Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

13 juin 2005

Ravissant



D'abord la joie, bien sûr. La joie simple de voir une femme, une consoeur, une condisciple du CFJ, revenir enfin de cet enfer. Ensuite voir ce beau sourire déjà si franc sur les photos que nous avions d'elle, nous qui ne la connaissions pas personnellement. Nous étions ravis de la voir de retour. Ravis nous avions été aussi pendant ces 158 jours, puisque nous avions accepté, de bonne grâce, d'être tous ensemble, la France entière prise en otage par ces bandits. Il y avait cette affiche qui le disait très bien: "leur liberté, c'est aussi la notre." Mais liberté de quoi au fait? D'informer? D'être informé? Il faudra revenir la dessus. Mais puisque nous l'avions décidé ainsi, peu importait le prix de cette libération (car évidement il y en a un), nous pouvions nous permettre de le payer, tant l'élan de solidarité fut grand. Nous sommes un grand peuple, intraitable, qui dit non,( aux américains, à la constitution), mais qui fond devant la douleur d'une compatriote et accepte le chantage crapuleux. Assumons.

En ce qui me concerne, comme beaucoup, j'ai souvent pensé au calvaire de Florence Aubenas, mais j'ai plutôt bridé mon envie de participer à cette médiatisation, ne pouvant me résoudre à contribuer à la hausse des prix de l'otage français. Je ne sais pas si j'avais raison. Je suis encore partagé. Bien sûr, Florence (puisque tout le monde l'appelle ainsi) a bien expliqué le baume que lui avait apporté TV5, lorsqu'elle fut autorisée par ses geôliers à regarder la télévision. Jean-Paul Kaufman avait dit la même chose déjà. Mais elle a aussi, en bonne journaliste, évoqué le
cynisme des ravisseurs qui exultaient, à chaque fois qu'on parlait d'elle à la télé: "C'est bon ça marche, on parle de vous!"
De tout cela, du réconfort, du cynisme, de tout nous avons été des complices plus ou moins conscients.
Le prix, je le dis, ne me gêne pas. Que valent quelques millions de dollars, comparés ne serait-ce qu'à une seule vie humaine? Mais pourquoi donc s'obstiner à nier, comme l'a fait Jean-François Copé, qu'il y ait eu "
demande de rançon." Avez-vous remarqué? Il a dit "demande", pas "versement". Parce-que le gouvernement Français ne s'est pas occupé directement de cet aspect des choses? Parce que ce sont des intermédiaires sentant fortement le pétrole qui s'en sont chargé? Possible, mais il y aura alors forcément une contrepartie, un jour ou l'autre, dont on ne nous dira rien, hélas. Et ces intermédiaires ne se contenterons sans doute pas de la Légion d'honneur...
Si l'enlèvement ne répondait pas, ou pas entièrement à des préoccupations d'ordre politique, mais était bien essentiellement d'ordre crapuleux, le prix à payer, lui, sera peut-être politique, ce qui est plus grave que de verser quelques millions de dollars à des bandits. Car ce prix-là entravera encore plus la politique étrangère de la France, dont on voit bien qu'elle ne pèse plus d'aucun poids dans cette région, hors-mis, hélas, d'un début d'expérience en matière de négociation d'otages, dont elle pourra toujours se prévaloir.
Quand à nous, journalistes, contentons nous de constater que l'information indépendante en Irak est devenue une mission réellement impossible. Le risque était devenu si grand déjà, que le gros des journalistes ne sortaient pratiquement plus de leurs hôtels à Bagdad, où ils étaient devenus de simples boites aux lettres. Les autres sont soit encadrés de telle sorte (les Américains), qu'ils ne voient plus rien, soit inconscients et se font enlever. La dernière catégorie, est, en France en voie de disparition, du fait, justement, de la valeur marchande importante du Français sur le marché de l'otage. Ce n'est pas le moindre des paradoxes de ce mouvement national pour "Florence et Hussein" que d'avoir tué le métier d'envoyé-spécial français en Irak, au nom, bien sûr, des meilleures intentions du monde.

