Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

19 juillet 2007

Et si on (re) parlait de la rupture?

Avant de prendre congé pour quelques semaines d'évasion bien méritées, voici quelques réflexions qui seront encore valables, je crois, à la rentrée et sur lesquelles on pourra méditer.

Notre nouveau président que l'on dit hyperactif, hyperprésident, semble avoir remis la rupture à plus tard. A quand on ne sait pas, mais c'est bien dommage. Car, que l'on ait ou non voté pour lui, que l'on soit de gauche ou de droite, force est de constater que notre pays en a pourtant réellement besoin. Il n'y a qu'à voir la réforme avortée des universités pour s'en convaincre. Il n'y aura aucune amélioration réelle de l'état misérable des performances de l'Université française sans introduction de la sélection, le plus tôt possible, et d'une augmentation des droits d'inscription, accompagnés bien sûr d'un effort d'orientation, d'aide aux étudiants issus de milieux modestes et bien sûr d'aides publiques, c'est un tout. Cela fait 20 ans que tout le monde ou presque le sait et que les gouvernements successifs reculent, manquant singulièrement de courage.
Pas davantage à l'horizon de réforme du marché du travail.
Quand à la politique de cadeaux fiscaux à quelques ultra-privilégiés elle ne fait que dégrader encore nos comptes (au grand désolement de nos partenaires dans l'Euroland qui doivent supporter notre inconséquence, et le font, pour l'instant, car ils se disent que la France n'a malgré tout guère mieux à proposer que Sarkozy). Cette politique n'a pas la moindre chance de relancer l'économie tant elle concerne peu de monde. La France n'est pas les Etats-Unis des années 80. Un de mes amis,faisant partie des salariés les mieux payés de ce pays, me disait récemment qu'il avait bien tout vérifié: il n'était pas concerné par le bouclier fiscal. Une grande partie de ceux qui le sont et seraient en situation de revenir en France ne le font pas, de peur d'être l'objet d'un contrôle fiscal.
Bref, dans quelques mois, selon un grand économiste (qui a voté Sarkozy), on aura droit à un tour de vis, ce sera "la Rigueur". Encore du temps perdu en communication.
La loi sur les mineurs multirécidivistes? Le service minimum dans les transport? Attendons d'en voir les effets concrets. Et dire que certains s'offusquent qu'il puisse être étendu à l'Education Nationale! C'est à dire que les parents puissent aller travailler pendant que les profs font grève! Lamentable non?
De Berlin à Bruxelles. D'Eads jusqu'aux infirmières bulgares, en passant par le Tour de France ou il communia dans sa passion du vélo, Sarkozy veut être partout mais donne l'impression de ne pas parvenir à se concentrer sur un sujet à la fois pour le traiter à fond. Ses discours paraissent avoir été écrits pendant la campagne électorale. Henri Guéno, la plume qui l'inspire et même le guide, inquiète par sa passion jacobine dont on avait plus eu de tel échantillon depuis 30 ans au moins. On dirait du Chevènement millésime 70! A l'Elysée la guerre des conseilliers couve. Il y aura bientôt du sang sur les murs. Mais pour l'instant c'est l'été, les Français, saouls de politique pendant les six derniers mois, ne pensent plus qu'aux vancances. Sarko aussi s'y prépare ou il se concentrera sur son "seul soucis": Cécilia.
Son seul réel succès est tactique: l'ouverture politique qui a attiré à lui certains des plus beaux esprits, des plus grands coeurs de la gauche réaliste. Cette opération illustre d'ailleurs à mon avis l'obsession actuelle du Président: amender une image délabrée dans la partie la plus jeune de l'opinion, dans les banlieues ou il ne peut mettre les pieds. A ceux-là, il semble vouloir dire: "pourquoi ne m'aimez-vous pas? Voyez comme je ne suis pas sectaire, comme je veux travailler avec les meilleurs. Le Karcher, c'est le passé, faisons table rase. Je ne suis pas un méchant de droite, mais le président de tous les Français." Je comprends que Sarkozy ait été bléssé, atteint par une diabolisation stupide et mensongère. Mais il n'a pas à intérioriser à ce point cette impopularité qui est loin d'être générale.
Dernier succès en date dans le "débauchage": Strauss Khan, qui accepte de passer du statut de présidentiable à celui de haut fonctionnaire international à la tête du FMI. Bon salaire et frais de representation élevés, mais influence politique quasi nulle, sachez-le. DSK ne sera, à Washington, guère plus que le fondé de pouvoir des grands pays industrialisés. Personne ne croira en tout cas que Sarkozy n'est pour rien dans sa désignation, comme tente de s'en convaincrent les socialistes.
Pour qualifier le PS, justement, on hésite à parler d'état comateux, ce qui semble correspondre à sa situation, car de temps en temps quelques responsables de Solférino en sortent pour tenir des propos confus, incohérents. Dans ces rares moments de semi-conscience ils font pitié. Pronostic réservé donc. Beaucoup de repos nécessaire, mais l'évolution ne semble pas devoir aller dans le sens souhaité par ceux qui attendent une gauche moderne. Il y a bien Manuel Valls qui n'a pas peur de dire qu'il faut larguer le mot "socialiste" pour inventer une gauche sociale. Mais c'est un des seuls. beaucoup paraissent tentés par une nouvelle surrenchère gaucho-populiste. Un certain nombre sont encore assomés, et se taisent.
Pourtant beaucoup de gens ont mal. Particulièrement au travail. Voyez les suicides dans l'industrie automobile. Tiens, Sarkozy n'est pas encore allé chez Peugeot. Ça ne saurait tarder.
Tout cela vous parait trop rapide? Vous pensez que la France peut encore attendre? Disons que l'on peut se donner jusqu'à septembre. Mais beaucoup de Français auront du mal à saisir la cohérence. Pourtant Sarkozy pouvait, peut encore se permettre beaucoup de choses. Pourvu qu'il ne laisse pas filer l'occasion...
Bonnes vacances!

