Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

31 mai 2005

L'homme qui a dit "Non"



Je prenais peu de risque en annonçant dès hier que Jacques Chirac ne pourrait résister à la tentation de nommer Dominique de Villepin à Matignon. Villepin, l'homme de la dissolution! Oui mais, aux yeux de Chirac, l'homme qui incarne le sommet de son quinquennat, le discours de l'ONU, le "Non" aux Etats-Unis, qui leur valut à tous les deux un éphémère mais réel prestige international. Discours particulièrement apprécié des "nonistes" de gauche, anti-atlantistes et même anti-américains. Le choix de l'homme du Non répondant à un autre Non. C'est la logique Chiraquienne. La réconciliation des mythologies communistes et gaullistes dont parlait Daniel Cohn Bendit. Il ne manque plus que Marie-George Buffet au gouvernement!
Ce choix prend à rebrousse poil la majorité parlementaire qui voulait Sarkozy. Mais si le parlement avait quelque pouvoir dans notre pays, ça se saurait. Sarkozy avait bien résumé les choses: "
Dans une démocratie normale le président du parti majoritaire serait appelé à Matignon. Chez nous, on envisage d'y nommer celui qui est le mieux placé pour le combattre!"
Pour amadouer l'UMP, Chirac a semble-t-il réussi à convaincre Nicolas Sarkozy d'occuper le poste de numéro 2 derrière son ennemi juré. Sarkozy préconise une rupture avec le modèle social français, or Villepin a pour feuille de route de répondre au malaise social...on va s'amuser.
Il y a quelques mois seulement Chirac obligeait Sarkozy à quitter le ministère des finances pour ne pas cumuler avec le poste de président de l'UMP. Aujourd'hui Sarkozy gardera, évidement, la tête du parti. On a le tournis!
Quand à Raffarin, dont le dernier geste de premier ministre aura été de donner la légion d'honneur à Philippe Bouvard (!) et qui quitte Matignon en nous expliquant que tout commençait à aller mieux, mais que la baisse du dollar a provoqué un "
décalage de quelques mois", là, on est dans le loufoque.
Derrière tout cela, il y a, ne nous y trompons pas, un système institutionnel exténué. Vous n'êtes pas fatigué, vous, de voir cette valse de premier ministres, alors que les monarques républicains, restent, eux, tranquillement au chaud?

30 mai 2005

Le Boomerang

Chirac s'est mangé un retour de fracture sociale en pleine figure. Les Français n'ont pas rejeté l'Europe, ils ont poussé un cri contre les conséquences des politiques européennes sur leur vie, et particulièrement sur l' emploi. Tout le monde est pourtant d'accord, de Paris à Berlin sur l'ineptie des "critères de convergences" que, du reste, plus personne ne respecte, sur l'imperium, pour la BCE, de baisser les taux d'intérêt, sur la nécessité de mettre en place une véritable politique de croissance, financée par l'emprunt, et une préférence européenne qui protège le salarié européen du dumping social. Faute d'avoir compris cela à temps, on a laissé une alliance improbable de populistes de droite et de gauche récupérer le malaise français. Le résultat est devant nous: L'Europe est stoppée et de quelle façon! Demain Chirac avec son futur premier ministre Dominique de Villepin referont ce qui leur a le mieux réussi dans les sondages: de la démagogie. Au lieu de dire non aux Etats-Unis, ils passeront leur temps à dire non à Bruxelles, à Tony Blair qui sera bientôt le président de l'Union pour six mois. Ils croiront ainsi interpréter le vote de dimanche en canardant les Bolkestein et les Mandelson, tentant ainsi de canaliser la bronca française vers de nouveaux boucs émissaires alors qu'ils sont, eux, les véritables responsables. "Si nous ne pouvons les gouverner, suivons les", sera leur mot d'ordre.
Et pourtant l'Europe n'est pas seule responsable. Pas davantage le libéralisme, dont Chirac a fait un repoussoir, contribuant ainsi à la victoire du non qui est, en France celle de tous les anti-libéraux.
Il n'y avait pas de fatalité à laisser la technocratie bruxelloise en faire à sa tête. Depuis dix ans, Chirac mais aussi Jospin qui a gouverné pendant 5 ans, n'ont absolument rien fait pour réformer le marché du travail français dont la rigidité explique beaucoup la précarité sociale. Du coup comme ils n'ont pas tenu ce discours de vérité, ls n'ont pas pu réclamer assez fortement, à Bruxelles, cette nouvelle politique européenne qui s'impose.
La France, après un tel Non, n'a plus, en Europe qu'un pouvoir de nuisance.
L'autre solution, après un tel désaveu du pouvoir, serait une clarification, avec, au moins, une dissolution de l'Assemblée Nationale. Mais Chirac ne s'y résoudra jamais car elle sonnerait la fin de son règne calamiteux.

29 mai 2005

Carnet de route en Israël (4 et der)