9 commentaires:

all a dit…

Bonjour,
C'est vrai qu'il ya un véritable biznes du rapt en Irak ; je pense aux trois journalistes Roumains Sorin Miscoci, Ovidiu Ohanesian, Marie Jeanne Ion, et aux dessous sordides de leur enlèvement.
Il est de la responsabilité de l'État Français de dire maintenant: « Vu la situation à Bagdad, si vous partez ce sera à vos risques et périls ; et si vous vous rendez en Irak à titre privé souscrivez une assurance-enlèvements auprès d'un assureur privé. »
Que July paye la prime d'asurance, moi je me contente des communiqués de l'armée US, des communiqués de la résistance et de ça
Cordialement

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je ne suis pas d´accord avec Sylvain sur plusieurs points (3).

D´abord, comme ça, à la va-vite, au feeling, il y a quelque chose dans Florence Aubenas qui ne me plait pas trop. Sylvain utilise l´adjectif "franc" à propos de sa consoeur : et bien, moi, c´est justement l´adjectif contraire que j´ai envie d´utiliser ! Une opinion totalement subjective que je revendique comme telle.

Ensuite, je ne sais pas si elle "bonne" journaliste car j´avoue n´avoir rien lu d´elle. En revanche, il est absurde, débile et contre-productif d´envoyer en Irak une personne qui ne parle pas arabe (et à l´aspect si occidental !) C´est la grosse erreur de July ! Je suppose qu´il se faisait mousser car évidemment c´est tellement "bien" d´avoir un correspondant spécial en Irak ! M... alors : la France ne manque pas de citoyens d´origine maghrébine parlant arabe et français non ? Et pourquoi ne pas recruter un journaliste tunisien ? (ou libanais ou marocain...) ?

Enfin, je ne suis pas d´accord sur la France en "perte de vitesse dans cette région". Nos diplomates sont au top : au moins Barjolet parle arabe parfaitement (pas comme Bremer, Négroponte et les autres pro-consuls des américains). Et de rares sondages d´opinion réalisés au Moyen-Orient prouvent que l´image de Chirac est excellente : il dépasse même Ben Laden dans certains pays !

Anonyme a dit…

Oubli :

Mes journalistes "rêvés" pour le Moyen-Orient sont : Robert Fisk, parfaitement arabophone, grande figure de The Independent (c´est quand même le mec qui a rencontré Ben Laden dans sa caverne !) et pour la France, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz du Monde, auteur du fantastique "Villes du Sud".

Anonyme a dit…

Que direz vous Sylvain si BHL va en Irak et se fait enlevé"d'apres les dires de BHL(aller en IRAK et se faire envelé pour avoir sa photo à la mairie de PARIS)Et si un journaliste israélien se fait enlevé comment reagirez vous et votre communaute en France.Ce que vous ne supportez pas;c'est la politique Française et son amitie envers les pays Arabo-Musulmans.

all a dit…

hum..
BHL est allé en Bosnie défendre des musulmans, non ?

Anonyme a dit…

BHL n'est pas sincére.Il y'a un besoin vital de pub.Les PALESTINIENS sont Musulmans et Chrétiens.Mais se battent contre l'occupation de leur terre et la mort de leurs proches.L'etat d'israél est leur ennemi.Donc BHL,ne defend que ses interet.

Anonyme a dit…

Je suis heureuse de pouvoir lire des interrogations que j'avais honte d'avoir et d'exprimer, oui car comment ne pas s'interroger sur ce qu'à coûter (au sens figuré) ces libérations et jusqu'où aller pour informer? Juste un doute légitime pour finir suis-je réellement mieux informée?

Sarah

Anonyme a dit…

Si personne ne paye plus jamais de rançon, il n'y aura plus d'interet à prendre des otages

Anonyme a dit…

http://www.memopnha.com/algarade.html