Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

24 janvier 2006

La commission Outreau "Live"


Nous venons de vivre, à La Chaîne Parlementaire, avec les auditions d'Outreau, un événement fondateur. Un peu comme fut, à LCI, le récit en direct de la prise d'otage de l'airbus d'Air France à Marignane. Une démonstration de l'utilité concrète de cette télévision dans une démocratie moderne. Moderne ne veut pas forcément dire mature et il faut évidement souhaiter que le pire ne se produise pas. Le pire, en l'occurrence serait une séance de lynchage télévisé du juge Burgaud. Mais il y a quand même des garde-fous. Cette commission est présidée et il faut souhaiter que le président Vallini se montre (davantage) directif dans sa conduite des débats, qu'il réfrène un sentiment compassionnel assez compréhensible mais inapproprié.
Evidement, comme à chaque fois que la télévision fait irruption dans un lieu jusqu'alors sanctuarisé, cela provoque immédiatement des résistances voir des peurs, parfois confuses, dont Daniel Schneidermann se fait l'interprète.
Il me semble qu'il faut accepter ces risques et que la publicité, plus exactement la retransmission télévisée de ces événements est seule de nature à créer ces électrochocs, nécessaires préludes aux réformes dans notre pays.
L'intention prêtée à TF1 de diffuser l'audition à venir du juge d'instruction de Boulogne sur mer doit être comprise comme un hommage aux vertus de la télévision parlementaire. TF1 apportera-t-elle une valeur ajoutée journalistique à ces débats, comme l'ont fait Public Sénat et LCP-AN? C'est à voir.
L'article du Monde de samedi dernier suggérait que la télévision parlementaire, jusqu'ici perçue comme un simple outil d'instruction civique, pouvait se révéler comme un instrument facilitant l'exercice du pouvoir des parlementaires. C'est très intéressant car c'est la première fois qu'on la perçoit comme autrement qu'un reflet mais avec un vrai rôle actif au service de la démocratie. Il faut donc se demander comment doit fonctionner à l'avenir ce couple journaliste-parlementaire qui ne me paraît pas du tout contre nature puisque tous les deux sont sensés devoir exercer une vigilance, voire un contrôle sur l'exécutif ou-c'est le cas ici- sur le judiciaire. Or c'est précisément l'exercice de ce contre-pouvoir qui est problématique en France. Pour les parlementaires le gain est évident et va de soi. Pour le journaliste cela saute moins aux yeux. C'est un journalisme du troisième type, qui n'est ni d'investigation, ni de "validation". En tout cas ce couple inattendu multiplie l'influence des parlementaires et donne aux journalistes une indépendance éditoriale et rédactionnelle assez rare en France. Les deux chaînes parlementaires sont ainsi les seules qui ne dépendent ni directement ni indirectement du CSA, puisqu'elles sont contrôlées par le bureau de l'assemblée dont elles dépendent. contrôle qui ne s'exerce qu'a posteriori et jamais au quotidien.
Evidement il y a la question des moyens. Ceux des télévisions parlementaires sont encore modestes et cela conditionne le travail journalistique. Mais, à mesure que le parlement se rendra compte de ce qu'il a à gagner dans l'exercice de ses missions et que le grand public (qui finance ces chaînes en dernière analyse) verra le service qu'elles rendent à la démocratie, il n'est pas impossible que ces moyens soient sensiblement augmentés. L'impact de la TNT, très fort et beaucoup plus rapide que prévu donnera d'ailleurs des obligations auxquelles il faudra bien répondre.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

M. Attal,
Sans doute n'avez-vous pas reçu mon précédent commentaire.
Je vous repose la question que j'y posais : En quoi les auditions d'Outreau sur la chaîne parlementaire sont-ils "fondateurs" ?
Merci de votre réponse.
PS. Si la modération de votre blog rend toute question impossible, quid d'un blog ?

Sylvain Attal a dit…

Philippe, Fondateur au sens où une équipe prend à cette occasion conscience de son rôle et de son influence. Je pensais que c'était clair. mais on n'est jamais assez clair...

Anonyme a dit…

M. ATTAL
Merci pour votre vue de synthèse du débat et de ses enjeux politiques.
Simple citoyen accédant à la chaine parlementaire, je découvre effectivement la chaine des fragilités humaines et institutionnelles de notre "justice".
La commission parlementaire "Outreau" me semble bien partie en l'occurrence (et par exception) pour ne pas enterrer le problème face au pubic important ayant suivi sa démarche et le contenu partiel mais assez éclectique des réflexions engagées.
Comme ingénieur en organisation industrielle, je dispose d'unepartie transposable d'expérience de fiabilisation d'un processus. A ce propos , s'il me parait utile de sécuriser l'action d'investigation (à charge et à décharge) avant procès, je crains qu'une convergence de demandes aboutisse à une multiplication des juges chargés d'une même affaire.
Car le phénomène est humain, la tendance est alors de pouvoir relacher son attention personnelle sachant que d'autres y pourvoiront.
L'aboutissement est inéluctable :
c'est une dilution des responsabilités.
La seule solution viable consiste à : 1)Veiller à une charge de travail compatible avec une études consciencieuse et sereine.
2) Augmenter la responsabilité personnelle du juge, avec une aide hierarchique elle même responsable de vérifier la procédure (avec sanction des erreurs)et inspections dans le registre de la vérification par sondage.
En somme j'ai l'espoir que la présence d'une responsabilité parlementaire dissuadera la fausse solution corporative qui se dessine.
Merci encore, Cordialités déférentes.