Samedi, Kibboutz Metzer

"
Demain nous seront en première ligne. S'ils veulent nous bombarder au lieu de construire leur Etat, c'est sur nous que les "Qassam" tomberont." Metzer longe en effet la "clôture de sécurité". De l'autre côté, c'est le nord de la Samarie (Cisjordanie). Tsahal aura, en principe, evacué le 15 Août les quelques colonies isolées qui s'y trouvent. Dov Avital, le nouveau secrétaire du kibboutz dit cela sans amertume, mais avec fatalisme. Le kibboutz a déjà payé un prix très lourd. Un soir de novembre 2002, un terroriste, membre des "Tanzim" (donc affilié au Fatah d'Arafat), s'est introduit facilement ici. Vers minuit, il est entré dans une maison et a abattu de sang froid une mère et ses deux enfants, dans leur lit. En s'enfuyant il a encore tué deux autres membres du kibboutz, dont le secrétaire, auquel Dov a succédé. L'un des épisodes les plus terribles de la deuxième intifada. Les médias du monde entier en ont parlé. Dov explique que le terroriste aurait pu s'attaquer à bien d'autres cibles plus faciles et lui offrant de meilleures chances de repli. Il a choisi Metzer comme modèle, comme espoir de coexistence avec les Arabes. Depuis longtemps les habitants avaientt pris l'habitude de régler leurs différents avec ceux du village arabe voisin de Qafin en palabrant, dans le respect mutuel. A chaque fois que cela a été nécessaire, le Kibboutz avait plaidé la cause des habitants de Qafin auprès de l'administration. Comme à propos du tracé de la clôture de sécurité que Dov conteste parce qu'elle coupe les paysans d'une partie de leurs oliviers. "Elle aurait dû passer sur la ligne verte, à 500 mètres à l'ouest. C'était si simple! Mais, non, il a fallu rassurer les colons. Résultat, les colons s'en vont et on a cette situation absurde." Autre exemple: avant, les jeunes de Qafin jouaient au foot dans l'équipe du kibboutz, l'Hapoël Metzer, et les mères arabes venaient promener leurs enfants au kibboutz, sans même être accompagnées d' un homme. "Pour aller faire leur courses au village, les maris n'auraient pas eu ma même confiance!" note Dov.
Juste après l'attaque, la communauté s'est réunie. Tout le monde a pleuré, parlé et décidé de continuer, comme avant, le combat pour la paix.
Dov, militant de gauche, parle néanmoins des Palestiniens sans la moindre complaisance, particulièrement envers l'Autorité palestinienne (AP).
"Ils sont soit ineptes, soit corrompus. Soit les deux à la fois. Jusqu'ici, rien, absolument rien n'a été fait des millions d'euros accordés par l'Union Européenne. A eux de se prendre en charge." Il nous donne un autre exemple de la façon dont est jugé l'AP: A quelques kilomètres au nord, en Galilée se trouve la ville arabe (israélienne) de Oumm-el-Fahm. Un bastion du Parti Islamique Israélien. A un certain moment, il a été envisagé que, dans le cadre d'unn règlement, ces villes là puissent être "échangées" contre les blocs de colonies juives de Cisjordanie, comme Ariel. "Dans le quart d'heure qui a suivi la publication de cette simple hypothèse, nous dit Dov, le maire d'Oum-el-Fahm a appelé Sharon pour exiger une assurance écrite que jamais rien de tel ne se produirait jamais!" Qu'un musulman islamiste préfère se battre dans le cadre de la démocratie israélienne plutôt que de rejoindre ses "frères" dans un régime dont on ignore encore qu'elle en sera la nature, voilà bien un casse tête pour les tenants du "choc des civilisations."

Dov nous montre l'endroit de l'ancienne ligne de cessez-le-feu de 67. Un magnifique point de vue sur...la barrière, et la route asphaltée sur laquelle patrouille, en contrebas, une jeep de l'armée. Un endroit stratégique idéal, ou il aurait, en effet été logique de faire passer la séparation. "
Tôt ou tard, nous nous replierons ici. Et les palestiniens auront une route magnifique qui ne va nulle part." s'amuse Dov. Car ici, les habitants de Metzer, comme ceux de Qafin, approuvent le principe de la clotûre. Ils en contestent seulement le tracé. S'il doit y avoir des expropriations pour raison de sécurité, les deux parties veulent que chacun en prenne une part égale. En somme, ils sont une illustration vivante des idées de l'écrivain Amos Oz qui plaide pour le "divorce" nécessaire entre les deux peuples. Nécessaire surtout pour que les palestiniens construisent enfin leur Etat.
Quand la clôture est passée ici, Dov a proposé aux villageois de Qafin d'entretenir les oliviers pour leur compte. Mais le maire de Qafin, menacé par le Hamas, a décliné l'offre, à contrecoeur. Les villageois sont seulement autorisés à passer de l'autre côté pour la cueillette. Par la force des choses les liens se sont distendus. Après l'attaque, les villageois arabes ont été empêchés de venir présenter leur condoléances aux habitants de Metzer. "pour se parler,
Il reste le téléphone mais ce n'est pas pareil." regrette Dov. Les deux communautés retiennent leur souffle. Dans quelques semaines les voisins seront soit pionniers de la coexistence, soit, à nouveau, les otages du conflit.

Les vignes de Tabor.





La journée se termine par une dégustation de vins au domaine de Tabor, à quelques encablures du lac de Tibériade. Dégustation commentée par Jean Robert Pitte, président de la Sorbonne, membre fondateur des amis de l'université de Tel Aviv. L'histoire du vin, qui a pratiquement été inventé ici, n'a aucun secret pour ce professeur de géographie. Un orfèvre qui sait parler à nos papilles! S'il sent de la mûre ou de l'herbe coupée, soudain vous les sentez aussi, alors qu'un instant plus tôt vous ne buviez que du vin! Les vignobles israéliens qui ont réimplanté les cépages les plus connus (Chardonnay, Merlot, Cabernet Sauvignon et même, c'est moins heureux, Gerwürtzraminer) ont un très fort potentiel, même s'il ne s'agit pas encore de vins de terroir.
Peu avant le coucher du soleil, Lecture, par Jean-Robert Pitte, du "sermon sur la montagne", in situ, sur le Mont des Béatitudes, face au lac de Tibériade illuminé par un faiblissant soleil d'Orient.

27 mai 2005

Intermède sur le TCE

De Villiers, comme toujours assez créatif: "On a tous une bonne raison de voter non".
Oui, mais c'est pas pour ça qu'on va faire les cons...
Surtout si on n'a qu'une seule raison. Moi j'en aurais plusieurs.

