Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

19 août 2005

Marianne, l'argent public et moi.

Il fallait bien que cela arrive et que Marianne s'intéresse enfin à la dépense publique. Vous trouverez donc en kiosque, dans le numéro de demain samedi, le dossier réalisé par votre serviteur sur cette brulante question qui m'a valu tant d'ennuis à la télévision. Là encore je persiste. Avec, pour les lecteurs de ce blog, l'exclusivité du passage coupé au "marbre". En effet Marianne et moi avons quelques divergences sur la question des effectifs de la fonction publique. Il est effectivement apparu que les deux premiers feuillets de ce dossier auraient risqué de heurter une partie de la rédaction. Soyons clair, je me suis plié de bonne grâce à ce compromis. Il ne s'agit nullement de censure. Je respecte les points de vue de Marianne, que j'aime bien, étant un des derniers journaux d'idées de la presse française.
Mais pour plus de clarté, j'ai pensé qu'il n'était pas inutile de vous proposer la version "complète", plus exactement ces deux premiers feuillets. Le reste de l'article n'a pas été modifié.

Réduire de 10%(au moins) le nombre de fonctionnaires.

Combien y a-t-il de fonctionnaires en France ? Pendant longtemps, personne n’était en mesure de répondre exactement à la question. Complexité des définitions, juridiques ou économiques, des statuts des personnels (titulaires, contractuels, temps partiels, en détachements, maladie etc..), opacité des admnistrations qui ne savent pas (ou ne veulent pas) évaluer le nombre d’agents à leur service. On devine bien la finalité de cette obstruction systématique à tout demande de transparence : Echappant au contrôle public, en particulier à celui de élus, les effectifs de la fonction publique ont gonflé sans tenir compte du rythme de croissance de l’économie (voir ci-dessus), et sans amélioration notable de la qualité du service rendu.
Pour que les choses commencent à changer, il était donc impératif de compter d’abord les fonctionnaires. Ce qui commence à peine à être fait. Ainsi, selon l’Observatoire de l’Emploi Public, il y avait 5, 7 millions de fonctionnaires en France fin 2001, hors TOM et étranger pour lesquels il est impossible d’avoir le moindre chiffre ! Un salarié sur quatre. Ce chiffre correspond aux «
emplois rémunérés par les prélévements obligatoires et dont la fonction est de fournir des services non marchands ou d’effectuer des opérations de redistribution de revenus. » C’est la définition économique la plus signifiante qui englobe les trois fonctions publiques : d’Etat, hospitalière et locale ainsi que les caisses de Sécurité sociale. Si l’on veut tenir compte des agents d’entreprises publiques jouissant du même statut ( et parfois même meilleur), il convient d’ ajouter 360 000 emplois, dont 340 000 pour la Poste et France Telecom. On arrive alors à un effectif légérement supérieur à 6 millions.
Le rapport de la Cour des Comptes sur l’éxécution des dépenses publiques 2004 montre un décrochage de la France par rapport aux autres pays de la zone euro : Certes, les dépenses publiques ont –faiblement- baissé par rapport à 2003 :- 0,1%. Mais le rythme est, chez nos partenaires de -0,5% ! Les dépenses de personnels representant près de la moitié du budget de l’Etat, il est illusoire d’envisager une baisse des dépenses sans diminution sensible du nombre des fonctionnaires. Ce d’autant plus que l’Etat est particulièrement généreux : le pouvoir d’achat a tendance a augmenter presque une fois et demi plus vite dans le public que dans le privé. En 15 ans, 60% de l’augmentation du budget de l’Etat a été absorbé par les dépenses de personnel. Autant d’argent qui ne peut être affecté aux investissements de modernisation. Résultat : Un Etat obèse et sous-équipé. Il suffit de regarder le matériel mis à la disposition des élèves dans les écoles.
L’idée d’avoir moins de fonctionnaires, mais de mieux les payer, par exemple en récompensant le mérite (disposition prévue dans le statut de la fonction publique de 1946, pourtant jamais appliquée) ou les efforts de productivité, n’est pas nouvelle. C’était, par exemple, celle de Pierre Beregovoy. Elle aurait le mérite de lier les économies à l’amélioration du service rendu.
Aujourd’hui, Pierre Méhaignerie, le très actif président de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, constate que la France est un pays « sur-administré et sous-organisé. »
Comment s’y prendre ? Tout simplement profiter de l’ occasion historique fournie par les importants départs en retraite des fonctionnaires nés dans l’immédiat après-guerre. Pour ne parler que des fonctionnaires d’Etat il seront 75000 à partir en 2005. En 2016, la moitié des fonctionnaires présents en 2003 seront retraités. Le projet de budget 2006 prévoyait un peu plus de 7000 suppressions de postes, soit moins de 10%. George Tron, rapporteur du budget de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, estimait au printemps dernier dans un rapport special que, «
face à la situation actuelle de crise des finances publiques il est devenu impérieux de faire mieux avec moins de fonctionnaires et qui soient plus associés à la mise en œuvre des politiques publiques, mieux rémunérés et plus motivés.” Or, depuis le changement de gouvernement on évoque un chiffre plus proche de 5000 postes supprimés, soit moins de 7% des départs en retraite. En Allemagne, par exemple, le programme de réduction entrepris en 1989 a consisté à ne pas renouveler les deux tiers des départs. Encore faudrait-il se doter d’un outil de gestion previsionnel des outils et des compétences qui peine à se mettre en place. En faisant aussi bien, la France pourrait attendre en 10 ans l’objectif d’une baisse de 10% des effectifs, soit une économie d’au moins 15 Mds d’€.

