Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

22 avril 2005

Benoît XVI est-il un fondamentaliste?

Depuis l'élection de Benoît XVI, la grosse artillerie est lâchée pour le stigmatiser. D'accord, en France il est assez traditionnel de bouffer du curé. Ça fait partie de notre culture. Tout est cependant dans le choix des arguments. Or, je le dis tout net, ceux qui sont employés me semblent très suspects.
Comme certains d'entre-vous ont estimé que ma précédente note sur la dénonciation de la dictature du relativisme n'était pas assez claire, je vais donc essayer de préciser le fond de ma pensée.
Tous ceux qui attendaient un pape "libéral" (mais qui dénoncent obstinément le supposé "libéralisme" de la constitution européenne, celui du Medef ou de Raffarin etc...), ceux qui auraient tant préféré un pape sud-américain, proche de la théologie de la libération, bref un pape qui épouse le programme politique des "Verts", ceux-là n'ont retenu qu'une seule chose, n'ont qu'un seul os qu'ils rongent à fond : Comment les cardinaux ont-ils pu élire ce réac bavarois qui a fait partie des jeunesses hitleriennes! Depuis mardi soir, j'en ai quelques échos autour de moi , les forums internet, les chats, les standards des émissions interactives à la radio et à la télé ont été submergés de messages sur ce seul point de la biographie du pontife. On sait que les biens-pensants n'aiment rien tant que de faire passer leurs ennemis pour des nazis. Bush, Blair et Sharon en savent quelque chose. Or, il y a ici un retournement on ne peut plus pervers de l'histoire personnelle de Ratzinger, marqué au fer rouge par l'expérience nazie, enrôlé de force, à douze ans, dans les Hitler Jungen (comme Günter Grass ou Jürgen Habermas que nul ne songerait à soupçonner d'avoir eu un penchant nazi), puis, avant l'âge encore, dans la werhmart. C'est précisément ce qui l'a amené à juger, plus tard, très sévèrement l'attitude des catholiques durant cette période, et l'abandon des Juifs. D'où, le pardon demandé aux "frères aînés", initiative de Jean-Paul II mais à laquelle le cardinal Ratzinger n'était pas étranger.
Ce que dit Ratzinger, qui est un témoin de l'Allemagne anti-nazie, c'est que lorsque l'Eglise se soucie plus de suivre le courant de la société que ce qu'elle estime être la vérité, lorsque toutes les idées, les comportements sont mis sur le même plan au nom du relativisme, sans que la morale n'intervienne plus dans le jugement, on ne distingue plus le Bien du Mal, et cela aboutit au nazisme ou au stalinisme. Il n'est pas bien vu de revendiquer cette rhétorique du Bien et du Mal, dénoncée souvent au nom d'un enseignement des Lumières, à mon avis mal compris. Mais si même le pape de la religion catholique ne peut plus se prévaloir de cette prérogative, alors à quoi sert-il? C'est ce que le cardinal voulait dire, à mon avis, par cette phrase : "lorsqu'une religion s'assimile au monde, elle devient superflue." Le monde ne désigne pas ici la vie, la démocratie, le libre-arbitre, mais pour un religieux catholique, l'ensemble des faiblesses humaines qui incarnent la tentation du Mal, laquelle ne peut être vaincue que par la foi.
On est, ou non d'accord avec cela, mais cela ne change rien. J'ai pour ma part une éthique laïque, mais imprégnée de culture judéo-chrétienne. Les musulmans laïcs, lorsqu'ils n'ont pas cédé au fondamentalisme, partagent eux aussi ces repères.
Je lis, ici ou là, que ce pape est en fait un fondamentaliste car il pense détenir la vérité, mais surtout parce qu'il veut l'imposer aux autres, qu'ils soient ou non catholiques. Bref que sa dénonciation du relativisme cache en fait une condamnation du pluralisme, ce qui serait beaucoup plus embêtant. Il est trop tôt pour savoir si cette tendance, décelable dans certains textes de Ratzinger, se vérifiera ou non. Je pense plutôt qu'il dénonce un relativisme absolu qui pousse un certain nombre d'esprits, catholiques notamment, à douter de leurs propres valeurs, parfois jusqu'à la haine de soi. Mais je suis certain d'une chose : dans le mauvais procès en sorcellerie fait à Benoît XVI, il y a un terrible non-dit : Ses inquisiteurs laïcs ne lui pardonnent tout simplement pas d'être l'ami des Juifs et, en effet, d'Israël. D'avoir, avec son ami Wojtila fait cet acte historique de contrition pour le meurtre des Juifs. De ne pas partager cette religion européenne qui fait parfois si naïvement de 1945 le début d'une nouvelle ère. Bref, de croire encore en l'Histoire. Des broutilles, quoi.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Qu'entendez-vous par "musulman laïc"? La suite de votre phrase semble par ailleurs sous-entendre que le musulman "laïc" cède souvent au fondamentalisme?!!

