Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

31 juillet 2006

Israël dans le piège iranien

Voici un article d'Haaretz qui, me semble-t-il en dit plus long que n'importe quel commentaire sur ce qui se joue actuellement au Moyen-Orient et dépasse de loin la simple confrontation entre Israël et le Hezbollah. Il s'agit d'une interview d'Igal Carmon, directeur du Memri, centre de "monitoring" des medias arabes et iraniens qui indique comment le monde entier a fait preuve d'un grave défaut de jugement sur les intentions iraniennes. (merci à Gerard de "la paix maintenant" pour la traduction).

Ha’aretz, 26 juillet 2006

Comment nous sommes tombés dans le piège iranien
par Akiva Eldar




L’article qui suit est un florilège de signes avant-coureurs qui signalaient
la manœuvre exécutée par le Hamas et le Hezbollah pour rallumer le théâtre
israélo-arabe. Tous les signes convergent sur un événement et une date : la
réunion du G8. Difficile de dire ce qui est le plus grave : soit les
politiques et les militaires ont perçu ces signes et n’en ont pas tenu
compte, soit ils ne les ont pas vus.

Le 21 juillet, au matin de l’attaque contre le nord d’Israël, le journal
conservateur iranien Jomhuri Islami choisit de publier un discours prononcé
par Hassan Nasrallah le 23 mai. Le secrétaire général du Hezbollah y
déclarait : "Nous avons aujourd’hui en notre possession plus d’armes qu’il
n’en faut, quantitativement et qualitativement… Plus de 2 millions de Juifs
vivent dans le nord d’Israël, où se trouvent des centres de tourisme et de
loisirs, des usines, de l’agriculture ety d’importantes bases militaires…
Notre présence au sud Liban, voisin de la partie nord de la Palestine
occupée, constitue notre atout le plus important."

Le 11 juillet, après une rencontre avec Javier Solana, Ali Larijani, chargé
des affaires nucléaires au gouvernement iranien, s’envole pour une visite
surprise à Damas. Suite à cette visite, le vice-président syrien Farouk
a-Shara annonce que "les mouvements de résistance au Liban et en Palestine
[en clair : le Hezbollah et le Hamas] vont prendre les décisions qui les
concernent."

Le même jour, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad menace les Etats
occidentaux à la télévision, et les avertit de ne pas soutenir Israël, car
"la rage des peuples musulmans ne se limité pas aux frontières de la région…
les ondes de l’explosion … atteindront les forces corrompues [les Etats
occidentaux] qui soutiennent ce régime fantoche."

Le 3 juillet, Hossein Shariatmadari, rédacteur en chef du journal Kayhan et
très proche du dirigeant iranien Ali Khamenei, écrit : "Nous ne pouvons pas
ne réagir aux crimes perpétrés à Israël qu’à Gaza, seulement dans les terres
occupées. Pourquoi les sionistes devraient-ils se sentir en sécurité alors
que des musulmans n’ont aucune sécurité ?" Dans une interview à l’agence de
presse iranienne Mehr, Shariatmadari dit que le monde musulman ne doit pas
restreindre sa réaction aux attaques sionistes à la seule bande de Gaza,
mais qu’il doit créer une situation où "aucun sioniste ne se sentira en
sécurité, où que ce soit dans le monde". (…)

Le 16 juin, le journal Asharq Al Awsat rapporte la signature d’un accord de
coopération militaire entre la Syrie et l’Iran "pour repousser les menaces
[des Etats-Unis et d’Israël]. Le journal souligne qu’entre autres sujets, il
a été question, lors de conversations entre le ministre syrien de la défense
Hassan Turkmani et son collègue iranien Mustafa Mohammed Naijar, de la
situation au Liban et en Palestine et de l’aide à apporter au Hamas et au
Jihad islamique dans leur affrontement avec le Fatah. Le ministre syrien
déclare officiellement "un front commun contre les menaces israéliennes…
L’Iran considère la sécurité de la Syrie comme la sienne propre."

Asharq Al Awsat rapporte aussi que ce même ministre s’est rendu à Téhéran à
la tête d’une importante délégation accompagné d’officiers militaires et de
renseignement, et y avait rencontré des dirigeants politiques et militaires.
Le journal rapporte que l’Iran accepté de se porter garant d’un achat par la
Syrie de matériel militaire lourd auprès de la Russie, de la Chine et de
l’Ukraine, et d’équiper l’armée syrienne d’artillerie, de munitions, de
véhicules militaires et de missiles de fabrication iranienne. Iran allait
également contribuer à l’entraînement de forces navales syriennes.


Ecrit noir sur blanc

La Syrie annonce publiquement qu’elle a étendu ses précédents accords aves
l’Iran à la facilitation du passage de camions transportant des armes au
Liban. C’était là, noir sur blanc.

