Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

25 avril 2005

Les soutiens-gorge chinois, la constitution et les seniors

L'affaire des importations de textiles chinois fournit la meilleure démonstration possible du besoin d'une constitution européenne. Aujourd'hui, la commission qui ne peut dans les faits recevoir d'injonction des Etats qu'à l'unanimité est de facto abandonnée sur sa pente naturelle qui est non pas celle du libéralisme mais de la dérégulation.
Or il est impensable que l'UE ne puisse se défendre et se montrer ferme face aux chinois qui emploient des arguments dilatoires pour s'exonérer leurs responsabilités.
Avec la constitution il n' y a aucune assurance qu'elle y parvienne, mais au moins elle le peut sur le papier. Les 12 pays (Dont la France, l'Espagne, l'Italie et la Pologne) qui sont en faveur d'une procédure de sauvegarde d'urgence formeraient une majorité qualifiée pouvant peser sur une commission trop frileuse. Ce serait la possibilité de sauver une partie au moins des dizaines de milliers d'emplois menacés, selon le Medef. Avec le seul traité de Nice c'est l'assurance de les voir partir en fumée. Ceux qui croient servir l'Europe Sociale en votant non feraient bien d'y réfléchir.

Quand à la campagne du Oui, elle fait appel de façon remarquable aux "seniors", comme on dit en "politiquement correct": Giscard (79 ans), Barre (81 ans), Simone Weil (76 ans). Comme je l'ai déjà dit, trois ans d'absence n'ont pas suffit pour que le PS trouve un remplaçant à Jospin (67 ans). Toutes ces personnalités sont éminentes. Mais comment expliquer l'incapacité dans laquelle se trouvent la France et les français de s'en remettre à des élites rajeunies? Zapatero a 44 ans. Tony Blair brigue un troisième mandat à 53 ans!

Pour vous montrer que je ne fais pas dans le jeunisme, voici quelques morceaux choisis de l'interview que donne Raymond Barre au Figaro ce matin
:
Sur la question de la directive Bolkestein, il est le seul a avoir osé défier la démagogie ambiante en affirmant :

"Je n'ai pas compris le comportement quasi hystérique qu'a provoqué un projet de directive proposé par la Commission et soumis, avant son adoption, à l'avis du Parlement européen et du conseil des ministres. Derrière cette position de refus, il y a le fait qu'en France, certains secteurs corporatistes et protégés refusent la concurrence. Certes, il faut éviter que celle-ci soit destructrice des règles sociales et compromette le fonctionnement d'un marché équilibré. Mais en réalité, nous avons besoin d'une ouverture progressive du marché européen des services : une bonne partie des emplois de demain en dépendra. Nous, Français, n'avons aucun intérêt à nous y opposer
."

Je suis en revanche beaucoup plus circonspect sur son analyse de
la question turque :

"Derrière les protestations des Français envers la Turquie, il y a leur méfiance instinctive à l'égard de l'immigration et de l'islam. La Turquie est un pays islamique qui, depuis de nombreuses années, veut se moderniser en se rapprochant de l'Europe. Elle peut demain, à l'égard d'un islam dont nous ne connaissons pas l'évolution, apparaître au sein de l'Union comme un facteur de dialogue, de modération et d'équilibre."

Je crois que, paradoxalement, les islamistes turcs s'appuient tactiquement sur la perspective européenne pour marginaliser les militaires qui representent une force nationaliste opposée à leur installation durable au pouvoir.
Par ailleurs, tout ne peut être exclusivement résumé à une supposée "islamophobie". Si même les Pays-Bas semblent eux-aussi incliner vers le Non, c'est certes à cause d'une crue du chômage inhabituelle dans ce pays mais aussi en raison du débat qui y fait rage depuis l'assassinat de Théo Van Gogh sur les bienfaits supposés de la société multiculturelle.

Enfin, je trouve, en effet, très actuelle cette invitation de Toqueville au peuple français,
«tellement mobile dans ses pensées journalières et dans ses goûts, (afin qu'il) ne devienne pas un spectacle inattendu à lui-même et ne demeure pas aussi surpris que les étrangers à la vue de ce qu'il vient de faire».

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Soyons honnête : même en voulant faire avancer l'Europe, je ne peux pas dire cette nuit que je suis exceptionnellement heureux du climat qui règne en France. Méfiance, peur, frilosité, angoisse, appelons ça comme l'on veut, il y a un malaise profond qui s'exprime, non à travers les sondages, mais bien dans les débats suscités dans la société civile. Je méprise les sondages, et je suis pour l'interdiction pure et simple des sondages d'opinion politique. Comme le crédit à la consommation. J'y vois d'ailleurs une analogie. Mais j'y reviendrai à l'occasion d'une autre note.

Ici, ce qui me rassure, c'est que je ne miserais pas ma chemise sur une victoire déjà acquise du "naaan". Avant de me relever, je lisais des papiers de Michel Foucault sur la révolution iranienne. Le discours sous-tendu des tenants du "naaan" amène ses auditeurs à penser que ce serait une révolution que de voter "non". Or, ce pays est-il gangréné par la corruption ? Le système judiciaire ne fonctionne-t-il pas relativement correctement ? Les éléctions sont libres. Les partis multiples. La police est soumise à des devoirs républicains. Les journaux s'expriment. Les radios ne sont pas censurées, j'entends généralement...

