L'une des découvertes les plus pénibles de l'après-crise du CPE, c''est l'étendue des dégradations commises dans les facs occupées. Libé avait bien mentionné le cas de l'EHESS, littéralement mise à sac, en attribuant ce triste comportement à un groupe venu de "l'ultra gauche". Le président de la Sorbonne, Jean-Robert Pitte, plus courageux (ou plus libre?) que la moyenne de ses collègues avait déploré l'attitude des occupants de la Sorbonne et dénoncé des vols d'ordinateurs et des destructions de livres précieux. On voit maintenant qu'il ne s'agissait pas de comportements marginaux ou isolés, mais bien d'une attitude presque générale: partout des tags,(parfois "imaginatifs" mais aussi inquiétants comme ce "J'emmerde la France" cf la photo prise à Nantes reproduite dans le Monde d'hier), des vols, des destructions gratuites (A quoi bon, par exemple, enfoncer des chaises dans les plafonds?). Cela s'appelle du Hooliganisme, et il n'est plus possible de le mettre sur le compte de "provocateurs", "de casseurs", ou encore d'anarchistes et autres "autonomes". Cela s'est passé pendant que les étudiants occupaient leurs locaux de travail et certainement pas à leur insu car ils ont su en revanche tenir les amphi face aux non grévistes.
Protester, manifester, et même faire grève quoi de plus normal? Occuper est déjà plus discutable, mais enfin c'est la loi du genre. Mais ça, ce manque de respect, ce crachat sur l'institution, ce comportement délinquant-qui renvoie étrangement aux destructions d'écoles pendant la crise des banlieues- pourquoi?
Jean-Robert Pitte invité hier soir de Public Sénat, avance que l'on a de respect que pour ce qui est gratuit et qu'il faut augmenter les droits d'inscription. Il n'a raison, me semble-t-il, que sur le dernier point. S'il faut augmenter les droits c'est pour équiper décemment des universités qui sont la honte de notre pays, pour faire en sorte aussi que les contribuables modestes cessent de financer les études des enfants de la classe moyenne ou supérieure et pour introduire plus de justice dans l'accès aux études supérieures. Actuellement les impôts (c'est à dire la collectivité) financent une partie des grandes écoles fréquentées par les enfants de la bourgeoisie et auxquelles ont difficilement accès les élèves issus de milieux modestes. Dans le même temps l'accès de l'université s'est démocratisé depuis 68, mais il n'y a toujours pas de système de bourse digne de ce nom. Est-ce normal?
On ajoutera qu'en 68 l'université était aussi gratuite et que les étudiants ne s'en étaient pas pris aux locaux, mais seulement aux "CRS SS"...Il y avait alors moins d'étudiants et aussi plus de confiance dans les débouchés offerts par les cursus universitaires. Ceci fonctionne aujourd'hui encore: Là ou les diplômes offrent une réelle perspective d'insertion dans la vie active, dans les grandes écoles mais aussi en droit et en économie (ou les droits ont été augmentés et où cela s'en ressent sur la qualité de l'enseignement), il n'y a pas eu de destructions, et même pas, la plupart du temps, de grève.
Tout ceci montre que l'on paye là les échecs successifs de toutes les tentatives de réforme de l'université depuis 20 ans. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. En s'opposant, au nom d'idéaux démocratiques fourvoyés, à l'augmentation des droits, et même à la sélection et à l'autonomie des universités, les générations successives d'étudiants ont été les fossoyeurs du système éducatif français.
Et ceux qui payent les pots cassés sont, encore une fois, ceux qui ont le plus de mal à s'élever au dessus de la condition de leur milieu social d'origine que l'on maintien, au mépris de tout réalisme, dans des filières dont on sait très bien qu'elles sont des impasses et des fabriques de chômeurs.
Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen
20 avril 2006
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9 commentaires:
Drôle de raisonnement...
Si l'on augmente les droits d'inscription, il est clair que ce ne seront pas les plus modestes qui iront à l'université.
Et tu parles d'"introduire plus de justice dans l'accès aux études supérieures". Comme dans les universités américaines ? Les gosses de riches d'abord.
Le système éducatif français bat de l'aile, c'est sûr, et nécessite une sérieuse réforme en profondeur, mais je ne pense pas que la solution passe par la sélection par l'argent...