Tous ces signes ont été compilés dans les bureaux de MEMRI (Middle East
Media Research Institute), à Jérusalem. Igal Carmon, fondateur et directeur
de l’institut, qui a travaillé de nombreuses années au sein de
l’establishment militaire, a téléphoné à un ministre de ses connaissances
peu après l’attaque du Hamas contre la base militaire de Kerem Shalom. Il
proposait au ministre l’hypothèse selon laquelle la déviation du Hamas par
rapport à sa politique de cessez-le-feu (exprimée à l’époque par son
acceptation du document des prisonniers) était liée à la pression exercée
sur l’Iran pour son programme nucléaire.

Carmon dit au ministre et ami qu’il percevait une escalade dans les menaces
exprimées par l’Iran, qui augmentaient à mesure que se rapprochait la date
de la réponse que devait apporter l’Iran au G8 sur son programme nucléaire.
Il a imploré le ministre de parler à ses collègues du gouvernement, en leur
demandant de tenir leur langue jusqu’à la rencontre à Bruxelles entre le
coordinateur de l’Union européenne, Javier Solana, et le secrétaire du
Conseil national de la sécurité de l’Iran, Ali Lanjani.

"Je lui ai dit qu’il était important que les Européens comprennent que les
Iraniens n’avaient aucune intention de répondre favorablement à la
proposition de compromis américaine", se souvient Carmon. "Je lui ai dit
qu’à mon avis, s’il existait un plan iranien destiné à repousser les
pressions internationales, il faudrait alors s’attendre à une menace sur
notre frontière nord."

le lendemain, le Hezbollah attaquait le long de la frontière libanaise, et
une fois de plus, Carmon demandait de la retenue. Carmon a également jugé
que les actes terroristes en Irak, dirigés par les alliés chiites de l’Iran
emmenés par Mustafa Sadr, étaient également liés à la question nucléaire. Il
prédit qu’avant peu, les Iraniens déchaîneront des attentats terroristes
contre des cibles juives et israéliennes partout dans le monde.
"Nous assistons à un échec très grave de nos dirigeants. Ils ont laissé
l’Etat d’Israël tomber dans le piège iranien en répondant à la provocation
iranienne. ¨rovocation destinée à perturber les discussions du G8 qui était
censé parvenir à former un consensus international contre le programme
nucléaire iranien. Un dirigeant responsable aurait retardé sa réaction de
plusieurs semaines, et n’aurait pas fait le jeu de l’Iran."

"Nous avons manqué une chance de montrer au monde entier les provocations
iraniennes avant le G8. Nous avions la latitude de lancer des attaques
contre le Liban plus tard. Il aurait été possible de fixer un ultimatum
selon lequel, si les soldats n’étaient pas libérés dans un court délai, nous
utiliserions alors tous les moyens nécessaires pour les ramener à la maison.
Et entre temps, nous aurions pu prendre des mesures sur le front intérieur,
qui a été pris par surprise, et déployer trois divisions sur la frontière
syrienne."

"L’opinion n’est pas stupide. Elle aurait compris qu’une menace contre
quatre millions de personnes due au programme nucléaire iranien est bien
plus grave que la mort et l’enlèvement de soldats au nord."

L’explication à l’insistance têtue des Iraniens à retarder leur réponse à la
proposition américaine jusqu’au 22 août peut être trouvée dans les médias
iraniens. Il y a quelques semaines, des informations ont été publiées sur
une déclaration imminente d’Ahmadinejad à propos d’un "développement
important dans la capacité nucléaire de l’Iran."

Carmon estime qu’ils pourraient avoir besoin de quelques semaines
supplémentaires pour finaliser leur capacité d’enrichissement total ou
partielle d’uranium, sans dépendre d’aucun autre pays. Ce développement
pourrait aussi avoir à voir avec le développement de missiles avancés.


Peur ou colère

En entendant Olmert dire mardi que la crise au nord était une "tricherie
iranienne", Carmon n’a pas su s’il devait trembler de peur ou exploser de
colère. Furieux après Olmert, il dit : "ce n’est pas une tricherie comme au
football. Cela m’inquiète que même le président américain ne comprenne pas
qu’il ne s’agit pas ici de la ‘merde’ du Hezbollah, ou de tensions
régionales, mais bien d’une crise de dimension globale." MEMri parle du
danger que courent les alliés traditionnels des Etats-Unis, comme l’Arabie
saoudite et l’Egypte, qui sont en train de perdre leur statut régional au
profit de l’Iran, qui se trouve, lui, en train d’acquérir une capacité
nucléaire.

En même temps, la Russie, considérée comme un allié de l’Iran, prend de
nouveau position contre les Etats-Unis, en tant que puissance mondiale qui
exerce son influence au Moyen-Orient, dont elle est le principal fournisseur
en pétrole et en gaz.