5 commentaires:

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Unknown a dit…

J'ai lu votre article alors que je ne lis pas Marianne habituellement.
Interessant mais un brin populiste, cela va dans le sens du "tous pourris" qui peut conduire aux extremes que l'on connait.
Il aurait peut être aussi fallu faire une enquête plus personnelle et ne pas se limiter au rapport de la cour des comptes.
Ceci dit j'apprécie votre travail et vos analyses en particulier sur la situation au moyen orient.

Anonyme a dit…

Votre article est interessant meme si j'ai l'impression de l'avoir deja lu plusieurs fois a differents endroits.
En fait, je n'arrive pas a me faire une opinion sur cette question du nombre de fonctionnaires. Je lis regulierement des articles qui expliquent que le nombre de fonctionnaire ne fait qu'augmenter (a part tres recemment et juste un tout petit peu). En meme temps, j'entends dire regulierement par les gens que je croise que depuis maintenant 15, 20 ans, l'etat delegue une grande partie de ces activites a des societes de service (c'est notamment le cas du menage dans la plupart des batiments publics a ce que j'ai compris).

C'est le genre de paradoxe que je trouve interessant et que j'aimerais voir traiter. Ces personnels de societe de service sont-ils consideres comme des fonctionnaires puisqu'ils sont (indirectement) payes par l'etat ? Si ce n'est pas le cas, qu'obtiendrait-on si on ajoutait leur nombre au nombre de fonctionnaires statutaires.

Autre question : qu'en est-il des personnels des hopitaux ? Sont-ils fonctionnaires ? Leur nombre a-t'il augmente ou diminue dernierement.

Qu'en pensez-vous ?

Anonyme a dit…

Vraiement?

http://www.lexpress.fr/info/economie/dossier/fonctionnaire/dossier.asp?ida=425901

Anonyme a dit…

Bonsoir,

A titre personnel "trop de fonctionnaires", je ne sais pas ce que cela veut dire.

Dois je me révolter parce que j'apprends qu'un salarié sur 4 est fonctionnaire ? Où placer le curseur ?

Ce qui me paraît essentiel c'est la définition du rôle de l'état. Et c'est éventuellement au regard de ce rôle qu'on pourrait, peut être, estimer si oui ou non, il y a trop de fonctionnaires.

Or il me paraît clair que sur le rôle de l'Etat, il y a au moins deux théories qui s'affrontent sans trop vouloir le dire, ou en tout cas sans en faire l'enjeu majeur.

Et je pense que le rôle de l'Etat est de plus en plus remis en cause. La nouveauté, c'est que cette remise en cause est longtemps venue de l'extérieur de l'état. Il me semble dorénavant que c'est l'Etat qui s'acharne contre lui-même et se prive de ses moyens d'action. Le paquet fiscal de Sarkozy (par exemple), son attitude méprisante vis à vis de ses ministres comme des députés et sénateurs, au vu et au su du peuple, ses accointances revendiquées avec les milieux financiers et industriels me semblent cohérents avec une telle démarche.