Je veux dire par là que certains rêvent de cette révolution. Qu'ils la souhaitent, la cherchent, entretiennent dans les esprits faibles qu'elle serait salutaire. Mais les ferments de la Révolution ne sont pas là. L'Etat se tient. Il chancèle, il a des balancements suspects, mais il est là, garant de droits inaliénables. Nous ne sommes pas en Iran à la fin de 1978. Ni même en France en mars-avril 1968. Or, si cette Révolution s'avère impossible, toute la réthorique droitiste (Révolution nationale) ou gauchiste (Révolution internationaliste et bolchevique) s'évanouit. Donc le "naaan" devient caduque.

C'est ici que je commence à percevoir des craquements sur ce radeau incertain du "naaan". Les sondages ne s'en feront peut-être pas l'écho, mais les esprits affinés, affûtés devraient commencer doucement à s'en apercevoir. Dans cet esprit, contre un "naaan qui opèrerait une mue vers un discours plus guerrier, c'est le "oui" qui devient une utopie pacifiste, et qui le rend si charmant à mes yeux.

PS : Qaunt à la Turquie, Michel Foucault invitait, dans son analyse de l'islam chiite iranien, à l'analyse. Or, toute analyse ne peut se faire décemment qu'en partant du principe de neutralité, en tout cas, pas d'un discours de haine. C'était il y a 27 ans, et ça reste vrai aujourd'hui.

Anonyme a dit…

Marre des NAAAN ! Savent faire que ça. Répondre "naaan" à tout. Et c'est de moi, je le revendique ;-)
Sérieusement, c'est fatigant, cette propension française à geindre toute la sainte journée.
On vit dans le plus beau pays du monde (sinon, pourquoi tous les ans, sous le cagnard, deux cents clampins à vélo viendraient en faire le tour ?) On peut dire ce qu'on pense. Traversez la Méditerranée, et voyez ce qui se passe en Algérie, où les journalistes du Matin sont embastillés, simplement parce qu'ils ne suivent pas la ligne des durs du régime.
Vous vous rendez compte qu'une chaîne de télévision peut traiter un pape de nouveau Hitler sans être inquiêtée ?
Et après, on vient chialer sa mère que les médias sont sous contrôle ? Décidément, ces petits esprits étroits, recroquevillés sur leur quant-à-soi, égoïstes au-delà de l'imaginable, méritent des baffes.
On va les emmener, les Attac, les LO, les LCR, les PC, les Villiers, on va les emmener au Soudan, en Birmanie, en Corée du Nord. Tiens, pourquoi ne les entend-on jamais sur la Corée du Nord ? Partis frères, sans doute. C'est de ça qu'on veut pour la France ? C'est de ça que sera fait l'avenir ? Avec ces gens-là ?
Alors oui, les sondages. Aaaaaah, les sondages... Alors parce que les sondages donnent le "naaan" gagnant, NAAAAN, J'VEUX PAAAAS, gnia gnia gnia, ça prend ses grands airs de diva outragée. Putain, je te mettrai ça à la mine, moi...
Les NAAAAAN, heureusement que vous avez Chirac comme allié. Mais malgré lui, c'est le OUI qui passera.

Anonyme a dit…

(votre dernier lien sur les Pays-Bas ne fonctionne pas)

all a dit…

Bonjour,
Je ne sais pas si les Chinois ont des arguments dilatoires (à mon avis leur seule "tricherie" est de laisser filer leur monnaie à l'instar du $).
Mais tout de même .... L'Uruguay Round a été signé en 1995, devant mettre fin aux barrières douanières en Janvier 2005.
Ce qui fait 10 ans pour réféchir et agir, délai amplement suffisant même pour des dirigeants séniles.

Anonyme a dit…

La Chine, évidemment la meilleure preuve du "oui" à la constitution. Nous sommes sur la même longueur d'onde, Sylvain. Et quel plaisir de te réentendre à la radio !!! (putain, cette voix que tu as ! Et les trucs que tu dis, c'est bien)
Amitiés.
JG (tu me reconnaîtras)

Anonyme a dit…

Puisqu´on cite Simone Veil, j´en profite pour dire que j´aimerais la voir Président de la République.

C´est marrant mais je pense qu´elle serait élue facilement.

Pardon pour le hors-sujet.

Anonyme a dit…

Au sujet de Bolkeinstein et de l'interview de Barre: il a raison , les corporations se voilent la face: le libéralisme social est totalement à la traîne du commerce.
Déjà, il y a 30 ans un ministre du nom de Limouzy a brandi à l'Assemblée Nationale une petite culotte chinoise en désignant le danger. Qu'a-t-on fait, qu'a fait Mr Sarko-frère patron des "textileux"? Rien. C'est lorsque l'invasion est arrivée qu'on a fait quelque chose: on ahurlé au loup.
Les Danois, les Finlandais, les Suédois, plus attachés que nous au social se sont organisés pour attaquer le libéralisme avec ses armes; cela a donné Nokia uu bien lasuppression du chomage finnois suite a la fin du commerce avec les Russes.
Et bien pour les services (Bolkenstein) on fera pareil; défendons nos services publics (pardon, en grève) et mourrons tout seuls!
Nous ferions mieux de défendre ce qu'on nous envie: la qualité de la vie, le pinard (ben oui!) la qualité des soins, Airbus et laisser tomber les demandeurs permanents. Mais ça, ce n'est ni du libéralisme politique, ni du social; C'est un état d'esprit: les scandinaves y arrivent et même s'ils se suicident un peu trop, ils vivent bien.
Alors luttons , comme dirait Marie-George, mais pas avec des pétards: avec les armes de l'adversaire: il y a des créneaux "bien français" à occuper dans l'économie libérale...et même des créneaux européens: la bière, le bacon, les tulipes et les concerts tziganes!