De Villiers est un type honnête. Un souverainiste. Normal qu'il vote non. J'ai plus de respect pour lui que pour certains qui frisent le lepénisme de gauche.

Au fond cette élection est peut-être l'une des plus importantes depuis bien longtemps.

Je reprendrai le carnet de route très bientôt.

26 mai 2005

Carnet de route en Israël (3)

Vendredi soir. Shabbat avec les vestales du "Grand Israël "

David Shapira est un pilier du "Yesha", le mouvement des colons. Il nous invite à partager le repas traditionnel du vendredi soir avec sa famille à Bet El, une implantationde 1000 familles environ, "bourgeoise", comme il le reconnait lui-même, située à quelques kilomètres au nord de Ramallah et de sa Mouqata. D'ici on était aux premières loges lorsque les hélicoptères israéliens pilonnaient le QG d'Arafat. Le taxi nous a laissé à l'entrée du lotissement. Ici, tout le monde, ou presque est religieux, fondamentaliste même. Aucune voiture ne circule dans les rues jusqu'au samedi soir.
Petits pavillons coquets. Jeunesse en papillotes.
"La première richesse de Bet El, nous dit fièrement David, ce sont les enfants." C'est leur arme, leur supériorité, sur les laïcs, les matérialistes de Tel Aviv. Cinq enfants par famille en moyenne. Ce soir, on les aperçoit à travers les vitres de la Yeshiva, offerte par un riche juif américain. Eliel, l'aîné des garçons de David y étudie pour être rabbin. Il veut aller manifester à Gaza contre le désengagement. Il ferait tout pour l'éviter, "sauf tuer d'autres juifs ou être tué." Pas d'autre argument que la certitude que "cette terre est à nous." Mais à Bet El ce viatique est suffisant. David pense la même chose, se sent trahi par Sharon et milite via internet, ou la radio des colons quand elle n'était pas interdite. Mais il est moins chaud pour rejoindre les activistes sur le bitume à Gaza. Il a vécu en France jusqu'à l'âge de 22 ans. Ça le modère. Au mur, des estampes de paysages de Provence. Un fac-similé du "j'accuse" de Zola, aussi, comme vestige républicain sur lequel il a bâtit sa nouvelle vie . Il dit que "ça ne mérite quand même pas une guerre civile." Sharon est-il le De Gaulle qu'attendait Arafat? Cherche-t-il seulement à gagner du temps et à embrouiller les Américains comme on le pense à gauche? Cette affaire commence en tout cas de plus en plus à ressembler à l'Algérie. Sauf qu'il n'y aura jamais la mer entre Israéliens et Palestiniens.
Irène, l'épouse de David, dentiste à Jérusalem, excellente cuisinière, nous accueille avec une extrême gentillesse. Elle voudrait la paix, mais elle n'y croit pas. Ici, il y a les choses auxquelles on croit et celles auxquelles on ne croit pas. Point final. Esther, l'aînée, n'est guère plus conciliante que son frère. Histoire de tremper ses convictions déjà bien forgées, elle est volontaire un jour par semaine au Magen David Adom, la croix rouge israélienne. Elle ramasse les restes humains sur les lieux des attentats suicide. Après la Pâque juive, la famille bien a pensé déménager à Goush Katif, un bloc d'implantations dans le sud de Gaza, en solidarité. "
Mais l'administration refuse de délivrer des papiers d'identité avec cette adresse." A malin, malin et demi. C'est une partie de cache-cache. Combien sont-ils à avoir déjà accepté les propositions de relogement du gouvernement? la moitié, les deux tiers? Info ou intox? Les Shapira semblent résignés: "on n'aura pas le choix."
Parenthèse à propos du relogement: la ministre de la Justice, Tsipi Livni, a proposé un déménagement en communauté, à quelques kilomètres au Nord de Gaza, à Nitsanim, dans un paysage de dunes magnifiques, ou les colons devraient être réinstallés en deux temps. Dans des mobile-homes d'abord, dans du dur ensuite. Or, les écolos contestent ce choix qui risque de dégrader l'un des derniers sites sauvages de la côte. Le maire de la ville d'Ashkelon, la grande ville voisine, qui veut lui aussi accueillir cette population dynamique et travailleuse les soutient et affirme qu'il peut les loger tout de suite et définitivement, ce qui leur éviterait un deuxième déménagement. La découverte de l'importance de l'environnement, ça aussi c'est un signe du développement de la classe moyenne. Jadis on bétonnait en se fichant pas mal de cette végétation aride, de ces sables et de leurs dizaines d'espèces de lézards. Le pionnier venait pour installer la civilisation et faire pousser des légumes. D'une certaine façon les colons d'aujourd'hui sont les héritiers de cette tradition-là, avec d'ailleurs une prédilection pour les cultures biologiques, chères à José Bové. Il y a des familles de cultivateurs-ce n'est pas le cas des Shapira- ou l'on bannit même le coca-cola et tous les produits trop emblématiques de la "malbouffe."


