elle pas de déclarer devant des élèves magistrats que "l'indépendance n'es pas un dogme"?
Résumons les nombreuses étrangetés de ce dossier:
Dénoncé par des participants au commando comme étant le tueur, en cavale, Yvan Colonna est finalement arrêté dans des conditions curieuses qui évoquent une négociation. Le ministre de l'intérieur de l'époque, aujourd'hui Nicolas Sarkozy se félicite publiquement de l'arrestation de "l'assassin du préfet", au mépris de la présomption d'innocence la plus élémentaire. Un climat de plus en plus plombé pèse sur la cour d'assise spéciale de Paris qui débat de l'affaire en appel. On évoque une cause "sacrée". Craint-on que le chef de l'Etat ne perde la face en cas d'aquitement? Un ancien collaborateur du défunt préfet vient "soulager sa conscience", il redoute qu'un innocent soit condamné, révèle que deux membres du commando sont sans doute encore au large. Un expert balistique, à peine pris au sérieux par l'accusation, affirme que le tueur mesurait une quinzaine de centimètre de plus que Colonna. Le chroniqueur du figaro, Stéphane Durand-Souffland, vieux routier des prétoires, laisse transpirer son malaise et parle d'une athmosphère de "curée judiciaire".
Déjà certains contre-attaquent en affirmant que rien de tout cela ne prouve l'innocence de Colonna! Doit-on leur rappeler qu'en droit il ne s'agit pas de cela mais seulement de prouver la culpabilité d'un prévenu, au delà du doute raisonnable? Colonna s'est dit "condamné d'avance" et franchement on peut de moins en moins lui donner tort. Il ne faudrait pas qu'à un crime odieux, la justice de notre pays réponde par un procès politique expéditif.


11 février 2009

Lendemains d'élection






Comme vous pouvez le constater mes prévisions n'étaient pas trop mauvaises! En théorie, c'est à Livni d'essayer de former une coalition. Mais laquelle? Si elle veut rester fidèle à son programme elle devra reconnaitre que sa place est dans l'opposition. En effet, elle ne peut atteindre 60 sièges qu'avec le soutien de Lieberman et/ou du Shass qui sont farouchement opposés à toute concession sur les territoires et sur Jérusalem. Faire un gouvernement avec eux reste possible (on a déjà tout vu en Israël!), mais serait une trahison. Si elle l'avait souhaité Livni aurait du reste pu arriver à ce genre de gouvernement improbable sans aller aux élections. Elle a préféré la clarté, ce qui est à son honneur. Cela prendra du temps mais Peres, comme tout le monde, devra admettre que les israéliens se sont prononcés pour un gouvernement de droite. les scores du Likoud et d'Israël Beitenou sont particulièrement spéctaculaires dans le Nord et le sud du pays qui ont été touchés par les tirs de roquette du Hezbollah ou du Hamas. De ce point de vue on peut dire que ce sont ces deux mouvements qui ont une fois de plus fait l'éléction israélienne.
Reste une dernière possibilité qui aurait sa cohérence et pourrait permettre de négocier un accord avec les palestiniens: Un gouvernement Kadima-Likoud avec rotation du poste de premier ministre entre Netanyahou et Livni (Barak a l'air d'avoir compris que le parti travailliste ne peut se refaire une santé que dans l'opposition). Ce  serait un gouvernement assez homogène car il n'y a pas énormémément de différence entre les deux partis sur le fond,  mais je n'y crois pas beaucoup car Netanyahou a la possibilité d'être le seul patron en s'alliant avec Lieberman. C'est son seul objectif. Advienne que pourra.

