François Bayrou, après tout, n'est pas tout à fait inutile. Depuis qu' il s'est fait chiper par Ségolène Royal le titre de "Tony Blair français" que je lui avait décerné un peu rapidement, on pouvait en effet se poser la question. Son algarade contre les liaisons incestueuses de Sarkozy avec un certain nombre de patrons de presse et, plus généralement sur la soumission de plus en plus importante de la presse (radios et Télé compris) au milieux d'affaires est fort bien venue, même si elle n'est évidement pas désintéressée.
Il faut en réalité distinguer plusieurs choses:
La connivence journalistique, véritable maladie française, est à mon avis le facteur le plus grave. On dirait un vrai fait culturel si l'on en juge par la rapidité avec laquelle un certains nombre de blogueurs, nouveau venus dans la sphère médiatique et de ce fait censés être disposés à rompre avec les pratiques de la classe journalistique "installée", se vautrent dans ce travers insupportable, pour un plat de lentille. Comme le relève fort justement Daniel Schneidermann dans sa chronique du jour (que je ne trouve plus le jour-même sur le site de Libé, décidément rien ne va plus là bas!), Il a suffit que Sarko les invite à Marseille, comme des "vrais" journalistes, et vienne tailler une bavette 5 minutes avec eux pour qu'ils perdent aussitôt leur peu de sens critique et appliquent admirablement cette règle du "off", fort utile en réalité à condition qu'elle ne devienne pas synonyme d'autorisation préalable avant publication, du style: "Oh, m'sieur Sarkozy, la grosse bêtise que vous venez de dire là, c'était "off" ou bien je peux vous citer?"
A mes yeux, avant de dénoncer le comportement de tel ou tel patron, il est bon de savoir qu'à la base même l'indépendance est un combat dont les journalistes ne sortiront vainqueurs qu'en manifestant un peu plus de solidarité confraternelle. Je ne suis pas naïf, je dis seulement ce qui est: Tant que les fayots pourront se prévaloir aux yeux de leur hiérarchie de quelques infos, même sans intérêt, le journaliste qui, lui ne mange pas de ce pain là, et se voit privé de matière aura toujours tort.
Il y a ensuite, la difficulté de plus en plus grande qu'éprouvent un certain nombre de de patron et/ou actionnaires de presse (parmi lesquels on trouve aussi des journalistes) à dissimuler à quel point ils sont impatients de voir Sarkozy élu président. Sur le fond, on peut les comprendre, car non seulement Sarko défend leurs intérêts, mais en plus il se montre souvent amical envers eux et représente un espoir de renouvellement politique dans leur famille politique naturelle. Mais, je serais Sarkozy, je leur demanderais de montrer un moins de zèle (l'affaire Paris Match, et plus récemment celle du sondage de la Tribune etc.). En effet, depuis Giscard qui avait presque tous les media avec lui en 81, jusqu'à la victoire du "non", les cas où l'opinion a fait son choix à l'inverse de celui des media dominants ne manquent pas. Ce phénomène aura tendance à s'amplifier, à mon avis pour une raison très simple qui est le discrédit de plus en plus grand des journalistes, leur manque de fiabilité, et le sentiment de beaucoup de Français qu'ils sont trop proches de la "France d'en haut". Rares sont en effet ceux dont l'avis pourrait peser réellement sur leur choix. Celui qui deviendrait, qu'il le souhaite ou non le candidat "officiel" des media, risque de s'en mordre les doigts en 2007.
Enfin, dernier point qui n'est pas moins inquiétant, la situation économiquement catastrophique de la presse écrite, et la paupérisation du métier de journaliste. De ce point de vue les derniers événements à Libération démontrent que les journaux dans lesquels les journalistes exerçaient encore le contrôle sur la ligne rédactionnelle vont disparaître les uns après les autres parce qu'ils n'ont pas pu ou su conserver la seule garantie de leur indépendance: leurs lecteurs.
Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen
08 septembre 2006
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4 commentaires:
C'est unbn peu hors sujet avec la note qui précède mais je suis d'accord. d'ailleurs je ne mets plus les pieds au Parc des Princes.
Mourir pour des idées ... mais de mort lente.
Cher Sylvain Attal, il faut effectivement denoncer les fayots, et les journalistes doivent sans doute se battre au quotidien contre les petits arrangements et les copinages.
Fort heureusement, ce n'est pas votre genre d'aller manger à la chaine d'autopromotion des sénateurs dirigée par Jean-Pierre Elkabbach, plus grand fayot de l'histoire de l'audiovisuel, et porte flingue de Lagardère. Heureusement, ce n'est pas votre style d'aller mettre en route une chaine de télé française internationale, présidée par un publicitaire et tenue par des proches de Chirac, chaine à la gloire de la vision de la France du président de la république. Bravo pour toutes ces batailles courageuses.
Parce que vous, cher et tres courageux "anonyme" vous avez sûrement de nombreux et éminents faits d'arme à votre actif dans ce combat là! A part donner des leçons que savez vous faire?
Vous pouvez avoir l'opinion qui vous chante sur tel ou tel journaliste, c'est la sacro-sainte liberté d'expression qui recouvre de sa blancheur nombre de billets sur le web et qui semble valoir licence pour dire tout et n'importe quoi en argumentant le moins possible. Concernant la chaîne dont vous parlez sans encore la connaitre-et pour cause-, elle est présidée, en effet, par un (ancien) publicitaire. Est-ce en soi une infamie?. Rien ne vous autorise, de surcroît, à dire qu'elle est "tenue" (je ne me sens pas tenu) par des "proches" (ah! le beau langage, il est vrai pseudo-journalistique) de Chirac...Et vous aurez des surprises si vous attendez d'elle qu'elle soit à la gloire du Président de la République...
Pour le reste, c'est vrai, j'ai oeuvré, entre autres, pour des patrons marchants de canons. Mais aussi pour l'audiovisuel public. Dans les deux cas l'indépendance n'est jamais acquise. C'est un combat. Je suis un peu comme ces vieux communistes qui voulaient changer le parti de l'intérieur...Ils n'y sont peut-être pas parvenus...Mais ils n'ont pas à rougir de leurs combats. Tandis que ceux qui donnent des leçons confortablement assis derrière un ordinateur...
“Il a suffit que Sarko les invite à Marseille”
“Mais, je serais Sarkozy, je leur demanderais de montrer un moins de zèle”.
Oeuvrez pour la crédibilité de presse, relisez vous une minute.
Si j'avais su j'aurais pas venu !
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