Yaacov Katz, "Katsele"-© David Shapira

Le clou sera après le dessert. David nous l'avait dit:
"Vous ne regretterez pas votre soirée. C'est un personnage. Il ne rencontre jamais de journalistes." Yaacov Katz, dit "Katsele", longue barbe et regard d'acier, est le fondateur de Bet El. Il a été le bras droit, le bâton de Sharon en Cisjordanie et à Gaza , lorsque celui-ci était ministre du logement et lançait le programme d'implantations à la fin des années 70. Mieux. Pendant la guerre de Kippour "Katsele" (petit chat!) a combattu sous les ordres de Sharon. Il a fait partie de ces officiers d'élite qui ont franchi le canal, inversé une situation catastrophique et peut-être sauvé Israël. Sauf qu'il a reçu une roquette RPG sur le flan qui l'a coupé en morceaux. "Arik" Sharon enverra un hélicoptère derrière les lignes ennemies pour, pensait-il, récupérer le corps de son ami. Il a survécu et, comme dans les films, a épousé son infirmière. Il est certain de remporter ce combat sur son ancien mentor et moque la résignation de David et la met sur le compte de ses origines françaises. Aujourd'hui Sharon ne le prend plus au téléphone. "Mais je le connais, dit-il. Mieux que vous. J'ai passé des années sous la tente avec lui. Il a déjà reporté le retrait, il y aura d'autres reports. Puis, il finira par m'appeler et me dire: Katsele, j'avais tort. Tout le monde peut avoir des difficultés dans la vie." Comment peut-il en être si sûr? "On ne peut pas déplacer 10000 personnes (8000 en réalité) contre leur volonté. On peut les tuer, mais pas les déplacer." Katz ne condamne pas les appels à la désobéissance lancés par des rabbins aux soldats de "Tsahal". Fait-il donc si peu de cas de l'armée? de l'Etat? C'est un sophiste: "Si on donnait l'ordre d'évacuer des Arabes, je leur demanderais de désobéir de la même façon et ça ne vous choquerait pas. Vous pensez que les Juifs sont moins importants que les Arabes?" Tout ça pour se retrouver dans dix ans minoritaires parmi les Arabes? "Vous verrez, bientôt tous les Juifs du monde, de France particulièrement, vont venir nous rejoindre. Je n'ai pas peur! Regardez ce que nous avons fait de ce pays. Personne n'a jamais cru que nous y arriverions! Croyez-moi, vous verrez." Aucun raisonnement ne peut faire vaciller la foi. Il croit tellement à son rêve qu'il se dit prêt à donner aux palestiniens le droit de vote. Ce qui veut dire que, comme l'extrême gauche, il est en train de plaider devant nous pour un Etat binational!
Pendant une bonne partie de la conversation, avant que nous ne migrions dans le jardin, Eliel fêtait son anniversaire avec ses copains de la yeshiva et leur rabbin. Leurs chants et leurs prières recouvraient nos conversations pour lesquelles, je l'ai bien senti, il n'avait que mépris. Spectacle assez inquiétant. Dommage, Eliel, lui, ne connaîtra jamais la Provence.

25 mai 2005

carnet de route en Israël (2)

Jeudi. Tel-Aviv, la "Big Apple" de la Méditerranée.



"La ville qui ne dort jamais". Tel Aviv n'a pas volé son surnom. Je ne sais pas, d'ailleurs, quand, du jour ou de la nuit, elle s'offre le mieux à nos regards et à nos fantasmes. La beauté des filles, les plages, le soleil, la vie nocturne évoqueraient Rio de Janeiro. Mais Tel Aviv revèle de plus en plus sa parenté avec New York. Après tout, elle n'est que la deuxième ville juive du monde, après la mégalopole américaine! C'est peut-être cela qui donne aux deux cités, malgré une évidente différence de latitude et de climat, cet air de famille. Tel Aviv, surgie du sable il y a presque un siècle, suit bien la voie de son aînée. Elle vient d'être classé par l'Unesco au patrimoine mondial, en raison de son architecture typiquement représentative du Bauhaus.
Comme à New York il y a 20 ans, la rénovation urbaine progresse vers le sud, la hausse des loyers poussant irrémédiablement la jeunesse bohème et vaguement artiste davantage vers Yafo (Jaffa), la ville arabe, ou, me dit S.
"Il est de plus en plus difficile de distinguer un jeune musulman d'un jeune juif." A part, peut-être si on parle de politique et encore...Je vais encore faire hurler mais en dépit des discriminations indiscutables, on peut parler d'une "intégration" remarquable des arabes israéliens. Là encore, cela donne à penser...
Revenons au tourisme "chic". Sheinkin, la rue des boutiques de créateurs extravagants serait un peu l'équivalent de Houston street, à Manhattan. En dessous, donc, se trouve le Soho "telavivien": Neveh Tsedek, Florentin et leurs cafés et restaurants branchés (Je recommande Nana Bar, Nanoutchka, ou, plus au nord, Escobar) ou l'on dîne en belle compagnie et très convenablement en buvant un verre de (bon) vin israélien (je reviendrai sur cet aspect capital!). C'est l'une des choses qui surprend le plus le voyageur français: Fini l'obligatoire sandwich de falafel! Désormais,on mange réellement bien en Israël, et -autre point commun avec NY- on y trouve à peu près toutes les gastronomies du monde. En fait, tout ceci (la gastronomie, la viticulture, le développement urbain, etc...) s'explique par le même phénomène déjà engagé au moment de ma dernière visite, il y a huit ans: l'émergence d'une classe moyenne aisée, voire riche, sous l'effet du vent de libéralisation économique. Je ne fais que constater les choses, sans idéaliser, et je suis bien conscient que la société israélienne est de plus en plus inégalitaire. Par ailleurs, cet argent n'est pas forcément toujours synonyme de civilisation. J'ai malheureusement assisté, au Velvet, une boite tendance, à une scène assez navrante: un de ces "nouveaux riches", hélas d'origine française, s'est mis à asperger les tables voisines de "Dom Perignon". Il a failli s'en suivre une bagarre générale. Les "arrosés", qui avaient moins consommé, ont été priés de quitter les lieux. Et moi, écoeuré, j'ai décidé de rentrer me coucher.
Israël, est en tout cas, malgré la guerre, une société extraordinairement dynamique, comparable aux nations européennes disposant du meilleur niveau de vie. Une révolution qui a pris moins de vingt ans. Assistera-t-on au cercle vertueux décrit par les économistes classiques, l'enrichissement des uns profitant finalement aussi aux classes défavorisées? On verra bien, et la paix en sera une condition préalable. On comprend mieux, en tout cas, qu'à Tel Aviv, l'hédoniste, on rencontre surtout des partisans du retrait des territoires occupés. Sur cela aussi, j'aurais bientôt l'occasion de revenir.

