Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen
28 septembre 2006
Safia Amajan, victime de notre impuissance
Cette femme, personne ici ne la connaît. Vous ne retiendrez pas son nom très longtemps: Safia Amajan. Elle s'occupait de la promotion des femmes dans son pays. Pas n'importe quel pays, l'Afghanistan. Elle a été assassinée par des tueurs à moto, à Kandahar ou elle vivait et travaillait. Kandahar, n'est pas n'importe quelle ville. C'est le berceau de Talibans qui ont revendiqué cette "exécution". Le commandant Taliban, Mullah Ayat Khan, a expliqué que toute personne travaillant pour le gouvernement était susceptible de subir le même sort que Mme Amajan.
Grâce a élle des milliers de femmes avaient appris à lire dans une des écoles qu'elle avait créées, ou à monter un petit commerce pour vendre quelques produits sur les marchés. C'est exactement ce que ne pouvaient pas lui pardonner ses ennemis.
Lorsque l'intervention américaine renversa le régime taliban, il y a presque 5 ans, l'émancipation de la femme afghane fut considérée comme l'une des conséquences positives les plus visibles de cette guerre. Aujourd'hui les écoles ferment les unes après les autres, le nombre de suicides des femmes est en augmentation brutale. Les burquas sont de retour partout et l'on considère que plus de 60% des mariages sont des unions forcées.
La terreur talibane porte ses fruits: Ils placent parfois des bombes sous les cartables des écolières pour dissuader leurs parents de les envoyer à l'école: "Laissez ces traditions aux chrétiens et aux juifs, et soyez de bons musulmans!" peut-on lire sur un de leur tract.
Entre-temps, les Américains ont décidé que leur mission en Afghanistan était terminée et ont envahi l'Irak.
Pourtant, à Kandahar, à quelques kilomètres de l'endroit ou Mme Amajan a été tuée, quelques centaines de casques bleus de l'ONU, parmi lesquels se trouvent quelques dizaines de soldats des forces spéciales françaises se battent toujours férocement contre les Talibans.
Mais voici le meilleur: Safia Amajan, qui savait qu'elle était une cible, avait demandé à bénéficier d'une protection militaire rapprochée. Refusé. Cela n'a pas empêché des dizaines d'officiels, dont le président Karzaï de venir prononcer des discours émus sur son cercueil. "Nous avons des millions d'Amajan!" s'est enflammé le président à l'adresse des "ennemis de l'Afghanistan." Mais il y a deux ans, le gouverneur de la province de Kandahar, où l'autorité de celui que l'on appelle avec commisération "le maire de Kaboul" ne parvenait déjà pas avait répondu ceci à un responsable d'une organisation humanitaire:
"Nous avons plus urgent que de nous soucier de la condition des femmes. C'est une question de priorité."
Aujourd'hui, M. Karzaï était invité à diner à la Maison Blanche, avec son homologue Pakistanais. Il paraît que George Bush voulait réconcilier ses deux alliés. Mais au Pakistan, il faut toujours qu'une femme violée produise quatre témoins pour échapper à une accusation d'adultère qui peut lui valoir la mort.
La Maison Blanche porte une responsabilité dans l'abandon des femmes afghanes. Cette impuissance, cette résignation au "choc des civilisations" c'est le signe que "la guerre contre le terrorisme" est bel est bien en train d'être perdue.
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6 commentaires:
Non M Attal, je ne connaissais pas le nom de cette femme, car même ici en France la mort d'une militante pour les droits de la femme dans le monde musulman ne fait pas de bruit, dommage pour nous, des personnes telles que cette femme devraient être élévées au plus haut point mais nous ne voyons rien venir ou alors quand il est trop tard. En tant que femme et mère de fille cette situation m'inquiète de plus en plus, la condition de la femme régresse partout dans le monde et dans ces pays obscurantistes c'est pire que tout, quand les femmes européennes(ou occidentales) comprendront-elles la chance qu'elles ont, et que font-elles pour aider leurs consoeurs défavorisées? Je suis désolée de le dire mais quand je vois toutes ces jeunes femmes voilées ici dans les rues j'ai envie de leur dire qu'elles condamnent d'autres femmes ailleurs, certains vont me prendre pour une intolérante mais tanpis je ne changerai pas d'avis.
