Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen
31 janvier 2006
Mittal, une défense française
Une belle union sacrée est en train de se faire en France, de Jean-Claude Mailly (FO) à Thierry Breton en passant par le réputé "social libéral" Strauss-Khan, contre "l'envahisseur" indien Lakshmi Mittal.
"Question de valeurs" a dit notre échevelé ministre des finances. Mais de quelles valeurs parle-t-il au juste? Arcelor (qui n'est pas une entreprise française mais un conglomérat européen) n'a-t-il jamais elle-même licencié? Ni lancé d'OPA hostiles, comme récemment au Canada? Les Français suggèrent que les méthodes des pays émergents vont désormais s'appliquer dans la sidérurgie européenne. Comme si les ouvriers d'Arcelor allaient être réduits aux salaires indiens. Au secours mère Théresa! Après Bolkenstein, voici notre notre nouvel ennemi. Cette fois c'est pire car il a le teint mat.
Car c'est un drôle d'Indien, ce zèbre: Doté d'un passeport britannique (la BBC le voit simplement comme "l'un des hommes les plus riches du Royaume Uni"), sa société est basée aux Pays-Bas. Elle ne possède aucune usine en Inde mais en a aux Etats-Unis, en Europe de l'Est et ...en France. Il annonce en signe de bonne volonté qu'il souhaite se développer en Europe, donc y créer des emplois et qu'il transférera son siège social au Luxembourg.
Mais Breton n'entend rien de tout cela et persiste à s'opposer (au nom de quoi? L'acier ne figure même pas dans la liste récemment dressée des intérêts "vitaux" du pays) à une concentration capitalistique plébiscitée par le marché.
Après les yaourts, l'acier, voilà dans un bel unanimisme la France dressée contre un ennemi imaginaire qui, du coup, repousse encore à plus tard l'indispensable réflexion sur ce que doit être une politique industrielle confiante et ambitieuse, ouverte au monde.
DSK, chaque jour un peu plus désespérant a suggéré une "renationalisation temporaire" d'Arcelor. Sans doute a-t-il envie de dîner avec Besancenot. Comme si le contribuable français n'avait pas d'autres chats à fouetter.
Et puis, comment renationaliser une entreprise qui n'est même pas française?
La France met ses chariots en rond contre l'attaque indienne et s'apprête à tenir le siège. En France nous aimons beaucoup les étrangers, surtout quand ils tiennent des épiceries et des restaurants, ou sont au RMI. Et s'il y avait, derrière cet accès de patriotisme économique, quelques relents xénophobes?
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4 commentaires:
d'ac avec toi Sylvain , les reactions de vierges effarouchées de nos gouvernants et des médias sont franchement risibles...
Tiens , une infos : Lakshmi , c'est en Inde le nom de la déésse de la richesse....prédestiné non ?
Je suis d'acord sur les réactions très ridiculeusement "cocorico" de la France.
Toutefois les protestations des politiques ne sont pas a prendre au premier degré. Il cherchent surtout à se justifier par rapport à leur électorat inquiet.
Cela prouve quand même que la France n'est pas encore mûre pour une économie libérale...il y a encore beaucoup de travail à faire,pour changer les mentalités toujours conservatrices.
D'accord aussi sur ce post. J'ajoute que DSK évoque la "renationalisation" depuis plusieurs mois, avant donc cette affaire.
Celle-ci montre l'inculture française (dont se vantais Mitterrand) en matière économique. En effet, quelle est la crainte réelle ? La délocalisation. Or elle peut être le fait de groupes "français". Il paraît par exemple inévitable que dans les prochaines années l'industrie automobile passe à la vitesse supérieure en ce domaine.
A mon sens, la véritable question est : y-a-t-il un avenir pour l'industrie en France ? Peut-on rivaliser avec les coûts sociaux de pays émergents, ou parfois de certains de nos voisins ?
La seule issue serait d'une part de "renationaliser" ou plus exactement "d'aider" les industries nouvelles à forte valeur ajoutée, et de baisser les charges sociales des secteurs encore présents. Cette dernière solution étant quasi impossible dans notre pays, seul le retour du "plan" au niveau européen (vieille idée rocardienne) conjugué à la création d'un véritable esprit de capital-risque peut maintenir une activité industrielle. Sinon, la France deviendra progressivement un Touristland, où nous louerons tous qui une chambre d'hôte qui une barque sur les canaux...
Billet très bien foutu...
Je ne sais pas si on peut parler de racisme (La réaction n'aurait-elle pas été la même avec un américain ?) mais de xénophobie assurément. Les français sont très effrayés par la concurrence étrangère et les politiques exploitent ces peurs. Je n'en veux pas tellement aux français de cette attitude ; j'en veux plus aux dirigeants.
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