J'ai déjà pu vérifier en de nombreuses et variées situations l'adage qui dit : "Ce qui est gratuit ne vaut rien"
Très bonne votre analyse des dégradations dans les universités françaises.J'étais à Paris pendant les "événements". A mon retour à Athènes on me félicitait du comportement des étudiants français,tellement révolutionnaires ....La presse avait des pages entières sur la question ,la France vedette!....
Votre Blog est vraiment réconfortant. Amicalement Claire
Etes-vous sûrs qu'on doive mettre tous les incidents, accidents et casses sous le même chapeau ? D'abord je crois (après en avoir discuté avec un directeur d'études de l'EHESS) que ce qui s'est passé à l'EHESS est tout à fait particulier et mérite une analyse approfondie (pourquoi la non intervention de la police pendant 3 jours, qui renseignait les "occupants ?...)Pour le reste, même s'il est vrai que le budget des grandes écoles accapare de manière régalienne une grande partie de l'argent de l'enseignement supérieur et que l'argent consacré aux universités est tout à fait insuffisant, je me demande pourquoi on en donne une image aussi caricaturale. Plus de 50% des filières sont "professionnalisantes" : IUT, licences professionnelles, IUP, masters, DESS et j'en oublie. Les filières générales sont des socles de préparation aux concours (IUFM, enseignants, écoles de journalisme, droit, études scientifiques etc.), les liens avec les professions se sont multipliés... je ne dis pas que tout est rose, loin de là, mais d'une part les étudiants ne sont pas responsables des choix opérés (grandes écoles /universités: il faut savoir que lorsqu'il ya eu une tentative d'intégration des budgets de l'enseignement supérieur, 2000 télégrammes sont arrivés sur le bureau de Mauroy pour que le statu quo soit maintenu) d'autre part je crois qu'il faut s'interroger sur la fonction sociale que joue le discours de dénigrement de l'institution -bouc émissaire des échecs dont d'autres sont tout autant et probablement plus responsables. On s'interroge sur la vision ou absence de vision des politiques. Qui s'interroge sur la compétence ou l'incompétence des dirigeants dans les entreprises ? Qui a intérêt à dire que les facs ne forment pas et que les étudiants arrivent nus sur le marché du travail ? Pour terminer ce trop message, j'ai vu des étudiants en médecine, sciences po, classes prépa (y compris Cachan )... dans les manifs à Paris
"S'il faut augmenter les droits c'est pour équiper décemment des universités qui sont la honte de notre pays"
Je réagis à un bien petit membre de phrase mais je me souviendrai longtemps de la Faculté de Droit de Tartü (Estonie) que j'avais visité à l'occasion d'un concours, avec une équipe de français de Paris V-René Descartes (ou plutôt Malakoff)... C'était en 1998. 7 ans après la chute de l'URSS. Et il y avait vraiment de quoi avoir honte devant la qualité des locaux, l'équipement de la fac, la propreté des lieux.
Nous sommes rentrés dans notre fac miteuse, avec des traces de pompes à hauteur d'épaules sur les murs, aux tables graffités, sans équipement informatique...
Le 1/3 monde, quoi...
Ne faut-il pas tout simplement privatiser (en partie) l'enseignement supérieur en accordant des aides de l'Etat à certains étudiants ?
Je rejoins tout à fait ce que dit Nelly, la Fac a bon dos, et il y en vraiment marre d'entendre toujours ce même discours, pour info dans une école d'ingénieurs de Bordeaux(je parle de ce que je connais) il y a 30% d'échec en première année, alors tout n'est donc pas ou tout noir ou tout blanc.
Je ne comprends pas bien pourquoi certains de mes camarades ont tout cassé (mais cela dit à la Sorbonne il n'y a pas de dgats "visibles"). Ils sont aussi allés casser des vitres à Charlie Hebdo (???). C'est plutôt spontané de s'attaquer à tous ceux qui ne suivent pas leur ligne mais il faut assumer après.......
il y a une différence entre la sorbonne et l'ehess, c quil y a eu peu de dégradations à la sorbonne (jy étais)et les gens qui y étaient majoritairement étaient contre les dégradations...hors à l'ehess, il y avait que des extremistes et qui voyaient pas de mal à faire des tags ou autres dégradations...
la sorbonne a été occupée trois jours et pas un seul mur n'a été tagué, certes ya eu des débordements mais ya des gens qui sont intervenus pour empêcher certains imbéciles d'aller plus loin dans leurs délires.
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