Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

18 mars 2007

Et si le vote Bayrou signifiait l'esquive du presidentialisme?

Beaucoup de bêtises sont dites au sujet des conséquences institutionnelles d'une victoire de François Bayrou. Venant de ses concurrents, c'est compréhensible il faut qu'ils entaillent sa crédibilité. Que Bayrou laisse croire qu'il pourra gouverner est aussi compréhensible. Mais que les observateurs se laissent avoir, c'est plus curieux.
Il semble que l'engouement pour cette élection présidentielle ait fait un peu vite oublier que la France est un régime parlementaire. Autrement dit la légitimité et le pouvoir procède non de l'élection présidentielle (qui peut toutefois servir de solide marchepied), mais des élections législatives.
C'est pourquoi, si Bayrou gagne (ce qui n'est pas encore le scénario le plus vraissemblable), je fais le pari que PS et UMP rejetterons les propositions d'ouverture du nouvel habitant de l'Elysée. Celui-ci constituera bien sûr un gouvernement dans lequel figurerons ses proches ainsi que quelques personnalités symbolisant la façon dont Bayrou veut que la France soit dirigée, sans esprit partisan. plus une dose de société civile.
Bien. Mais, compte tenu du poids très relatif de l'UDF, même avec une petite prime due à l'état de grâce, il faudra que cette formation choisisse avec qui ses candidats veulent s'allier aux législatives (logique du scrutin majoritaire à deux tours): Avec le PS ou avec l'UMP? On voit mal en quelques semaines se créer une dynamique qui place la petite UDF en tête dans un nombre significatif de circonscription. Si elle ne choisit pas, elle se condamne à être laminée. Si elle choisit, elle redevient un supplétif.
Dans les deux cas, le véritable détenteur du pouvoir exécutif sera le chef du parti vainqueur des législatives. Pour l'UMP ce sera sans aucun doute Nicolas Sarkozy. Au PS, on peut prévoir une lutte éclair et au couteau entre Fabius et DSK (Ségo sera balayée par son échec et Hollande en supportera aussi le poids). C'est un congrès exceptionnel qui tranchera. Je mise sur DSK à dix contre un, car la base du parti est social democrate et européenne.
Comme Bayrou a d'ores et déjà laissé entendre qu'il préfèrerait gouverner avec un premier ministre de gauche, l'électorat sera tenté d'opter pour ce scénario de cohabitation avec la gauche, qui est paradoxalement le moins conflictuel possible. Bien sûr, Sarkozy expliquera le contraire et chacun fera aussault d'amabilité envers le nouveau président. Mais c'est de celà qu'il s'agit: Le pouvoir sera de toute façon à Matignon, comme en 97 avec Jospin. La France ne sera pas du tout ingouvernable, ce système fonctionne très bien et même de façon plus équilibrer que lorsque tous les pouvoirs sont concentrés entre les mêmes mains. La Vème République se mettra à nouveau à fonctionner comme un régime primo-ministériel "à l'anglaise". Bayrou sera un peu plus que la reine d'Angleterre, puisqu'il lui restera la présidence des sommets internationaux...et leministère de la parole. Ce cas de figure ne déplait pas du tout aux Français.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

« On posait la même question à François Mitterrand en 1981 et celui-ci répondait : faites aux Français le crédit de la cohérence. Croyez-vous que les Français vont battre le PS et l'UMP à la présidentielle pour leur rendre l'Assemblée nationale ensuite ? » Impresssionnant comme la plupart d'entre vous ne parvenez pas à vous extraire du "modèle" actuel. C'est pas possible parce que c'est pas possible... Un peu short, non ?

Sylvain Attal a dit…

@Pierre Guillery:
Comment Mitterrand a-t-il pu faire ce genre de commentaire en 81 dans une situation totalement bipolarisée.
En fait si beaucoup d'options sont ouvertes dans une présidentielle, les legislatives au scrutin majoritaire à deux tours supposent de revenir à la bipolarisation.
Bayrou veut introduire la proportionnelle mais il n'en aura pas la possibilité car l'assemblée a cessé de sièger, et ne peut rien voter.
Vous pouvez croire ou rêver autre chose mais c'est ainsi, dans le système tel qu'il est aujourd'hui...

Unknown a dit…

Nous sommes donc en phase, la meilleure façon de faire passer un gouvernement social democrate en juin 2007 est de voter... Bayrou.

Car au vu des sondages, il est encore trés incertain, voire quasi impossible de parenir à une telle configuration avec Ségo...

Anonyme a dit…

Donc si je comprend bien suivant cette logique le gouvernemant composé devra refléter l'ensemble du parlemant sous entendu l'accès aux affaires des partis d'extreme gauche et droite confondu ? Avec un président d'un engagement politique que son premier ministre ? Tout cela biensur dans un élan de générosité et d'un sens moral et des responsabilités qui vont pousser l'ensemble des politiques français à oeuvrer pour le bien commun et non pas pour leur pouvoir personnel ou leur plan de carrière ? Le colza vous êtes sur que personne ne le fume là en ce moment ? (je plaisante)

Anonyme a dit…

Sylvain, je ne vois pas pourquoi vous êtes aussi affirmatif sur l'impossibilité pour F. Bayrou d'obtenir une majorité.
S'il est élu à la Présidence, il y aura une forte dynamique. Il y a fort à parier qu'il y aura alors des triangulaires dans une grande majorité des circonscriptions (PS-UDF-UMP). Prime au Président: l'UDF a une chance de rafler la mise...
Possible?

Sylvain Attal a dit…

En politique tout est toujours possible. Je ne fais donc que donner mon sentiment sur le plus vraissemblable. Je ne vois pas Bayrou (à supposer qu'il soit élu ce qui encore une fois n'est pas le cas le plus probable) réussir ce qu'avait fait De Gaulle en créant de toutes pièces son parti "présidentiel". La sociologie électorale a ses lois. Elles peuvent être bousculées dans une présidentielle c'est ce qui fait son charme. Dans des législatives les affinités locales vont reprendre tout leur sens.
Du reste Bayrou le sait puisqu'il veut faire une coalition.
C'est là ou je tire la sonette d'alarme, comme sur la proportionelle qui me paraît source d'instabilité.
Nous ne sommes pas l'Allemagne.
J'estime que si l'on veut renforcer le parlement il faut qu'il en sorte une majorité claire apte à décider. Ce qui élimine la proportionelle comme mode de désignation. C'est de l'instabilité de la IVe qu'est née la Ve avec renforcement des pouvoirs du président.
En résumé je suis pour un système parlementaire à l'anglaise.