10 février 2009

Jour d'élection en Israël

On peut toujours se tromper, et la prédiction, en matière de politique israélienne, est sacrément hasardeuse. Néanmoins, on peut risquer que le vainqueur des legislatives s'appellera Netanyahou. Même si dans la dernière ligne droite il ne parvenait pas à devancer Tsipi Livni et Kadima, il est fort probable que le Parti Travailliste sera si faible qu'il ne permettra pas au parti centriste de construire une coalition durable et surtout assez forte pour négocier la paix. Dans ces conditions Netanyhaou sera le maitre du jeu. Le moins mauvais scenario, et sans doute celui qu'il souhaite serait une "grande coalition" avec Kadima et les travaillistes. Immobilisme garanti mais ce serait quand même moins terrible qu'un gouvernement droite-extrême droite-religieux. Je pense que Netanyaou n'a aucune envie de s'associer au croquemitaine Lieberman. C'est un pragmatique.
Netanyahou ne veut pas de nouvelles évacuations de colonies et dans ces conditions il y a fort à parier que les négociations avaec les palestiniens n'avanceront pas d'un pouce sous son leadership, à moins d'une très forte et très improbable pression américaine. Mais en même temps regardez le bilan de Kadima: orpheline de son concepteur, Ariel Sharon, la coalition de centre gauche n'a tenu aucune de ses promesses et a fini par cette guerre stupide de Gaza: les roquettes continuent de tomber sur le sud d'Israël. Les israéliens sont persuadés qu'elle s'est arrêtée trop tôt et s'imaginent qu'avec le Likoud Israël serait allé jusqu'au bout. Mais quel bout? Face à cette ennemi là Israël n'avait qu'une solution rationnelle: négocier avec le Fatah pour l'éliminer. Mais où sont ces "douloureuses décisions" dont parlait Olmert? Résultat, zéro pointé. La gauche est démobilisée et La droite revient en Israël, et bientôt lorsque des élections auront lieu en Palestine, le Hamas gagnera à nouveau et encore plus nettement, car selon les sondages une forte majorité de palestiniens de cisjordannie estiment qu'il est le vainqueur de la guerre de Gaza. Ces élections pourraient avoir lieu si Israël échange la libération de Guilad Shalit contre celle des députés du Hamas à l'assemblée legislative palestinienne. Ceux-ci siègeraient à nouveau et constateraient que le mandat d'Abbas a échu le 9 janvier. Le Hamas pourrait alors remporter aussi la présidence. Il n'y aurait alors vraiment plus de partenaire pour la paix. Beau travail.

03 janvier 2009

Gaza: la deuxième mort de Samuel Huntington?

Et si la guerre d'Israël contre le Hamas était le premier conflit post-"choc des civilisations"?

Je m'explique: Dans sa fameuse théorie, le Pr Samuel Huntington-décédé la semaine dernière- nous avait expliqué que, conséquence principale de la fin de la guerre froide, les conflits idéologiques étaient condamnés à disparaitre dans un monde transformé et determiné par des chocs entre civilisations, au nom de valeurs culturelles et religieuses rivales.
C'est ainsi, par exemple, qu'en vertu de cette théorie un immigré musulman, même vivant dans une démocratie occidentale, et parvenu à une certaine aisance matérielle se sentirait toujours solidaire de la souffrance d'autres musulmans, y compris lorsque ceux-ci se battent au nom de convictions politiques étrangères. Huntington en tirait la conclusion que chaque civilisation devait rester tranquilement chez elle et surtout bien se garder de toute prétention à exporter ses propres valeurs. Ainsi, contrairement à ce que croient ceux qui ne l'ont pas lu, Huntington était un farouche adversaire de la guerre en Irak menée au nom d'une supposée universalité des principes démocratiques (et d'interêts moins avouables). Cette théorie avait, et conserve une certaine pertinence. Mais elle a aussi, fort heureusement ses limites.
La guerre de Gaza en fourni une démonstration éclatante.

La première limite est géopolitique: lorsque la "civilisation" d'en face est située à seulement quelques kilomètres de vos centres urbains et que vous êtes à portée de ses roquettes artisanales, la dissuasion n'opère plus et il est difficile de rester très longtemps sans rien faire, surtout si vous êtes une démocratie et que les élections approchent.

L'autre limite est plus substantielle dans la mesure où elle remet en cause le coeur de la théorie: Des conflits continuent d'exister au sein d'une même civilisation, et sont parfois d'une bien plus terrible cruauté.
Huntington n'était pas assez sôt pour ne pas avoir vu et analysé l'antagonisme entre l'Islam sunnite et l'Islam chiite, il n'en avait pour autant pas mesuré le caractère irreductible.

