Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

09 octobre 2007

Le fossile et le marteau



Il ne faut surtout pas manquer ce débat de France 24 : « Le Che, saint ou bourreau? ». Le Che est mort il y a 40 ans, mais « le mur de Berlin ne s’est pas effondré sur lui » dit joliment Jean Ortiz, auteur de « Che plus que jamais », ouvrage collectif et, comme son nom l’indique, hagiographique consacré à la pensée et à l’actualité du commandante. Tout est là. Pour la gauche radicale, extrême, mouvementiste, gauchiste, altermondialiste etc…à laquelle s’adjoignent tardivement les lambeaux du Parti communiste…Le Che, c’est le marxiste léniniste qui ne veut pas mourir. L’idéologie et son cortège de crimes a beau s’être effondrée partout, sauf précisément à Cuba et en Corée du Nord, la survivance du mythe Guevara porte en elle la promesse que l’histoire peut toujours se répéter. Que l’ Amérique latine fera mentir le proverbe. Tous ensemble vers un nouveau grand soir dans ce continent victime par excellence de l’impérialisme yankee ! Le communisme est mort, vive le communisme ! Et si l’on fait remarquer que Cuba n’en finit pas d’agoniser, Ortiz, modèle de communiste fossilisé, martèle que « Cuba est dans une phase de transition vers le socialisme ». Une transition qui a tendance à durer. L’inquiétant c’est qu’avec lui, l’histoire se mettrait à bégayer sans avoir rien appris des errements passés. Dans le numéro hors-série de l’Huma consacré au Che, pas un article sur la « face cachée du Che » révélée par le livre éponyme de l’opposant cubain Jacobo Machover : pas la moindre trace des témoignages de ses anciens frères d’armes (« Il tuait comme on avale un verre d’eau »), des procès expéditifs, des exécutions sommaires d’anciens batististes, mais aussi d’innocents choisis presque au hasard, pour l’exemple, parfois seulement parce qu’ils portaient l’uniforme de la police. Comme Rafael Garcia, 26 ans, injustement accusé de l’assassinat d’un membre du mouvement castriste du 26 juillet, et que le Che, superviseur de l’épuration au lendemain de la révolution, envoya au peloton d’exécution tout en le sachant innocent.
La dernière lettre de Garcia a sa jeune épouse en rappelle une autre, celle de Guy Môquet : « Mon amour adoré, ceci est la dernière lettre de ma vie. Nos quatre mois de mariage furent les plus beaux du monde. Je suis fier de ma famille. Je vous aime à la folie. La seule chose qui me peine est que je meurs innocent. Je dois te laisser mon amour, car je crois qu’ils viennent me chercher. Rendez-vous dans l’autre vie ou nous nous retrouverons, ma chérie. Rafael. » Aucune révolution, aucune épuration ne se fait sans drame. C’est précisément pour cette raison que la gauche anti-totalitaire parvint à la conclusion que la révolution n’était, tout compte fait, pas souhaitable. C’était avant les révolutions « de velours » à l’Est de l’Europe qui se libérait tranquillement du communisme. Mais comment peut-on encore parler aujourd’hui, comme le fait Patrick Le Hyarrick, le directeur de l’Humanité de « l’humanisme de Che Guevara » ? Amusant, d’ailleurs, de voir comment les communistes français aux abois tentent de récupérer aujourd’hui le mythe, en soulignant la « fraicheur » et « l’éthique » (sic) marxiste du médecin argentin qui fut décrété « cubain de naissance » par le régime castriste. A deux ou trois reprises, en effet, Guevara n’avait pas ménagé le Komintern . Moscou, et en France le camarade Maurice Thorez, se méfiaient il faut le dire beaucoup du guérillero excité de la Havane (Castro aussi, à la fin, qui l’envoya se faire tuer ailleurs, ce qui fut fait). Aujourd’hui, l’Huma encense le Che, en escamotant ses crimes et en prenant ainsi le risque de reproduire les mêmes erreurs qu’avec ceux du stalinisme, reconnus après la bataille, sous la pression des évènements. Oui, décidément, le (grand) cadavre bouge encore…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis un fidèle téléspectateur des débats de france24 que j'apprécie beaucoup.
Au cours du débat Jean Ortiz a indiqué qu'une grande manifestation avait eu lieu à Buenos Aires en l'honneur de Che guevara. Je ne trouve aucune trace dans les médias argentins (ni parmi mes amis d'Argentine) d'une grande manifestation. Je dois vous dire que le 29 avril j'étais à Buenos Aires sur la place de Mayo lors de l'anniversaire des mères de Mai. Dans les médias français on indiquait également une grande manifestation or il n'y avait entre 200 et 300 personnes au maximum. N'en déplaise à Jean Ortiz mais la préoccupation des argentins est aujourd'hui l'inflation des denrées alimentaires (par exemple un kilo de tomates est de 15 pesos (équivalent de 15 euros ici). Et l'idéologie de Che guevara n'intéresse pas grand monde. Il ne faut pas oublier que ce sont les révolutionnaires de son type qui ont entraînés la dictature militaire. Il m'a semblé que ce monsieur connaissait mal l'Argentine.

Anonyme a dit…

Très beau post que vous laissez ici. Néanmoins si c'est bien de traiter du Ché je pense que vous pourriez aller derrière ce que la célébration de l'anniversaire de sa mort révèle de la situation politique française, voire ds une large mesure occidentale:

1/ Le procès public du communisme, et notamment du PCF, n'a pas été fait. Si le débat sur les fourvoiements (au bas mot) du PCF et des PC européens plus généralement, a été reglé depuis longtemps par les historiens, ce dernier bénéficie encore d'un prestige historique ds l'opinion qui est tout bonnement incroyable. Sans doute le reste de l'influence de ses prestigieux compagnons de route (à ce sujet, je ne saurais que trop conseiller l'excellent "sièvle des intellectuels" de Winock)...Mais bon, ça fait mnt 30 ans que ces derniers ont déserté le parti..

2/ Si le Ché doit une grande partie de son prestige à l'exploitation marketing de la fameuse photo, cela reste néanmoins l'illustration plus profonde d'une volonté inconsciente de transcendance. Transcendance que le PC a su proposer durant des décennies. Et maintenant, orphelin d'idéologies, que reste t il à l'occidental ?

Paulet'