06 juillet 2007

Boutin, le maillon faible du gouvernement

Voici une pépite dénichée par l'équipe de l'excellent Pro-choix (Caroline Fourest et Fiametta Venner). Dois-je ajouter aussi à la complicité involontaire de Karl Zéro qui, l'air de ne pas y toucher, a fait de ce thème l'un de ses fonds de commerce de sa web tv.
Christine Boutin y affirme tranquillement, en réponse à une question d'un "citoyen" déjà parfaitement convaincu, qu'il est "possible" que Bush soit "à l'origine" des attentats du 11 septembre. Le plus dingue, est la raison pour laquelle cela lui parait si vraissemblable: Parce que, dit-elle, les sites conspirationnistes qui répandent ces âneries (c'est moi qui qualifie), sont parmi les plus consultés, et qu'en somme la vox populi d'internet, abusivement comparée à un réferendum démocratique, ne saurait se tromper...
Jugez en vous même, en visionnant la video. Cliquez ici. (si quelqu'un sait comment mettre des videos directement sur ce blog qu'il me dise comment on fait!)
Christine Boutin n'était encore que conseillère du futur président, lorsqu'elle tient ces propos. Vous avez constaté que "reopen 911" en a fait aussitôt un clip de propagande, en cherchant à mouiller Sarkozy. Pensez! Quelle aubaine d'avoir recruté un membre du nouveau gouvernement français!...Sarko a intéret à trouver une explication avant son prochain voyage aux States...Quand à la dame, connue jusqu'ici pour ses positions archi-conservatrices en matière de moeurs et sa dévotion pour les moindres faits et gestes du pape, cela lui vaudra de devenir une icône impromptue de la toile.
Dernière chose: Dans la "grande presse", cette gaffe (espérons qu'il ne s'agit que de cela) n'a pas l'air d'intéresser grand monde. Or, je vous le demande, qu' y a-t-il de moins excusable? Tenir ces propos dans une interview filmée ou se laisser aller à dire qu'Unetelle est une "salope" dans une conversation privée surprise par un videaste?