24 mai 2005

Carnet de route en Israël (1)

Pour cause de voyage en Israël, à l'invitation de l'Université de Tel Aviv, j'ai un peu délaissé les lecteurs de ce blog, mais j'ai l'intention de me faire pardonner en vous faisant partager les moments le plus intenses de ce voyage.

Mardi soir, Roissy Charles De Gaulle.


Comme dit Nougaro, "dès l'aéroport, j'ai senti le choc". Je n'étais pas retourné en Israël depuis 8 ans. Voyageant sur El Al, la compagnie nationale israélienne, récemment privatisée, d'emblée je suis frappé de voir que les règles de sécurité y sont complètement différentes que pour tout autre voyage. Ici pas de traque obsessionnelle aux ciseaux à ongles (ou aux coupe-cigare en ce qui me concerne, combien ai-je du en sacrifier par étourderie!), en revanche, les bagages sont auscultés avant enregistrement à l'aide d'une sorte de stéthoscope "high-tech" dont je me demande bien comment il fonctionne. L'agent de sécurité s'intéresse particulièrement aux poignées et aux fermetures éclair. Il repose ensuite l'objet sur sa base et attend le verdict de l'ordinateur central. Après son feu vert, je passe les autres contrôles sans trop de tracasserie. Je me sens en sécurité, plus qu'avec aucun autre transporteur sans doute. El Al est une des rares compagnies à disposer, dit-on, d'un dispositif de contre-mesures en cas d'attaque par un missile. La plupart des autres compagnies y ont renoncé en raison du coût prohibitif, même si elles savent que le prochain acte de terrorisme pourrait venir de là. Je m'endors donc tranquillement. D'autant plus que la nuit sera courte.

Mercredi, 5 heures locales, Lod.


Choc, encore, devant le nouveau "Ben Gourion". Il s'agit du nouvel aéroport international de Tel Aviv, inauguré il y a seulement 5 mois. Quel luxe! Quel contraste surtout avec notre bon vieux "Charles De Gaulle" où l'on a sans arrêt envie de demander au responsable de bien vouloir allumer la lumière et dont les boutiques font pitié. Et oui, question aéroport l'héritage de David surclasse celui du géant Charles! Je me demande s'il faut y voir un symbole. Après tout, le premier regard qu'un pays offre à ses visiteurs étrangers et assez révélateur de son état d'esprit. La France a-t-elle encore envie de rayonner? A-t-elle, pour cela, encore suffisamment confiance en elle?

Mercredi, 10 heures, TAU, Ramat Aviv.



Après quelques heures de sommeil, à l'hôtel cette fois, arrivée au campus de l'Université de Tel Aviv. Autant le dire tout de suite, un rêve d'étudiant. Espace, confort, soleil gagnant et surtout, respect des lieux. Propreté irréprochable et bien sûr pas le moindre graffiti. Il faut dire qu'ici presque tous les étudiants travaillent pour payer leurs études. Etudes qu'ils entreprennent en général après leur service militaire, qui coûtent fort cher et qu'il doivent interrompre régulièrement (pour les garçons) par leurs périodes de réserve. Lorsqu'on a le privilège d'y être admis ou d'avoir une bourse, on ne s'amuse pas à faire des cochonneries. Là encore le souvenir de mes années d'université, de ces locaux froids, sous-équipés et de ces odeurs d'urine, ne me laissent aucun regret.
Le colloque auquel nous sommes invités s'intitule: "
Guerre, résistance, collaboration, un demi-siècle d'historiographie française". Il est organisé par Jean-Pierre Azéma pour l'Institut d'études politiques de Paris (Science-Po) et par Elie Barnavi pour l'université de Tel Aviv (TAU). Tous les meilleurs spécialistes sont là, René Rémond, Henri Rousso, Zeev Sternhell, Pierre Laborie, Pascal Ory, pour citer les plus connus, et aussi, qui l'est moins, Jean-Marc Berlière, de l'université de Dijon, auteur d'une Histoire de la police sous Vichy que je me promets de lire au plus vite tant elle semble passionante.
Sciences-Po et la TAU viennent de signer un accord de partenariat qui se veut une réponse aux tentatives de boycott des universités israéliennes au nom du "palestianisme", venues, en France, de Jussieu ou de Grenoble.



