Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

06 juin 2005

Le 21 avril-bis reste à venir



On n'a pas fini de mesurer les effets de la bombe à fragmentation du "non de gôche". L'élimination de Fabius de la direction du PS n'est qu'un premier épisode d'un scénario implacable décrit devant moi par René Rémond, à Tel Aviv, en marge du colloque sur Vichy (voir notes précédentes). Voici ce que disait, deux semaines avant le référendum ce pionnier, ce maître Yoda de la science politique française: "Si le Non l'emporte, je pense qu"il n'y aura pas de candidat de gauche au second tour de la prochaine élection présidentielle." Et cela, bien sûr, parce qu'il y en aura eu trop au premier tour comme ce fut le cas le 21 avril 2002.
On peut expliciter le raisonnement:

Premier cas de figure: Les militants PS se rassemblent derrière Fabius pour les faire gagner en 2007. C'est le moins probable car la victoire du non n'a absolument pas amélioré la perception qu'ont de lui les militants, ni d'ailleurs les Français, si l'on se réfère aux études qualitatives faites par les sondeurs. Mais enfin, admettons qu'à l'issu d'une intrigue de couloir dont les socialistes ont le secret, type "congrès de Metz", Fabius se trouve suffisamment d'alliés pour prendre le contrôle du parti, et se faire désigner. Il se trouvera certainement plus d' un dirigeant socialiste pour lui rendre la monnaie de sa pièce: Aubry, DSK et pourquoi pas Jospin? Ils ne voudront pas qu'on dise que "le crime a payé". Fabius a créé lui-même un précédent en s'affranchissant d'un vote interne.

Second cas de figure: Le Parti désigne un candidat de l'actuelle direction. Ce ne sera pas sans peine car elle est elle-même divisée en chapelles représentant autant d'ambitions forcenées, mais enfin, elle peut y arriver. Les socialistes s'étripent souvent, mais, jusqu'à Fabius, la ligne rouge était le respect du vote des militants. Même Rocard s'y est plié en 81, malgré sa haine envers Mitterrand. En 88, il le fit à nouveau, en échange de Matignon. Aucun de ces arrangements ne peut se faire entre Fabius et les dirigeants du PS car, a leurs yeux, l'attitude de Fabius, en contribuant grandement au succès du non a joué contre la France en même temps que contre la gauche.
De surcroît, Fabius a montré qu'il n'avait pas le même sens du sacrifice que Rocard, et surtout, aujourd'hui, aucun éléphant socialiste n'a un ascendant sur les autres: Fabius, Hollande, Aubry, DSK, Emmanuelli et même Peillon et Montebourg jouent grosso-modo dans la même catégorie, ou le pensent.
Pour toutes ces raisons, plus le fait qu'il a déjà montré le peu de cas qu'il faisait des décisions collectives de son parti, Fabius se présentera quand même. Il pensera pouvoir sortir vainqueur d'une primaire devant les Français. Emmanuelli a d'ailleurs lancé un ballon d'essai le 29 mai au soir en proposant une primaire "à l'américaine". Fabius reprendra sans doute l'idée au vol, pour que les Français, ou plus sûrement les sympathisants de gauche, se prononcent dans un scrutin préalable qui n'est pas prévu dans les statuts. La direction n'acceptera jamais, car la situation du pays ne va pas s'améliorer et bien sûr Fabius pourrait surfer sur le mécontentement des nonistes de gauche . Hollande n'acceptera d'ailleurs jamais rien venant de lui, d'ici 2007. Les couteaux sont tirés.

Je ne parle évidement pas des éternelles candidatures d'extrême-gauche (une , deux, trois, quatre? tout est possible), des candidatures de témoignages venant de toutes les bonnes volontés qui seront sûres de détenir la recette pour réconcilier la gauche et qui à l'arrivée feront 1 ou 2%. Tout cela risque bien d'être suffisant pour éliminer tous les candidats de gauche du second tour.
Evidement ce scénario n'est pas inéluctable. On peut espérer un sursaut. Mais il est quand même le plus vraisemblable. C'est encore un résultat du vote "révolutionnaire" du 29 mai. Electeurs de gauche, bravo, et préparez-vous donc à voter pour Sarkozy en 2007, contre Le Pen, Jean-Marie ou Marine.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

La guerre interne au PS est effectivement très inquiétante... elle n'augure rien de bon pour la démocratie de notre pays.

J'apprécie toujours autant votre travail, M. ATTAL, et toutes vos prises de positions justes et courageuses qui je pense ne doivent pas vous attirez que des amis.

J'aimais bien votre émission RMC-info controverses, quand vous y etiez car depuis je ne l'écoute plus (existe-t-elle toujours ?). Je ne supporte pas le manichéisme de M. Marshall.

Sachez que vous avez des soutiens.

Samuel. (anciennement de Lyon)

all a dit…

Jospin reviens !

Anonyme a dit…

Je ne comprends pas que l'on puisse attendre une candidature de Jospin en 2007. Je ne suis pas contre cette idée mais je ne vois pas de quelle vision il est porteur. La sociale-démocratie, il le sont tous ou presque au PS, c'est une posture obligatoire depuis que les élections se gagne soit-disant au centre... dans ce registre DSK me semble beaucoup plus convaincant. Je suis aussi assez dubitatif sur le resultat des elections de 2007 mais comme dirait M. Balladur ou M. Jospin, on verra au soir du premier tour.

Anonyme a dit…

Attention à ce que vous dites. La censure élyséenne surveille et frappe quand elle veut sur le Net.

Témoin la mésaventure de ce vrai-faux blog très gentiment et respectueusement humoristique consacré à l'homme qui voulu par dessus tout être Président sans jamais s'être réellement préoccupé de l'avenir de la France
http://www.jacqueschirac.org