Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

03 avril 2005

Un pape populaire

J'ai passé ma soirée-et même une bonne partie de la nuit- devant les éditions spéciales des chaines d'info, dès l'annonce de la mort du pape. Comme d'habitude j'étais envieux devant le professionalisme et les moyens de CNN, consterné devant l'indigence des chaines françaises. Mais passons...
A ma grande surprise, j'étais ému par la fin de ce très grand homme. L'un des derniers, sinon le dernier géant du XXème siècle qui s'était dréssé contre les deux totalitarismes, avec dans le cas du second, le communiste-dont on sent bien qu'il sucite encore de la nostalgie ici même-le rôle que l'on sait dans son effondrement. J'ai noté, à ce propos, l'hommage de Gorbatchev rendu à un "humaniste". Cet homme était en effet universel, ce qui pour certains chrétiens est synonyme de catholique. Je ne partage ni la religion, ni même la foi de cet homme, mais je ressens à quel point le monde perd avec lui un personnage exceptionnel.
Bien sûr comment oublier son rôle dans la réconciliation judéo-chrétienne? En 27 ans de pontificat il a réussi a triompher de 2000 ans de bétise. C'est dire...Les prières dans les synagogues, au moins à Paris, étaient d'ailleurs un hommage réconfortant.
Ce qui m'agace, ce sont les sarcasmes de certains, en général d'ailleurs de catholiques de naissance envers un pape jugé "réactionnaire" (voyez libé). Ah! le bel épithète! Quand il est lâché tout est dit aux yeux d'une certaine gauche bien pensante. La même qui voudrait aujourd'hui nous faire voter "non" à la constitution européenne, pour, comme l'a dit Mélenchon, ne plus se "coucher devant la deuxième gauche". Celle, précisément qui ne renie pas son inspiration chrétienne, tiens, tiens... On se rendra compte un jour que les prises de positions de Jean-Paul II contre les excès du libéralisme auront eu cent fois plus d'impact que leurs cris d'orfraie contre "la tyrannie des marchés", ou "la concurrence non faussée". Karol Wojtyla venait, lui, d'un pays ou ne règnait ni marché ni concurrence, on a vu ce que ça donnait: Le matérialisme absolu, dont cette gauche ne pardonnera jamais au pape de nous en avoir débarrassé, en tout cas dans sa version soviétique.
Dans mon quartier "bobo" on n'aime pas beaucoup les cathos. Chose vue l'autre jour, place de la Contrescarpe. C'était vendredi saint. La place ensoleillée est livrée aux indolents. Tout à coup surgit une procession. Le chemin de croix, des chants etc... Autour de moi je n'entend que propos méprisants voire indignés. Comment osent-t-il, enfin, nous imposer ce spectacle? Les mêmes qui ne trouvaient rien à redire, je suppose, devant les filles voilées à l'école ou dans les administrations et se sont affichés avec les barbus dans les manifs. Tellement exotique! Quelle occasion de montrer son ouverture d'esprit, sa tolérance! Tolérance à laquelle tout le monde à droit sauf les catholiques, et me semble-t-il aussi les Juifs un peu trop proches d'Israël.
On connait, bien sûr, les reproches fait au pape au sujet de ses positions étriquées sur l'avortement, le mariage des prêtres, l'homosexualité ou la place des femmes dans l'église. Ce n'est pas, de loin, ce qu'il a fait de mieux. Je ne partage absolument pas les idées du pape sur ces questions, mais après tout il n'obligeait personne à le suivre.
Même une partie des catholiques a, jusqu'au bout, dénigré l'oeuvre de cet homme jugé "conservateur". Hier, un representant de Golias disait sur itélé (ils adorent Golias sur Itélé) qu'il ne fallait pas oublié que le pape était dans la main (noire!) de l'Opus Deï et que même son action en direction des Juifs cachait un désir secret de les convertir! Une opinion partagée par certains Juifs, je le sais, qui manquent de confiance dans les capacités du Judaïsme à surmonter cette tentation. mais sans doute faut-il y voir un hommage involontaire au pape, à sa capacité à parler au coeur de tous.
Mais la dernière chose, enfin, que cette gauche-là ne pardonnera pas à ce pape c'est d'avoir été populaire, comme en témoigne l'hommage du monde entier, à commencer bien sûr par celui de la place Saint-Pierre. Son successeur aura bien du mal à perpetuer ce lien émotionnel avec les fidèles du monde entier.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le reproche facile fait à Jean-Paul II de ne pas avoir été " de son temps " est effectivement stupide. Il me semble qu'un grand esprit est intempestif et qu'un Pape qui aurait cédé aux injonctions de la bien-pensance politiquement correcte n'aurait pas tenu son rôle. Pourtant, je ne partage pas ses convictions en matière de morale sexuelle et du statut des femmes, mais je ne suis pas Pape...Chacun son rôle, ses engagements.
Je reconnais à ce Pape ce que tout le monde lui a reconnu, je n'y reviendrai pas. La seule chose qui me froisse - euphémisme - est la canonisation, programmée par ses soins, de Pie XII. Et c'est là que le bât blesse...Comment peut-on à la fois faire acte de repentance, au nom de l'Eglise, au sujet de la Shoah et prévoir de canoniser celui qui n'a pas voulu voir et entendre ? J'avoue que cela me laisse quelque peu perplexe.