02 juillet 2007

Terrorisme: La vérité d'un repenti et quand Blair se décide lui aussi à "parler vrai"

Fichu anticyclone des Açores! Par sa traitrise, je me suis laissé enfermer pendant un long week-end arrosé à Birmingham, avec tout le loisir de lire la (copieuse) presse de fin de semaine. Pendant ce temps là, à Londres et à Edimbourg une cellule alqaidesque tentait de semer à nouveau la terreur. On ne doit qu'à son amateurisme qu'un nouveau bain de sang n'ait encore une fois endeuillé le Royaume Uni.
A côté des récits détaillés sur la façon dont le drame a été évité de justesse, je tombe sur une supplique d'un terroriste repenti, Hassan Butt, ancien membre du groupe djihadiste Al Mouhajiroun. Son article est intitulé: "J'implore mes coréligionnaires musulmans de renoncer au terrorisme!" Il est bon d'en citer les premières phrases: "Je me souviens de nos éclats de rire collectifs lorsque nous entendions des commentaires de gens à la télévision affirmant que la seule raison des actes de terreur islamiste tels que ceux du 11/09/2001, les attentats de Madrid, ou ceux du 7 juillet (2005), était la politique étrangère des pays occidentaux. En tenant le gouvernement (britannique) pour responsable de nos actions, ceux qui parlaient des "bombes de Blair" se chargeaient de faire notre propre propagande. De surcroît, ils faisaient en sorte que soit écartée toute tentative d'examen critique des motivations réelles de notre violence: la théologie islamique."
Face à de tels propos, certains seront bien tentés de qualifier l'ancien activiste repenti de traitre à la solde de l'occident, ce dont il se défend avec énergie (Voir aussi le récent éditorial de The Economist sur cette problématique, cette névrose, intitulé "Traitres ou martyrs, le malaise arabe"); ils n'escamoterons plus cette évidence: La question de la justification et de la conduite de la guerre en Irak se pose toujours et est digne d'être débattue dans le débat démocratique, mais elle n'est nullement le facteur explicatif du terrorisme islamique. En vertu du même raisonnement j'ajouterais qu'il en est exactement de même pour la cause palestinienne. Ces évènements sont certes encore traumatisants pour l'opinion arabe et musulmane. Pour autant, si, subitement, les forces étrangères quittaient l'Irak et si, demain, les territoires occupés étaient évacués et qu' un Etat palestinien y était proclamé, celà n'arrêterait pas les djihadistes dont la seule motivation est de mener ce qu'ils croient être une guerre de civilisation contre l'occident.
Comme par enchantement, à la veille de son départ de Downing Street, Tony Blair décidait de mettre fin à un discours lénifiant et politiquement correct qu'il avait affectionné tout au long de son règne comme premier ministre. Interrogé pour un documentaire diffusé au lendemain de la passation de pouvoirs, il s'en prend pour la première fois vertement à "l'absurdité des islamistes" qui ont nourri un ressentiment erroné contre la société britannique en laissant croire que les musulmans y étaient opprimés, alors que, comme le note justement Tony ils y jouissent probablement de plus liberté de culte et d'opinion que dans n'importe quel autre pays du monde, y compris la plupart de pays musulmans...Et Blair de souligner, comme Hassan Butt, que son pays risque de perdre la guerre contre le terrorisme du seul fait que le courant central de la société (mainstream society) est incapable d'apprécier la nature exacte de la menace.
Après avoir beaucoup louvoyé et tenté d'apaiser les courants musulmans les plus indulgents envers les attentats-suicide, et même fait appel pour les besoins de sa communication politique aux talents de Tarik Ramadan, Blair, redevenu un citoyen comme les autres, se décide enfin à tenir un language de vérité à l'opinion musulmane. Si celle-ci comprend qu'il y va de son salut de ne pas le rejeter en bloc, alors la mission de Tony Blair comme émissaire du quartet au Proche-Orient s'en trouvera facilitée. C'est un pari risqué, mais qui mérite d'être tenté.