Un colloque de plus sur Vichy? Peut-être, mais à Tel Aviv, ce qui lui confère un intérêt particulier.
Première surprise: alors que l'on s'attendait à une série de récriminations des historiens israéliens envers leurs pairs français qui auraient trop tardé à s'emparer de cette Histoire, rien de tel ne se produit. Au contraire, Shlomo Sand, professeur au département d'Histoire de la TAU se dit envieux devant le travail de mémoire des chercheurs français et leur indépendance d'esprit: "
Je souhaite, dit-il, que nous en fassions autant avec nos propres heures noires." Sand, connu pour ses opinions de gauche (et même très à gauche) pense bien sûr à 1948. Il est quand même un peu injuste car si on lui parle de Tom Segev ou de Benny Morris (entre autres), il répond que ce ne sont pas universitaires, ce qui n'a, bien-sûr, aucune importance. S'agissant de 67, Sand s'enflamme même en lâchant: "Si on avait plus écouté de Gaulle, on n'en serait pas là!". Comme me le confiera plus tard Zeev Sternhell, "on n'avait pas besoin de De Gaulle. Chez nous aussi beaucoup de gens plaidaient pour l'évacuation rapide des territoires occupés." En tout cas, Sand, bien que minoritaire, et surtout parce que minoritaire, est à lui seul une réponse cinglante à l'idiotie des partisans du boycott. Les universités israéliennes avec leurs étudiants arabes, souvent boursiers, (10 % environ) sont un lieu d'échange et de paix assez unique.
La France doit-elle encore se sentir collectivement coupable? Et en premier lieu envers les Juifs. Telle fut, au fond, la question centrale de ce colloque. Le consensus s'est fait autour des constatations suivantes:
1/ La France a suivi un cycle Deuil/amnésie/anamnèse/hypermnésie (Rousso) qui n'a rien d'exceptionnel. La période d'amnésie, bien réelle, pouvant être bordée par 1950 et 1972, date de la publication du fameux livre de l'historien américain Paxton dont le succès -progressif- réveilla, dans le climat post soixante-huitard, la curiosité des Français. Aujourd'hui, Rousso estime que, mis à part l'Allemagne,
"la France est le pays qui est allé le plus loin dans l'effort de réparation et de mémoire." Pour preuve,dit-il, " sur le plan de l'historiographie, la fièvre d'un événement comme le procès Papon n'a débouché sur aucune avancée". En gros, ce que nous a appris Papon, on le savait déjà, et même davantage.
Ce cycle de la mémoire n'est donc en rien une exception française. Le refoulement est classique, même en Israël...Il a suivi le même cours, en France, que dans la plupart des autres pays d'Europe occupés par les nazis, même quand ils n'ont pas adopté, comme Vichy, une politique de collaboration d'Etat. Un seul exemple: Il a fallu attendre une thèse de 2000 pour apprendre que le bourgmestre d'Anvers avait activement participé aux rafles des Juifs de sa ville. Trop tard, car il avait, entre-temps, été fait citoyen d'honneur de la ville de Haïfa!
2/ Contrairement à une idée reçue, il y a, à ce jour, encore bien plus de références bibliographiques sur Vichy que sur la Résistance. Cela tient surtout au fait que la petite élite de la résistance a très longtemps conservé le silence, pensant que son histoire n'appartenait qu'à elle. A cet égard, selon Laurent Dauzou (IEP Lyon), "
la panthéonisation de Jean Moulin a été l'arbre qui a caché la forêt. La résistance ne ressortait simplement pas à l'ordinaire."
3/ Contrairement à l'idée qu'en avait Paxton, la France n'a pas été cet amas de lâcheté et de veulerie, réfugiée dans un attentisme nombriliste, indifférente, notamment, au sort des Juifs. Les rapports des préfets, révélés par l'ouverture récente des archives (dont ne disposait pas l'historien américain) indiquent une prise de distance de la population dès la poignée de main de Montoire et un vrai décrochage, comme on dirait aujourd'hui, à partir du printemps 1941. Décrochage avec le régime, condamnation évidement de l'occupant et de la collaboration, mais pas de la personne du Maréchal, c'est là la grande différence. Pierre Laborie (EHESS) parle "
d'ambivalence", on pourrait dire aussi bien ambiguïté ou inconséquence...Tout se passe, selon lui, comme si la personne de Pétain opérait auprès du Français moyen "comme un écran l'empêchant d'avoir accès à la réalité." Au point qu'il peut parler d'une véritable "histoire d'amour" entre les Français et lui. Qui dura fort longtemps...
Quelle interprétation donner à cet attentisme? Là, on touche à ce qui reste le plus fascinant dans Vichy. Le silence, interprété comme de la lâcheté est d'abord, selon Laborie,
"un signe de dignité". L'occupant inspirant surtout "la trouille". A partir des rafles de 42, ce silence sera pire que de la lâcheté, "de la complicité." Mais en tout cas, dit-il, "on n'était pas ou résistant ou collabo. Ce n'était pas ou/ou. Mais souvent et/et. Ainsi, vit-on des ouvriers travailler le jour pour l'industrie de guerre des allemands et la nuit pour la résistance. Ou d'authentiques FTP conduire des trains bourrés de Juifs pour avoir des primes."



En résumé, le sursaut des consciences individuelles, donnant ces milliers d'authentiques actes de courage, sauvant des milliers de vies, ont- dans une certaine mesure- racheté la pusillanimité, la lâcheté des institutions et des corps constitués. C'est toute cette zone grise qui commence à peine à être révélée, avec en particulier le concept de "Vichysto-résistants" forgé par les historiens pour qualifier ceux qui furent d'authentiques vichystes, puis d'authentiques résistants. Comme François Mitterrand. Ou comme un René Carmille, déporté et mort à Dachau comme résistant (réseau BCRA Marco-Polo) mais qui, jusqu'en 42, participait avec application à Vichy, à la chasse aux Juifs.
Cela explique, en partie, la controverse encore ouverte sur la nature profonde de Vichy. Vrai régime fasciste, selon Sternhell, ou simple révolution conservatrice pervertie dans la collaboration? Troublant est le fait que les idées réformistes émises sous la IIIe République aient été mises en oeuvre, à Vichy, par ceux-là même qui les avaient énoncées. Sur le plan social en particulier. L'Etat-Providence fut ainsi largement institué par Pétain et perpétué par la IVe République. Ce qui rend encore plus légitime la grande reconnaissance des responsabilités au nom de l'Etat français, faite en 1995 par Jacques Chirac.
Reste que, comme l'a magistralement expliqué Zeev Sternhell, "
Un régime fasciste est différent d'un autre, de même que chaque régime démocratique est particulier." Puis, invoquant Toqueville: "Ce qui compte c'est l'idée-mère, les structures essentielles, pas les détails que l'on ne peut voir dans le champ de l'histoire sociologique."
Et l'idée-mère de Vichy, peu importe comment on l'appelle, c'est bien l'anti-Lumières, l'anti-libéralisme, l'anti-démocratie, et bien sûr, obsessionnel, l'antisémitisme.



