Bon. Le temps est venu d'une petite explication. Après tout ce blog va avoir un mois. Ça se fête. Plusieurs lecteurs et lectrices réguliers, y compris des amis, m'ont conseillé, de différentes façons de me" lâcher" davantage. J'avais pourtant l'impression de le faire, mais non il faut croire que je m'égarais. On veut me remettre dans le droit chemin: "Sylvain, tu es très bon, très sérieux mais amuses-nous donc un peu plus souvent!" Allez, laisse tomber tes analyses si pertinentes sur l'Irak et fais nous saliver avec quelques anecdotes savoureuses sur ton métier..Les stars, les paillettes, les petits côtés de tes confrères. En fait je ne sais pas, ils veulent des blagues, ils veulent s'amuser. Je les comprends. Moi aussi je trouve le monde tellement sinistre que je ne manque jamais une occasion de m'amuser. Mais quand il s'agit d'écrire, sur ce que je vois, sur ce que cela m'inspire, je n'ai pas beaucoup envie d'amuser mes contemporains. D'ailleurs excusez-moi, je trouve le culte du comique de plus en plus suspect. Aujourd'hui, celui qui ne rit pas, qui ne veut pas rire, celui-là court le risque d'être mis en quarantaine. C'est un sous-produit de la "culture Canal" qui a commencé avec le meilleur (Coluche, Bruno Carette) et a atteint le pire avec Djamel, dont je rappelle qu'il est allé apporter son soutien public à l'inquiétant Dieudonné. Drucker a fait comme s'il ne savait pas, pour ne pas se gâcher une belle audience. Nous en sommes arrivés au point ou si vous n'êtes pas un gai luron, si vous ne riez pas aux blagues des amuseurs télé, vous êtes perçu comme un sinistre individu. Le rire à la télévision, qui n'a rien à voir avec l'humour ou l'esprit, est devenu une industrie productrice d'audimat. Une souriante tyrannie.
Hier j'ai eu une conversation impromptue avec un metteur en scène d'opéra à la terrasse d'un café. Je ne le connaissais pas. "c'est normal, m'a-t-il dit, je ne suis pas très connu." Il a fait deux ou trois choses à Bastille et m'a donné son nom, mais j'ai peur de ne pas savoir l'écrire. Nous étions d'accord sur le fait que si Mai 68 avait été le signal d'une libération créatrice à partir de laquelle les artistes ont heureusement secoué le pouvoir établi, on en est arrivé, 35 ans après, à un système reposant sur le couple provocation/notoriété. Exemples: Une exposition vient d'ouvrir, à Berlin, dont on aurait jamais parlé si elle ne faisait pas ouvertement l'apologie de la bande à Baader. Ou bien, récemment à Chaillot, une création dans laquelle les acteurs chiaient sur scène. (Vous voyez, vous qui trouviez que ce blog sentait un peu trop la rose, je m'améliore). On ne sait pas pourquoi ils faisaient ça, les articles (pour ça il y en eut) se contentaient de souligner le scandale. "Demain quoi?, un meurtre en direct? "se demande notre metteur en scène qui se revendique disciple de Strehler et admirateur de Chéreau. Quand Chéreau choque, lui, on sait toujours pourquoi. Arrive alors le serveur, un jeune étudiant en théatre qui avoue qu'à son age il est tenté par ce qui provoque, tout en reconnaissant que c'est, au fond, très commercial: "J'ai du mal à dire autour de moi que j'aime Racine!", confesse-t-il.
Avec le rire, c'est pareil. Choquez vous serez adulés. Bientôt il faudra se cacher pour voir les films de Louis de Funès.
Je n'irais pas plus loin, vous renvoyant, par exemple à quelques ouvrages d'Alain Finkielkraut (encore un joyeux luron!) comme "L'imparfait du présent" (NRF, éditeur hillarant.)
Quand à moi, pardonnez-moi de revendiquer le droit au sérieux. Je préfère prendre le risque de faire chier (un peu) mon public que chier en public. Mais quand j'en entendrai une bien bonne je ne manquerai pas de vous en faire profiter...Vous savez, au fond, j'aurais voulu être Frederic Dard. Sans rancune.
PS: je promets aussi de changer rapidement ma photo, dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle souligne mon côté raseur.
Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen
03 février 2005
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2 commentaires:
via Jacques Froissant->article du Figaro->Bernard Sananes, je tombe sur votre blog. Ravi de retrouver dans la blogosphère quelqu'un qui manque tant à LCI.
Bon, Sylvain, c'est qui ce Raphaël qui prétend te faire changer de style, d'orientation et de photo ? J'ai l'impression que tu prêtes un peu trop l'oreille à ses arguments. Les critiques, c'est bien. C'est bien quand c'est constructif et qu'on ne s'attaque pas au fond en remettant en cause une initiative personnelle... C'est marrant, d'ailleurs ce style donneur de leçons du monsieur Raphaël. Je suis curieux de consulter ses oeuvres. Il cite des confrères, des gens "connus", mais lui-même est inconnu au bataillon des blogueurs... Bref, tout ça pour te dire que tous ceux que je connais qui consultent ton blog (et moi en tête) le trouvent très bien, même s'ils n'ont pas toujours le temps de commenter comme ils le voudraient. Garde la pêche, comme disait l'autre !
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