Ainsi, dans notre affaire, les régimes arabes sunnites se sont-ils facilement consolés de leur impuissance à faire cesser ce qu'ils ont dénoncé comme "l'agression barbare" d'Israël, pour la bonne raison qu'il y a bien longtemps que l'Iran a remplacé Israël comme menace qu'ils craignent le plus dans la région. Et l'Iran est devenu le protecteur du Hamas palestinien. Plus frappant encore que le silence de l'Arabie Saoudite, les déclarations explicites de la diplomatie egyptienne rejetant sur le Hamas la responsabilité de l'affrontement pour avoir posé des conditions irréalistes et inacceptables à la reconduction de la trève (et pour avoir osé soumettre ces conditions à l'Egypte comme médiateur). Dans un premier temps, l'Iran, son alliance avec la Syrie et le Hezbollah libanais, semblait se contenter d'incarner le leadership de l'Islam chiite. En décidant de soutenir le Hamas palestinien, il défiait à la fois l'Autorité Palestinienne, mais aussi l'Egypte voisine qui se sent menacée par cette branche des Frères Musulmans et la monarchie Saoudite qui craint d'être un jour renversée par ces intégristes à vocation "sociale" qui ne manquent aucune occasion de dénoncer la corruption de leur régime. L'incompétence des Américains en Irak, l'enlisement en Afghanistan ont définitivement conféré à Téhéran un rôle d'indispensable pivot régional (le fameux "croissant chiite"), statut conforté par l'avancement inéluctable de son programme nucléaire.

Mais le plus extraordinaire est l'appui apporté au grand jour par le Fatah à l'opération "plomb durci". Non seulement Mahmoud Abbas a été le premier à affirmer que le Hamas avait provoqué Israël, mais la police palestinienne a fait ce qu'aucune autre police dans le monde n'avait osé faire: intervenir brutalement-en Cisjordanie- pour disperser les manifestations de solidarité avec les frères bombardés de Gaza, et ce d'autant plus durement que les protestataires brandissaient des bannières vertes du Hamas.
Entre les frères ennemis palestiniens, les choses sont allées trop loin et toute réconciliation parait impossible.
De surcroit, dès le premier jour du conflit, il est apparu que le Hezbollah n'avait pas les moyens d'ouvrir un nouveau front au Nord contre Israël pour soulager les souffrances des gazaouis. Et ce pour des raisons plus politiques que militaires. La priorité du Hezbollah est aujourd'hui de montrer qu'il obéi d'abord aux interêts nationaux du Liban avant de raisonner en "proxy" de l'Iran. Par conséquent, les reproches de Nasrallah et d'Ahmadinedjad contre les régimes arabes "complices de l'entité sioniste" restant sans effet, il était clair que Téhéran était en situation de faiblesse, et qu'il fallait en profiter.

Tout se passe donc comme si l'Egypte et l'Autorité Palestinienne avaient décidé de laisser à Israël le temps nécessaire pour écraser le Hamas à Gaza, dans le but d'y réinstaller l'autorité d'Abbas, et de réunifier les deux Palestine. C'est d'ailleurs le plan de Moubarak qui a clairement indiqué qu'il n'accepterait la réouverture de la frontière sud de Gaza qu'à condition que l'Autorité Palestinienne y revienne. Renverser le Hamas, humilier les frères musulmans et donner une leçon à l'Iran sont des raisons suffisantes pour voire émerger cet axe en apparence insolite Jerusalem-Le Caïre-Ramallah.
Reste que la validité de ce scénario n'est pas encore prouvé. D'abord parce qu'Israël (dont les dirigeants sont divisés sur l'objectif) cherche toujours un moyen d'éviter une guerre totale contre le Hamas. Jérusalem se contenterait de pouvoir dicter les conditions d'une nouvelle trève de long terme: Cessation totale des tirs de roquettes et mécanisme d'application international du cessez-le-feu.
Ensuite, parce que les capacités de resistance du Hamas dans un combat de rue avec Tsahal restent inconnues et que l'issue peut s'avérer aussi incertaine qu'en 2006 au Liban. Pour Israël, comme pour ses alliés, une demie victoire serait catastrophique car le Hamas et sa propagande en ferait certainement un triomphe.
Mais admettons que l'Autorité Palestinienne reprenne le contrôle de Gaza dans pareilles circonstances. Sa "complicité" avec Israël serait flagrante et a priori source de contestation pour Abbas. A moins que...Et ce serait de loin le meilleur scenario...A moins que, profitant de sa victoire totale et de la restauration de son partenaire et allié dans l'ensemble des territoires palestiniens, Israël ne montre immédiatement qu'une ère nouvelle commence, c'est à dire qu'il lève aussitôt le blocus de Gaza, mais aussi qu'il accélère la transmission de la sécurité en Cisjordanie au Fatah, libère massivement les prisonniers palestiniens, évacue les colonies avancées et s'implique cette fois sans arrières-pensées dans de réelles négociations sur le statut final des territoires. C'est bien le moins que pourrait espérer Abbas en remerciement de son coup de main, et qui serait seul en mesure de restaurer quelque peu son prestige. C'est ce qu'il attend désespérement et qu'Israël lui refuse depuis quatre ans...à la grande satisfaction du Hamas.