René Rémond avec Zeev Sternhell au colloque de Tel Aviv

12 mai 2005

Le rapport Obin, enfin!

Près d'un an après sa remise, le rapport Obin est enfin disponible sur le site du ministère de l'Education Nationale! Vous n'avez aucune idée de ce dont il s'agit, et pour cause! Je suis encore, à ce jour, le seul journaliste à en avoir rendu compte, sur Proche-orient .info : record mondial du scoop! Je n'en tire aucune gloire. C'est une amie prof et militante à la LICRA qui me l'avait communiqué et j'avais tardé plusieurs semaines avant de m'y plonger.
Pour ceux d'entre-vous qui ne seraient pas abonnés à ce journal en ligne, quelques mots d'explication s'imposent: Il s'agit d'un rapport officiel de l'inspection générale de l'éducation nationale sur les "signes et manifestations d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires." Fruit d'un travail méthodique (21 départements, une soixantaine d'établissements), les enquêteurs dirigés par Jean-Pierre Obin décrivent une généralisation de la contestation des usages et des prescriptions laïques et républicaines, un prosélytisme galopant. Dans ce tableau noir et inquiétant, dont une phrase, lucide et courageuse (inconsciente?), a dû particulièrement paniquer le ministère: Ces manifestations de rejet, de contestation de plus en plus systématique du contenu des enseignements, sont "
exceptionnellement le fait du christianisme, parfois du judaïsme, le plus souvent de l'Islam."
Ce rapport ne fait que confirmer ce que savaient depuis longtemps tous ceux qui se sont intéressés à la question de l'islamisation de la jeunesse, mais cette fois il ne s'agit plus d'un livre de sociologue ou d'une enquête de journaliste. Cela vient de l'Education Nationale elle-même et au plus haut niveau!
Pourquoi, dans ces conditions ce rapport a-t-il été relégué au fond d'un tiroir pendant près d'un an? Selon un ancien conseiller de Jack Lang, lui-même inspecteur, tout simplement "
parce que le ministère a eu peur". Peur de voir la réalité en face. A savoir: violences psychologiques voire physiques exercées par les barbus sur les femmes musulmanes qui seraient tentées de s'écarter du "droit chemin". Le rapport parle de "mise sous surveillance", d'une phobie de la mixité, d'un objectif "ségrégationniste". Au dérives connues (mépris de l'enseignement des sciences de la vie ou de la gym), il en déplore d'autres plus inattendues comme le refus de chanter, de jouer de la musique, de dessiner des visages, celà dès l'école maternelle! L'instauration de toilettes réservées aux seuls musulmans, et même, en mathématique, le refus par certains élèves de tracer le signe +, parce que ressemblant trop à une croix! Encore une fois, il ne s'agit pas là d'anecdotes mais de pratiques qui se répètent d'un bout à l'autre de la France.
Quand à la question de l'antisémitisme, le rapport fait ce terrible constat: "
En France, les enfants juifs, et ils sont les seuls dans ce cas, ne peuvent plus être scolarisés dans n'importe quel endroit."
Face à ces manifestations, le rapport s'inquiète du nombre de plus en plus grand d'enseignants, en particulier les plus jeunes, qui sont tentés par la résignation, ou pire par le relativisme: Ceux-là acceptent de considérer la théorie de l'évolution comme "
une croyance parmi d'autres", ou de se référer au Coran (édition bilingue car les élèves n'ont pas confiance dans les traductions) pour trancher sur ce que dit ou ne dit pas l'Islam de telle ou telle question. Bref, ces enseignants là, laissent la religion envahir l'école, pourtant décrite comme le dernier bastion de résistance de la laïcité dans des quartiers déjà transformés en ghettos religieux (et plus seulement ethniques). Parmi ceux-là, j'en suis sûr, beaucoup appellent à voter "NON" à la constitution au prétexte (fallacieux) qu'elle remettrait en cause la laïcité!
Face à cette déferlante, Obin plaide pour la "
lucidité et le courage". notant que c'est là où l'on a transigé (par exemple sur le voile) qu'ont été constatées les dérives les plus graves.
Un an après, le rapport est publié mais l'éteignoir maintenu. Et comment réagissent ceux, comme les parents d'élèves de la FCPE, qui sont sensés se battre pour défendre la laïcité? Ils interprètent cette maigre et tardive publicité comme "
un signe politique"! et qualifient ceux qui en ont parlé (moi, donc) "d'extrémistes". N'en déplaise à ces belles âmes en perte de sens et de repères, pour l'instant, le rapport Obin n'a pas reçu la réponse politique (ni même journalistique) qu'il mérite.

10 mai 2005

Le chemin est droit mais la Pente(côte) est raide!



Pourquoi la suppression du lundi de Pentecôte est-elle une vaste connerie?(Je me mets au niveau du Président de la République). Je renvoie la dessus au dossier du CAL, le très surréaliste "collectif des amis du lundi". Bien que partisan (c'est son objectif), il est néanmoins très documenté et argumenté. Depuis que je leur ai fait de la pub sur RTL, ils ont fait de moi quelque chose comme un membre d'honneur.
L'idée que l'on travaille davantage par solidarité pour les personnes âgées est bien entendu excellente. En revanche ce qui est hautement critiquable c'est:

1/ l'aspect "corvée" de la mesure. Le supplément de croissance théoriquement généré est ponctionné (en partie) sur les entreprises. La part qui devrait revenir aux salariés, elle, est tout simplement confisquée.