Ainsi, la structure de deux super-puissances est en train de renaître, avec
la rivalité entre les blocs Est et Ouest au Moyen-Orient, comme au temps de
la guerre froide.

Le fait de ne pas tenir compte de cette menace inquiète particulièrement
Carmon, car toutes ces informations étaient disponibles, y compris le chemin
que prenaient les armes livrées par la Syrie au Liban, soudainement
"découverts" par les généraux israéliens qui l’appellent une "route de
contrebande ".

Pour Carmon, si tous les décisionnaires au sein du gouvernement et de
l’armée avaient tenu compte de l’implication de l’Iran, ils auraient compris
que tous les missiles, y compris le C-802 qui a frappé le navire israélien,
seraient en possession du Hezbollah.

"Il ne s’agit pas de tricheries", raille-t-il. "Il faut intégrer le fait que
Tsahal combat une milice iranienne, qui a le soutien logistique de l’Iran.
Les Etats-Unis doivent comprendre que Poutine est en train d’édifier un
centre d’enrichissement d’uranium en Sibérie, et que la Russie est le
principal soutien de l’Iran. La Russie y a 6.000 experts, et elle sait
comment garder cet allié, situé dans un endroit sensible. Ils sont certains
que nous serions incapables d’endurer une guerre sur le front intérieur,
comme l’ont fait les Arabes. Dans la guerre Iran-Irak, plus de deux millions
de musulmans sont morts."

Carmon s’inquiète de la possibilité que, dans quelques jours, après avoir
usé notre armée de l’air, l’Iran, de mèche avec la Russie, se porte
"volontaire" pour régler la crise entre Israël et le Hezbollah, et en
échange de cette bimbeloterie, ne gagne le véritable diamant : faire avancer
son programme nucléaire.

/…

Je suis en vacances, doté d'une pauvre connexion 56k, et ne peut donc pas aussi souvent que d'habitude valider vos commentaires.

7 commentaires:

Anatole a dit…

Merci pour ces analyses précises et éclairantes (et qui sont en train de trouver leur confirmation avec la visite au Liban, aujourd'hui 31/07/06 du ministre iranien des affaires étrangères (tandis que Douste Blazy vient de souligner "le rôle stabilisateur de l'Iran dans la région" !!!).

Le site MEMRI se trouve là :http://memri.org/french/

Anonyme a dit…

merci pour ces éléments...
l'Histoire est tragique...
il est hallucinant qu'une fois encore comme le 11/09... le monde se réveillera uniquement quand la catastrophe aura eu lieu... pas avant... malgré tous les signes avant-coureurs...
quoique encore une fois... la guerre profitant aux marchants d'armes (et aux intervenants de tous poils sur le marché des matières premières)... il est urgent de ne rien faire !!!... business as usual...

Anonyme a dit…

Le véritable danger vient d' Iran, c'est l'évidence même.
ça fait froid dans le dos de penser qu'ils peaufinent une bombe nucléaire, ce n'est pas pour faire joujou avec.
Je ne comprends toujours pas l'entêtement de Chirac à sauver les meubles pour le Hezb; a-t-il oublié que Chiites et Syriens ont tué notre ambassadeur de France au Liban voià une vingtaine d'années, un certain Delamarre, je crois me souvenir.

Anonyme a dit…

Bien dommage que vous filtrez les commentaires de visiteurs

Anonyme a dit…

heureusement pour lui qu'il les filtres, quand voit sur les forums les betises que peuvent dire certains ...

Anonyme a dit…

Salut à tous,


A mon avis l'Iran c'est pas du gateau, en cas d 'attaque de l'Iran , on risque tous d 'y passer ... soyons réalistes !

Israél a la dissuasion bonne pour se défendre ... mais en cas d'attaque face à un pays fanatique c'est une autre paire de manche. Le résultat ça sera une boucherie généralisée. Soyons réalistes et arrètons de dire que ça va être vite fait, on va gagner en une semaine et revenir chez nous. En 14-18 les populations d'europe pensaient aussi ça et on a vue le résultat: la plus grande boucherie de l histoire guerrière de l humanité... à moins que ce soit le but recherché aussi dans cette future guerre.

A suivre cette logique stupide. Le pakistan est aussi un pays potentiellement dangereux pour Israel... on l'attaque aussi ? Et l Inde pleine de musulman ... on lui fait la peau ? et qd y aura plus de musulmans ... les japonais , on m'a dit qu'ils avaient aussi des relents anti-sémite ! on l'élimine ?

Quelle logique stupide! merci mais c'est sans moi !

Anonyme a dit…

J espère que vous me censurerez pas ... vive la démocratie entière .