Quel pessimisme, M. Sylvain Attal ! A moins que vous ne pêchiez par excès d'optimisme...
Non, "la guerre contre le terrorisme" n'est pas en train d'être "bel et bien perdue". Mais comme toutes les guerres contre les totalitarismes, le temps fait tout à l'affaire.
Combien en a-t-il fallu pour se débarasser des régimes communistes sans parler des plaies toujours visibles qu'ils ont laissés.
La guerre contre le totalitarisme nazi a finalement été gagnée, c'est vrai, en "peu de temps", mais il a fallu attendre l'intervention américaine ( et quelle intervention ! Les mêmes en Irak ou Afghanistan sont, hélas, des plaisanteries) ainsi que la dimension d'une guerre mondiale.
On est bien loin de cette dimension dans les territoires totalitaires musulmans.
Et avec un Chirac à la pêche aux voix pour le véto contre l'intervention US en Irak dans quelques unes des fameuses démocraties du continent noir, avec un parti socialiste qui s'enfonce dans l'antiaméricanisme le plus primaire, la guerre contre le terrorisme n'est pas au bout du tunnel.
Bref, patience, Sylvain (familier). Peut-être que vos petits enfants liront un jour vos posts avec respect, vous qui, aujourd'hui, piaffez d'impatience de voir cette boucherie de l'obscurantisme s'achever demain.
Vos petits enfants. Pas les nôtres, ou alors, à leur âge eux aussi, de leur mâturité.
Merci d'avoir écrit sur Safia Amajan. Femme asassinée pour n'avoir pas courbé l'échine ni baissé les bras. Une autre la remplacera, c'est aussi cela, la guerre contre le terrorisme.
Et France 24 ? Ca se passe bien ?
Muriel Bastien - Journaliste indépendante
La guerre contre le totalitarisme islamique, c'est dans nos pays qu'il faut aussi la mener.
Cela doit être terrible d'être femme en Afghanistan, cette grande dame avait beaucoup de courage. Rien n'est jamais tout à fait perdu
On s'y bat encore, comme le montre ce site:www.afghana.org
M. Attal, je partage souvent vos commentaires, mais je sens depusi quelques temps un changement dans vos analyses. Parallèlement à l'affaire Radeker, la conclusion de ce bel article me laisse songeur. Sans les USA, les talibans continueraient de décapiter des femmes dans le stade de Kaboul, de leur interdire les soins, etc...
La Maison Blanche a bon dos je trouve. Que cette opération ne soit pas une réussite, que Ben Laden court tjrs, que les Américains peinent à trouver des relais politiques locaux, soit. Mais il ne tient qu'aux européens d'augmenter leur contingent en Afghanistan !
A force de considérer Bush comme un illuminé, à force de considérer que la diplomatie du Quai d'Orsay est à dix mille pieds au dessus des USA, à force de répéter que l'Orient est compliqué, l'opinion française n'a qu'une issue : se désintéresser encore plus de populations opprimées. Car je ne vois pas qu'une assemblée générale de l'ONU ait jamais mis à bas une dictature. Plus on lâche les américains, plus leur mission va à l'échec.
Plus on dit aux irakiens que la démocratie ne se décrète pas de l'extérieur, plus on incite le sdémocrates irakiens à se taire.
c'est abhérant de savoir qu'en 2006 ces atrocités existent toujours!!!
Terrible réalité !
Comme le dit Nikita, la guerre contre le totalitarisme doit aussi être menée chez nous. En croisant de plus en plus de femmes voilées, dans notre si belle ville de Paris, je me demandais : une femme peut-elle être voilée dès le plus jeune âge et choisir par la suite librement son mari ? Ce qui est sûr, c'est qu'on imagine très mal une femme voilée entrer dans un café et se mettre à discuter avec quelques garçons attablés, simplement, librement, ouvertement. Alors... Ne serait-il pas temps de réagir, avec le courage requis ?
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