Anonyme a dit…

Mouais...

Anonyme a dit…

bonjour,

je suis en parfait accord avec ce point de vue sur le relativisme.
Il est important qu'une voix au moins en Europe se prononce en termes moraux, en distinguant le Bien du Mal. Il n'y absolument rien a craindre que cette voix soit celle du nouveau pape car le travail de reconciliation de l'Eglise avec la modernite et la raison a deja et en large partie accompli avec le concile de Vatican II.
La perpective d'un "nouveau totalitarisme religieux d'origine chretienne" releve donc du fantasme.
Cette peur n'est que, selon moi, le cache-sexe d'une peur beaucoup moins politiquement correcte et beaucoup plus justifiee, celle liee a la montee en puissance du totalitarisme politico-religieux d'origine islamique.
Car la, pour le coup, le processus necessaire d'adaptation de l'islam a la modernite et a l'esprit des lumieres ne fait que commencer, avec les plus grandes difficultes....

all a dit…

Bien "relativisme absolu", l'oxymoron du jour :)
Ce que désigne Benoît XVI par "pensée relative" c'est tout simplement la réalité du monde moderne dont les courants ne peuvent pas toujours être assimilés à une "mode". Et si une religion ne s'assimile pas au monde, elle peut assimiler le monde et n'en aura que plus de chances de durer et de plaire.
La bioéthique, les cellules souches, la liberté sexuelle et les moyens de contraception, tout ça c'est nouveau et il faut bien chercher à comprendre avant de condamner, que diable.
En tant que Chrétien je ne souhaitais pas du tout ce pape théologien et ouvertement rétrograde.

Anonyme a dit…

Merci Yvan de prendre soin de lire & d’éclairer vos Bloggers!
Je suis le post anonymous resté sur sa faim quant au Relativisme Occidental.
Je n'est toujours pas compris compris comment ne plus l'être- anonymous... on peut m'éclairer sîouplait?

Mon Post en trois points :

Ø D'accord avec votre analyse concernant la tellement facile et attendue lapidation médiatique du Pape au vue de son embrigadement forcé aux HJ. Viens juste de faire la démonstration au téléphone à ma mère.
Ø D'accord avec David: les Français dont les racines se trouvent en pays de tradition musulmane et laïcs sont tout autant que nous imprégnés de culture judéo-chrétienne puisque élevés et nourris aux mamelles des Institutions Républicaines.
Réduire cet héritage en un fardeau qui ne leur propose que deux voies de développement naturelles- Laïque ou Fondamentaliste- n’est-ce pas faire montre pour le moins du Manichéisme que vous dénoncez ici même ?
Ø Perplexe quant à votre conclusion : les médias tirent à boulets rouges sur Le Saint Siège parce qu’il est l'ami d'Israël ??? Me fait l’effet d’un étouffe chrétien- non vraiment passe pas !
Matisse

Anonyme a dit…

Les Guignols de l'Info ne font plus rire. Ca fait longtemps. Ca fait longtemps qu'ils participent sciemment du discrédit de nos hommes politiques. L'émission de tf1 jeudi dernier a montré avec éclat ce que pouvait produire comme dégât sur la jeunesse, la culture "Guignols". Des gens incapables de penser, de parler, sans ressorts, mous au-delà de l'acceptable, les Guignols de l'Info ont façonné une jeunesse mûre pour tous les totalitarismes. Que ces mêmes Guignols prétendent dénoncer, notamment quand ils qualifient Benoît XVI d'Adolf II.

Aujourd'hui, les Guignols de l'Info ne peuvent plus se retrancher derrière le paravent de la caricature. Cette violente prise de position anti-catholique, anti-allemande, anti-personnelle vis-à-vis d'un homme dépasse l'entendement. Déjà, le SuperMenteur de ceux qui avaient largement contribué à populariser celui qu'ils allaient détruire quelque temps plus tard, frôlait la limite de l'outrage. Cette fois, les Guignols de l'Info l'ont franchie allègrement.

C'est vrai qu'avec un homme aussi fin que Bruno Gaccio à sa tête éditoriale, les Guignols de l'Info de Canal+, vieille jeune télévision, ringarde et finissante, on ne peut pas non plus s'attendre à des sommets d'humour. De là à l'atteinte directe ad hominem, il y a un pas que les Guignols de l'Info de Canal+ ont fait et qui est inadmissible. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est saisi.

Gageons que pour une fois, le Csa ne se montre pas une simple chambre d'enregistrement, mais le réel instrument de surveillance qu'il se targue d'être. En prenant la décision la plus ferme qui soit, c'est-à-dire la mise en demeure de Canal+ de cesser la diffusion des Guignols de l'Info. Toute décision autre ne pourrait être interprêtée que comme un énième applatissement devant les forces de l'argent et du pouvoir.

Anonyme a dit…

Coquille ! C'est Hitlerjugend -pas Jungen -