2/ Le fait qu'entre ce qui est théoriquement prélevé (0,3 % de la masse salariale) et ce qui-en principe- doit être produit en une journée, il y a un écart de 0,1 % qui profitera-en principe toujours- aux employeurs. Les études ont en effet évalué à 0,4 % de la masse salariale le différentiel de produit intérieur brut résultant d'une journée supplémentaire de travail.

3/ Le caractère technocratique de la mesure. Si j'ai pris des précautions c'est que tous les secteurs d'activité ne sont pas logés à la même enseigne. Pour que la mesure marche il faut qu'il y ait ce supplément de croissance, ce qui est loin d'être évident. Dans les entreprises qui pratiquent le travail posté (l'industrie en général), le surcroît de production est automatique, à supposer bien sûr que les produits de cette journée trouvent des débouchés commerciaux (admettons), ils se transformeront alors en profits et viendront compenser le prélèvement.
En revanche, dans le commerce, une journée supplémentaire de travail ne signifie pas journée supplémentaire de production. Exemple, fourni hier par mon coiffeur: Le salon sera ouvert lundi 16 mai. Si les employés ne viennent pas, ils perdront automatiquement une journée de RTT. Comme ils veulent continuer de choisir à leur guise la façon dont ils organisent leur temps libre, la plupart d'entre eux sera là. Or le lundi est traditionnellement la journée la plus calme de la semaine (comme dans le commerce en général). Donc les coiffeurs vont se tourner les pouces et la recette de ce maigre lundi (car les clients ne seront pas sûrs que le salon est ouvert) ne compensera pas le prélèvement. Dans le cas de mon coiffeur, comme dans la plupart des commerces, il y a tout lieu de croire que la mesure sera antiéconomique, c'est à dire qu'elle pèsera sur l'activité.

4/ Pour mémoire, que penser d'une mesure présentée comme relevant de la solidarité nationale, dès lors qu'une entreprise comme la SNCF s'en dispense, alors qu'elle coûte déjà plus de 10 milliards d'euros au contribuable, dont 2 milliards pour financer le régime spécial de retraite des cheminots?

N'aurait-il pas été plus efficace de demander aux salariés de se priver d'une journée de RTT, le jour qui leur convient le mieux sans perturber leur activité et celle de leur entreprise? Par soucis d'équité on aurait prévu un autre prélèvement sur les actifs non salariés et pourquoi pas aussi sur les retraités et, même symboliquement, sur les chômeurs.
Mieux, pourquoi ne pas, enfin, réhabiliter l'impôt, seul mécanisme indiscutable de solidarité dans un pays civilisé. L'ennui c'est qu'il y en a trop et que l'on ne sait pas à quoi ils servent. Il vaudrait mieux d'abord reformer l'Etat, avant d'en créer de nouveaux.
Reste une dernière solution: Rétablir la vignette auto...

04 mai 2005

Karl Marx Nostalgie ou Tony Blair III ?



Karl is back in Berlin. Pas seulement sur les T-shirts. Je vois, dans le Figaro de lundi, que les drapeaux rouges et les effigies du grand Karl étaient de retour dans les cortèges du SPD, le 1er mai. Pour les plus jeunes je rappelle qu'en Allemagne avant la chute du mur il y avait ça :



Alors que la social-démocratie allemande est tentée par un "Bad Godesberg" à rebours, que les socialistes français sont en train de vivre, à leur corps défendant, un nouveau schisme entre réformistes et marxistes, Tony Blair est, lui, en passe de réaliser son "hat trick" : un troisième mandat à Downing street, ce qui serait du jamais vu pour un travailliste. Malgré l'Irak. Car Blair présente un bilan à faire pâlir d'envie un social-démocrate européen : un chômage deux fois moins élevé que de l'autre côté de Manche, mais aussi des dépenses dans les services publiques qui dépassent maintenant celles de la France ou de l'Allemagne : 38 nouveaux Hôpitaux, 100 000 nouveaux médecins embauchés, des files d'attentes divisées par trois. En douze ans, de 1991 à 2003, pour ne parler que de la santé, les investissements publics ont augmenté de 140 % ! Bien sûr, on me dit qu'il y a encore des pauvres et des précaires en Grande Bretagne. Je signale à ceux-là les résultats déjà spectaculaires obtenus contre la pauvreté infantile au Royaume Uni : 250 000 enfants en moins dans les familles sans emploi (mesuré en 2002), et je demande que l'on lise le rapport de Martin Hirsh (Emmaüs) qui propose de s'inspirer des méthodes britanniques pour éradiquer la pauvreté en France , qui touche cinq millions de personnes dont un million d'enfants ! Sans remettre en cause la solidarité, il s'agit de favoriser par tous les moyens le retour de ces exclus vers l'activité. Car, comme le dit Hirsh, ce ne sont pas les exclus qui ne savent rien faire, c'est nous qui ne leur faisons plus confiance
Après cela, je dois avouer que je ne comprends plus très bien la question que nous posait Pascale Clarke, hier soir sur RTL dans "On refait le Monde" : "Tony Blair est-il vraiment de gauche?" Avis à ceux qui cherchent l'Europe Sociale : Contre toute attente elle est peut-être en train de se faire dans un seul pays, le Royaume Uni.
Si le New Labour, qui réussit dans la lutte contre le chômage et contre la pauvreté, est désormais-aux yeux de la gauche française- l'incarnation de la droite, alors vive la droite, et adieu au parti des bobos et des fonctionnaires ?